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TF 5A_71/2024 du 13 mars 2024

Propriété par étages; convocation de l’assemblée des propriétaires d’étages; art. 647a, 712n CC

Convocation de l’assemblée des propriétaires d’étages – L’assemblée est en principe convoquée par l’administrateur (art. 712n al. 1 CC). Un cinquième des propriétaires d’étages peut néanmoins lui demander de convoquer une assemblée ; les propriétaires par étages concernés ne peuvent en principe pas le faire eux-mêmes. Toutefois, lorsque comme en l’espèce, aucun administrateur n’a été désigné dans la PPE, chaque propriétaire d’étages est individuellement et directement habilité à convoquer une assemblée, par analogie avec l’art. 647a CC (consid. 4.1).

PPE

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TF 5A_561/2023 du 06 mars 2024

Propriété/Possession; publicité du registre foncier; droit de consultation; art. 970 CC; 26 ORF

Consultation du registre foncier – Un droit d’accès complet au RF sans condition, analogue à celui du propriétaire, ne peut être accordé aux héritiers que dans le cadre d’une succession indivise (consid. 5.1.1). Par ailleurs, celui qui prétend avoir un droit d’accès en vertu de l’art. 970 al. 1 CC doit rendre vraisemblable un intérêt. Seules certaines données du grand livre peuvent être consultées même sans preuve d’un tel intérêt, conformément à l’art. 970 al. 2 CC et à l’art. 26 ORF. L’intérêt pertinent résulte de l’avantage personnel, actuel et concret de celui qui demande l’accès. Cet intérêt peut être de nature juridique ou factuelle (consid. 5.2.1).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 2C_51/2023 du 21 février 2024

Droit foncier agricole; qualité pour recourir en matière d’autorisation d’acquérir un immeuble ou une entreprise agricole; art. 61 ss, 83, 88 LDFR

Qualité pour recourir en matière d’autorisation d’acquérir un immeuble ou une entreprise agricole (art. 61 ss, 83, 88 LDFR) – Rappel des principes (consid. 5.1). L’art. 83 al. 3 LDFR constitue une lex specialis à la clause générale concernant la qualité pour recourir devant le TF ; le législateur a délibérément voulu limiter le cercle des personnes qui peuvent recourir contre la délivrance d’une autorisation d’acquérir des immeubles agricoles. Le vendeur n’a pas qualité pour recourir contre l’octroi de l’autorisation, car il n’a pas d’intérêt à le faire. Il en va de même lorsqu’il prétend avoir été trompé lors de la conclusion du contrat ; dans ce cas, il doit se prévaloir des moyens que lui offre le droit civil (consid. 5.2).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Procédure

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TF 4A_191/2023 du 13 février 2024

Contrat d’entreprise; maxime des débats; fardeau de l’allégation et de la contestation; fardeau de l’administration des preuves et droit à la preuve; art. 55, 152, 221, 317 CPC

Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1.2). Fardeau de l’allégation et renvoi à une pièce (consid. 4.1.3), fardeau de la contestation (consid. 4.1.1). Fardeau de l’administration des preuves et droit à la preuve (consid. 4.1.4).

En l’espèce, s’agissant d’un premier chantier, le maître s’est contenté d’une contestation globale, formulée comme suit : « de manière générale, tous les faits, moyens et conclusions contenus dans le mémoire de demande du demandeur sont contestés par la défenderesse, à moins d’être expressément admis ». Une telle contestation ne satisfait pas à son devoir de motiver la contestation du décompte final produit en procédure, dans lequel les plus-values litigieuses ressortaient expressément (consid. 5).

A l’inverse, pour le second chantier litigieux, les « plus-values » n’étaient pas alléguées. Pour obtenir leur montant, il fallait soustraire du décompte final des deux chantiers, les devis des deux chantiers et les plus-values du premier chantier. Or, pour que les plus-values puissent être retenues, il ne suffit pas que la pièce produite contienne les informations, il faut en outre que leur accès soit aisé et qu’aucune marge d’interprétation ne subsiste. Ce n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, le tribunal doit lui-même comparer le montant final du décompte avec une autre pièce du dossier, soit le devis initial, pour en déduire que des plus-values ont été réalisées (consid. 5.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

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TF 2C_196/2023 du 07 février 2024

Marchés publics; qualité pour recourir d’associations professionnelles; question juridique de principe; art. 83, 89 LTF; 64 AIMP

Question juridique de principe (art. 83 let. f LTF) – Rappel des principes (consid. 1.2 et 1.3.1). Le TF ne s’est encore jamais prononcé sur la possibilité des associations professionnelles de recourir contre des décisions d’attribution de marchés publics et, en particulier, contre des adjudications de gré à gré. Jusqu’à présent, il n’avait été saisi que de recours corporatifs égoïstes dirigés directement contre des actes normatifs cantonaux. De plus, le TF constate que la question est controversée et n’est pas tranchée de manière uniforme dans les différentes jurisprudences cantonales. Compte tenu de l’insécurité juridique engendrée, il se justifie d’admettre que la présente cause soulève une question juridique de principe (consid. 1.3.2).

Qualité pour recourir (art. 89 LTF) – Rappel des principes (consid. 4.1). En matière de marchés publics, le cercle des entreprises ayant qualité pour recourir contre une décision d’adjudication se limite en principe à celles qui ont encore une chance d’obtenir le marché contesté en cas d’admission du recours, respectivement qui auraient eu une chance de l’obtenir dans l’hypothèse où un contrat a déjà été conclu avec le soumissionnaire retenu. Lors d’une adjudication de gré à gré, la qualité pour recourir n’appartient en règle générale qu’aux entreprises qui démontrent être des soumissionnaires potentiels pour le marché public en question, en rendant plausible non seulement qu’elles auraient la capacité réelle de réaliser les prestations demandées, mais aussi qu’elles auraient déposé une offre si un appel d’offres avait été publié(consid. 4.2).

Recours des associations – Rappel des principes (consid. 4.4). En matière de marchés publics, il a toujours été admis que les associations professionnelles devaient satisfaire aux mêmes conditions que toute association (consid. 4.5). Il en découle que les associations professionnelles qui souhaitent recourir contre des décisions d’adjudication de gré à gré ne peuvent le faire qu’en rendant plausible que la majorité ou à tout le moins un grand nombre de leurs membres seraient à la fois aptes et disposés à soumissionner pour les marchés concernés. Il s’agit là d’une application combinée des règles régissant, d’un côté, la qualité pour recourir des associations et, de l’autre, la qualité pour recourir en matière de marchés publics (consid. 4.6). Ces exigences ont en outre été codifiées dans le nouveau droit sur les marchés publics, non applicable en la cause (cf. art. 64 al. 1 AIMP).

En l’espèce, les associations professionnelles recourantes n’ont jamais déclaré en cours de procédure, ni a fortiori rendu vraisemblable qu’une majorité ou du moins une grande portion de leurs membres aurait été concrètement intéressée par les contrats qu’elles contestent. Le seul fait que les associations intéressées se composent d’architectes, d’ingénieurs et d’entrepreneurs ne suffit pas à cet égard (consid. 4.6). En matière de marchés publics, le rôle d’une association professionnelle consiste moins à s’en prendre à des adjudications individuelles qu’à contester les éventuelles nouvelles normes légales adoptées en amont, qui seraient susceptibles de porter atteinte aux intérêts de ses membres (consid. 4.7).

Marchés publics

Marchés publics

Publication prévue

Publication prévue

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TF 5A_21/2023 du 07 février 2024

Propriété par étages; représentation des propriétaires d’étages à l’assemblée; délai pour la contestation des décisions de l’assemblée; nullité d’une décision en matière d’informations; art. 75, 712m, 712p CC; 32 CO

Représentation de propriétaires d’étages à l’assemblée – Le fait que les propriétaires d’étages empêchés puissent charger un tiers de les représenter et de voter conformément aux instructions ne répond pas seulement à un besoin pratique, mais est également considéré comme admissible, compte tenu de l’expression « présent ou représenté » inscrite à l’art. 712p al. 1 CC. Le représentant peut être l’administrateur, dans la mesure où il n’est pas lui-même concerné par le point de l’ordre du jour et qu’il n’est pas non plus libre de voter, mais doit voter conformément aux instructions des propriétaires représentés. Il n’y a alors pas de conflit d’intérêts ou de neutralité évident. En cas de représentation, la connaissance du contenu des décisions et donc du départ du délai pour les contester peuvent être imputés aux représentés en vertu de l’art. 32 al. 1 CO (consid. 4).

Délai pour la contestation des décisions de l’assemblée – Le délai d’un mois pour contester les décisions de l’assemblée (art. 75 en relation avec l’art. 712m al. 2 CC) est un délai de péremption de droit matériel dont le respect doit être examiné d’office et non pas seulement sur la base d’une exception. Lorsque le tribunal mène la conciliation et ne se rend compte que le délai n’a pas été respecté qu’à la rédaction de la décision, puis rejette l’action pour cette raison sans entendre les parties, le droit d’être entendu de ces dernières peut être réparé en appel (consid. 5).

Nullité d’une décision en matière d’informations – La nullité n’entre en ligne de compte qu’exceptionnellement en cas d’irrégularité qualifiée. C’est en principe le cas, lorsqu’il existe un grave vice de forme ou de fond, par exemple lorsque la structure ou l’institution de la propriété par étage est violée, que l’assemblée est convoquée par une personne incompétente, qu’un propriétaire d’étages n’est volontairement pas invité ou qu’il est définitivement privé de tout droit de vote. Comme en droit des sociétés anonymes, les violations des devoirs d’information relèvent en principe du régime l’annulabilité et non de la nullité. En ce qui concerne l’utilisation de leurs contributions forfaitaires, les propriétaires ont un droit à l’information et à la reddition de comptes vis-à-vis de l’administration, droit qui peut également être exercé par voie judiciaire. Une interdiction faite à l’administration par décision des copropriétaires d’accorder l’accès à certains copropriétaires à ces informations est contraire à la loi et peut donc être contestée. Une telle décision est annulable et non pas nulle (consid. 6).

PPE

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Partie générale du CO

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TF 5A_966/2022 du 07 février 2024

Propriété par étages; transformation d’une PPE; division d’une part d’étage; art. 648. 712d, 712e CC; 68 ss ORF

Transformation d’une PPE/division d’une part d’étage – La délimitation spatiale des unités d’étage et la fixation des quotes-parts de valeur constituent le contenu obligatoire de l’acte de fondation d’une PPE (art. 712d al. 2, 712e al. 1 et 68 ss ORF), lequel doit être assimilé matériellement à une décision prise à l’unanimité. Par conséquent, la transformation de parties privatives en parties communes ou inversement constitue un acte de disposition de la chose au sens de l’art. 648 al. 2 CC, ce qui requiert une décision unanime. La situation n’est pas différente du fait que les parties communes concernées font déjà l’objet de droits d’usage particuliers. En effet, ceux-ci ne peuvent être créés que sur des parties communes ; les surfaces ou parties de construction concernées restent communes. De plus, la division d’une part d’étage en onze nouvelles parts entraînerait la création de dix nouvelles voix, ce qui aurait une influence considérable sur les droits de vote, en vertu du principe fondamental du droit de vote par tête. Une telle division exige également une adaptation de la description de l’immeuble et du plan de répartition. Le fait que l’opération n’entraîne pas de frais supplémentaires pour les propriétaires qui s’y opposent n’est pas pertinent. Faute de décision prise à l’unanimité, la décision de l’assemblée des propriétaires d’étages approuvant de telles modifications doit être annulée (consid. 3 à 5).

PPE

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TF 5A_967/2022 du 07 février 2024

Propriété par étages; abus de droit et égalité de traitement dans les décisions de la PPE; art. 2 al. 2 et 712m CC

Abus de droit et égalité de traitement dans les décisions de la PPE – La majorité ne doit pas abuser du pouvoir qui lui est conféré au regard d’intérêts contraires de la minorité en les lésant sans raison objective. Dans ses décisions, l’assemblée des copropriétaires doit en outre respecter le principe de l’égalité de traitement, qui est violé lorsque l’inégalité atteint un seuil important et qu’elle n’est pas justifiée par une raison objective.

En l’espèce, les parties avaient convenu, dans une transaction judiciaire datant de 2014, de diverses obligations pour les uns et les autres. En résumé, certains propriétaires devaient payer des sommes importantes pour assurer l’achèvement de leurs blocs d’habitation, en contrepartie de quoi les autres propriétaires leur octroyaient des droits de jouissance spéciaux sur les terrasses du toit de l’immeuble et prenait à leur charge la réalisation des voies d’accès au toit et des issues de secours ainsi que de l’aménagement du sol, y compris la végétation. En l’occurrence, les décisions de l’assemblée des propriétaires d’étages ne sont pas nulles du seul fait que les propriétaires n’ont pas respecté la convention et ont voté contrairement à ce qui y était prévu, car les conventions de vote n’ont d’effet qu’inter partes. Il y a cependant une inégalité de traitement flagrante, puisque certaines des obligations ont été reprises dans le règlement de PPE comme prévu et immédiatement exécutés alors que d’autres ne l’ont pas été, sans raison objective (consid. 3 et 4).

PPE

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TF 5A_61/2023 du 07 février 2024

Propriété par étages; faits notoires; art. 151 CPC

Faits notoires – Un fait connu du tribunal par sa propre activité judiciaire, en particulier dans le cadre de procédures antérieures, est considéré comme judiciairement notoire au sens de l’art. 151 CPC. Pour de tels faits, non seulement aucune preuve n’est nécessaire au-delà du libellé de la loi, mais ils n’ont même pas besoin d’être allégués par les parties (consid. 3).

NB : les arrêts qui précèdent (5A_21/2023 ; 5A_966/2022 ; 5A_967/2022), de même que l’arrêt 5A_63/2023 dont le contenu est similaire au présent arrêt, impliquent les mêmes parties, aux prises à un conflit de long terme qui occupe les tribunaux depuis plus de 10 ans désormais (et le TF de relever que chaque procédure finit par devant lui). Il n’est ainsi pas surprenant que les différentes instances connaissent ce contexte et les faits qui en découlent par cœur. Bienvenue en PPE !

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TF 5A_97/2022 du 07 février 2024

Servitude; droit de passage nécessaire; détermination du fonds servant; art. 694 CC

Droit de passage nécessaire (art. 694 CC) – Rappel des principes (consid. 2.1). Le propriétaire qui souhaite obtenir un accès à un bien-fonds doit d’abord recourir aux instruments offerts par le droit public ; l’art. 694 CC ne peut intervenir qu’à titre subsidiaire (consid. 2.3.1).

Détermination du fonds servant (art. 694 al. 2 et 3 CC) – Une demande de passage nécessaire doit d’abord être dirigée contre le voisin à qui le passage peut être le plus naturellement réclamé en raison de l’état antérieur des propriétés et des voies d’accès. En cas de division parcellaire, il s’agit de l’autre parcelle divisée, qui dispose encore d’un accès. Cet ordre de priorité est relativisé par l’art. 694 al. 3 CC et il peut y être dérogé dans deux cas : premièrement lorsque les coûts de construction et d’entretien apparaissent disproportionnés ; deuxièmement, lorsque la mesure causerait un préjudice disproportionné au propriétaire de l’immeuble désigné par le premier critère et qu’elle pourrait grever un autre immeuble, en causant à son propriétaire un désavantage nettement moindre (consid. 2.3.2).

En l’espèce, le dommage pour les fonds grevés (critère du passage moins dommageable) était financièrement moins important que pour les fonds issus de la division parcellaire (critère de l’état antérieur des propriétés). De plus, le passage nécessaire n’entraînait pas de réelle diminution des possibilités d’utilisation des fonds grevés, puisque seule la bande de terrain servant de « voie de desserte » à l’activité exercée sur cette parcelle était grevée (consid. 2.3.3). En fait, à préjudice égal, il n’est pas arbitraire de retenir les parcelles sur lesquelles existe déjà un chemin par rapport à une parcelle vierge (consid. 2.3.4).

Servitude

Servitude

TF 4A_314/2023 du 01 février 2024

Contrat d’entreprise; réduction du prix en cas de défauts; présomption de fait; art. 368 al. 2 CO; 158, 183 CPC

Réduction du prix en cas de défauts (art. 368 al. 2 CO) – Rappel des principes. Pour calculer la réduction de prix « en proportion de la moins-value », la méthode relative s’applique, laquelle se heurte en pratique à la difficulté de fixer la valeur objective de l’ouvrage convenu (sans défaut) et la valeur objective de l’ouvrage effectivement livré (avec défaut). Pour éviter ces problèmes, la jurisprudence a d’abord posé comme présomption que la valeur de l’ouvrage qui aurait dû être livré est égale au prix convenu par les parties. En outre, le TF a posé une seconde présomption en ce sens que la moins-value est présumée égale aux coûts de remise en état de l’ouvrage. L’application conjointe de ces deux présomptions aboutit à une réduction du prix égale au coût de l’élimination du défaut. Il appartient à celle des parties qui prétend renverser l’une ou l’autre de ces présomptions de l’établir (consid. 5).

En l’espèce, le maître s’est limité à une action en réduction du prix, de sorte qu’il a renoncé à une indemnité pour les frais de réfection (consid. 5.3.1). Dans le cadre d’une procédure de preuve à futur, un expert a constaté que les frais de réparations de l’ouvrage s’élevaient à CHF 324'000.-. Ce montant a été considéré par le maître comme correspondant à la moins-value. Pour le TF, dès lors que ce montant dépasse le prix de l’ouvrage et qu’il est incontesté que la valeur de l’ouvrage n’est pas nulle, la seconde présomption ne peut s’appliquer (consid. 5.3.2). Or le maître n’a en l’espèce pas établi le montant de la réduction et il n’incombe pas au juge d’extrapoler ce montant sur la base du rapport d’expert ou de questionner l’expert sur ce sujet (consid. 5.3.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

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TF 5A_358/2023 du 01 février 2024

Servitude; renonciation à une servitude; art. 734 CC

Renonciation à une servitude – La servitude s’éteint avec sa radiation au registre foncier (art. 734 CC). La renonciation à une servitude peut toutefois être effective avant la radiation si son ayant droit déclare y renoncer sans réserve ni condition ; la volonté de renoncer peut être exprimée expressément ou tacitement, un comportement implicite devant exprimer clairement cette volonté. Tel est par exemple le cas lorsque le propriétaire du fonds grevé autorise une construction contraire à la servitude sur le fonds voisin. En revanche, le seul non-exercice d’une servitude pendant une longue période ne peut être interprété comme une déclaration de renonciation et donc avoir une portée juridique que si les circonstances indiquent sans équivoque cette intention et qu’une autre interprétation doit être considérée comme exclue ou du moins hautement improbable. Lorsque la renonciation à la servitude n’est pas suivie d’une déclaration correspondante du titulaire de la servitude, adressée au registre foncier, le propriétaire du fonds servant doit ouvrir action en rectification du registre foncier pour obtenir la radiation de la servitude (consid. 3.1.2).

En l’espèce, les parties ont conclu un accord global, prévoyant la plantation d’une haie sur l’assiette d’une servitude de passage. Bien que l’accord ne le mentionne pas expressément, il est possible de retenir sans arbitraire que la volonté subjective des propriétaires du fonds dominant était de renoncer à la servitude (consid. 5.2.2).

Servitude

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TF 5A_289/2023 du 01 février 2024

Servitude; inscription et interprétation d’une servitude; art. 738, 971, 973 CC

Inscription et interprétation d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1). En l’espèce, l’inscription d’une servitude est libellée uniquement « Passage ». Elle date de 1931 et aucun contrat constitutif ne figure au registre foncier. Elle a été reconduite à l’identique en 1990, à la division du fonds grevé. En 2006, à l’occasion d’une « mise à jour » de la servitude (terme utilisé dans le verbal du RF), l’étendue de la servitude a été clairement délimitée en référence à un plan ; son assiette peut ainsi établie au regard de celui-ci, qui figure au registre foncier. Il n’en demeure pas moins que le contenu même de la restriction ne peut être objectivement défini en s'arrêtant à l’inscription au registre foncier. De plus, aucun contrat constitutif n’a été conclu en 2006. Ces circonstances permettent objectivement de comprendre que la « mise à jour » de 2006 s'est limitée à préciser l’assiette de la restriction, sans concerner son contenu même. Ce contenu a été établi correctement par les instances précédentes, en référence au but qui découlait raisonnablement des besoins d’utilisation du fonds dominant, selon les circonstances de l'époque en 1931, c’est-à-dire pour un usage exclusivement agricole (consid. 3.4).

Servitude

Servitude

TF 1C_598/2023 du 29 janvier 2024

Expropriation matérielle; zone réservée et blocage des constructions entre la publication du plan et son approbation; art. 26 Cst.; 5, 27 LAT

Expropriation matérielle (art. 26 Cst. ; 5 LAT) – Rappel des principes (consid. 2.2.1).

Zone réservée (art. 27 LAT) et blocage des constructions entre la publication du plan et son approbation – Ce type de mesures n’entraînent qu’une restriction temporaire de la propriété. Selon la jurisprudence, une interdiction temporaire de construire ne donne en principe pas lieu à une indemnité pour expropriation matérielle, sauf si la restriction de la propriété est grave parce qu’elle dure longtemps. La jurisprudence n’a pas fixé de manière schématique et générale une limite de temps à partir de laquelle une restriction temporaire de la propriété doit être considérée comme de longue durée. Néanmoins, une interdiction limitée à cinq ans n’est généralement pas constitutive d’une expropriation matérielle, alors qu’une interdiction dépassant dix ans peut l’être. La question de savoir si une restriction importante à la propriété est donnée ou non ne peut en effet être résolue qu’après un certain temps, en principe dix ans, ou au moment de la planification définitive. En tout état de cause, il convient d’examiner sur la base des circonstances concrètes du cas d’espèce si l’intensité de la restriction équivaut à une expropriation matérielle (consid. 2.2.2).

En l’espèce, les mesures d’aménagement étaient provisoires, d’abord de mars 2006 à mars 2013 (zone réservée), puis de décembre 2016 à janvier 2019 (blocage des constructions avant approbation du plan). Prises séparément ou même cumulées, ces périodes ont duré moins de 10 ans. De plus, les parcelles concernées sont redevenues constructibles entre 2013 et 2016, puis entre janvier 2019 et octobre 2020, soit des périodes non négligeables, qui auraient permis d’entamer une procédure de construction. Les propriétaires n’ont toutefois jamais rien entrepris. Ils ne démontrent pas non plus qu’ils ont été contraints, en raison des mesures temporaires, de reporter à long terme certains projets de construction qui auraient pu être approuvés. La perte totale et définitive de la constructibilité de la parcelle entrée en vigueur en 2020 ne fait pas l’objet de la présente procédure. Ainsi, le droit à une indemnité pour expropriation matérielle doit être nié (consid. 2.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 1C_30/2023 du 29 janvier 2024

Expropriation matérielle; distinction entre un déclassement et un refus de classement; brèche dans le bâti; principe de la confiance; sacrifice particulier; art. 26 Cst.; 5 LAT

Expropriation matérielle (art. 26 Cst. ; 5 LAT) – Rappel des principes. Distinction entre un déclassement et un refus de classement – Rappel des principes (consid. 3.2.2). En l’espèce, la parcelle n’est plus soumise, depuis 2022, à une planification définitive ; il existe au contraire un vide de planification. En pratique, cela revient néanmoins à une restriction à long terme du droit de construire (consid. 3.3). Cette restriction doit toutefois être qualifiée de refus de classement, dans la mesure où l’ancienne planification, abrogée en 2022, n’était pas conforme à la LAT en raison d’un surdimensionnement de la zone à bâtir (consid. 3.4). En outre, les investissements et les frais d’équipement allégués en l’espèce ont été réalisés dans le passé pour les anciennes activités de stockage et de commerce de carburants et ne sont donc pas liés à la non-affectation à la zone à bâtir en 2002. Par ailleurs, le prix d’achat du terrain ne fait pas partie des frais d’équipement. L’existence d’un lien de causalité entre les dépenses alléguées et la mesure susceptible de constituer une expropriation matérielle a donc été niée à juste titre (consid. 4.4).

Brèche dans le bâti (Baulücken) – La notion est comprise de manière restrictive par la jurisprudence et comprend essentiellement des parcelles individuelles non construites qui jouxtent directement les terrains construits, généralement déjà viabilisés et présentant une superficie relativement faible. L’affectation du terrain à bâtir non construit est principalement déterminée par les constructions qui l’entourent ; la brèche dans le bâti doit donc faire partie du milieu bâti fermé, participer à la qualité de celui-ci et être si fortement marquée par les constructions existantes qu’il est judicieux d’envisager son inclusion dans la zone à bâtir (consid. 5.2). En l’espèce, la surface concernée, de par sa grande taille et sa position géographique, constitue une grande zone majoritairement non bâtie, autonome et détachée des zones urbanisées qui l’entourent ; elle ne constitue pas une brèche dans le bâti au sens de la jurisprudence (consid. 5.3).

Principe de la confiance en matière d’expropriation matérielle – Rappel des principes (consid. 6.2). En l’espèce, le dossier ne présente pas de promesses ou d’assurances données par les autorités. Le fait que des décisions gouvernementales placent provisoirement le terrain dans une « zone de conversion et de réaménagement », sans que ces décisions ne contiennent d’injonctions contraignantes quant à l’inclusion du terrain dans une zone à bâtir déterminée, alors que la planification future demeurait effectivement incertaine, ne permet pas de retenir que le propriétaire pouvait de bonne foi s’attendre à un classement en zone à bâtir (consid. 6.4).

Condition du sacrifice particulier – Une atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires d’une manière telle que, s’ils n’étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le principe de l’égalité de traitement. La protection s’étend uniquement à l’usage futur prévisible du fonds, c’est-à-dire la possibilité de l’affecter à la construction sans délai (consid. 3.2.1). Tel n’est pas le cas en l’espèce, pour un terrain qu’il n’était même pas obligatoire d’affecter à la zone à bâtir (consid. 7.2).

NB : les arrêts du TF 1C_28/2023 et TF 1C_29/2023 portent sur des parcelles voisines du même ensemble ; les considérants sont similaires, le sort de la cause identique.

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 2C_222/2023 du 19 janvier 2024

Marchés publics; recevabilité du recours en matière de droit public; question juridique de principe; art. 83 LTF; 27 LPM

Recevabilité du recours en matière de droit public (art. 83 let. f LTF) – Dans le domaine des marchés publics, le recours en matière de droit public n’est recevable qu’à la double condition que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (ch. 1) et que la valeur estimée du marché à adjuger ne soit pas inférieure à la valeur-seuil déterminante visée à l’art. 52 al. 1 de la Loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP) (consid. 1.1). En l’espèce, la valeur-seuil, fixée à CHF 2 millions pour les travaux de construction commandés par des entreprises publiques ou privés assurant, comme les CFF, un service public, est atteinte (consid. 1.2).

Question juridique de principe – Rappel des principes (consid. 1.3). En l’espèce, ne constituent pas des questions juridiques de principe :

  1. la question de savoir si les critères d’aptitude ou de qualification auxquels doivent satisfaire les soumissionnaires à un marché public doivent obligatoirement apparaître - directement et expressément - dans l’appel d’offres publié sur simap.ch pour pouvoir conduire à une exclusion de la procédure de passation. Pour le TF, le texte clair de l’art. 27 LMP permet de répondre à la question par la négative. En outre, il rappelle que les prescriptions contenues dans les documents d’appel d’offres dont l’importance est identifiable ne peuvent en principe être contestées que dans le cadre d’un recours immédiat contre l’appel d’offres (consid. 1.5.1).
  2. la question de savoir si l’exclusion en raison du non-respect d’un seul et unique critère d’aptitude ou de qualification est possible. En l’occurrence, il s’agit en réalité de vérifier si l’exclusion représenterait une sanction disproportionnée, soit de contrôler la bonne application du droit et non de répondre à une question juridique de principe. De plus, la jurisprudence fédérale souligne depuis longtemps et de manière constante que les entreprises soumissionnaires qui ne remplissent pas un ou plusieurs critères d’aptitude ou de qualification fixés par l’autorité adjudicatrice peuvent voir leur offre exclue d’emblée (consid. 1.5.2).
  3. la question de savoir si un pouvoir adjudicateur, comme les CFF, peut laisser un soumissionnaire dans l’erreur, après s’être aperçu que celui-ci avait manifestement mal compris un critère de qualification et l’exclure ultérieurement en raison de fausses indications découlant de ce malentendu. Pour le TF, la question n’aurait pas d’influence pour le sort du litige, puisque le consortium avait en l’espèce parfaitement saisi toutes les exigences auxquelles son offre aurait dû répondre (consid. 1.5.3).
  4. la question de savoir si un pouvoir adjudicateur peut nier l’aptitude d’un soumissionnaire en retenant que certains de ses collaborateurs ne satisfont pas aux exigences de qualification minimales, sans se renseigner auprès des personnes de référence indiquées dans l’offre, mais uniquement auprès d’autres tiers. A nouveau, il s’agit, d’une question nullement pertinente pour l’issue du litige d'espèce, puisqu’il est admis que la personne n’avait jamais assumé de fonction similaire auparavant, contrairement aux exigences de l’appel d’offres (consid. 1.5.4).
Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 5A_658/2023 du 17 janvier 2024

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; inscription provisoire d’une hypothèque légale; vraisemblance des travaux; art. 839 al. 2, 961 al. 3 CC

Inscription provisoire d’une hypothèque légale (art. 839 al. 2 et 961 al. 3 CC) – Vu la brièveté et l’effet péremptoire du délai de l’art. 839 al. 2 CC, l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être refusée que si l’existence du droit à l’inscription définitive du gage immobilier paraît exclue ou hautement invraisemblable. En présence d’une situation de fait ou de droit mal élucidée méritant un examen plus ample que celui auquel il peut être procédé dans le cadre d’une instruction sommaire, il convient bien plutôt de laisser au juge de l’action au fond le soin de décider si le droit à l’hypothèque doit en définitive être admis (consid. 4.1).

Vraisemblance des travaux – La jurisprudence qui précède ne signifie pas qu’une inscription doive être ordonnée alors même que le prétendu entrepreneur n’apporte aucune preuve, ni même aucun indice selon lequel il a effectué des travaux et que l’existence même de ces travaux est contestée. En l’espèce, l’entrepreneur échoue à rendre vraisemblable la réalisation de travaux, dès lors qu’il n’a produit ni contrat, ni devis, ni procès-verbal de chantier, ni relevé d’heures, ni photographie des travaux, ni même la moindre correspondance avec le maître. Le témoignage d’un de ses employés n’a pas davantage été proposé. La production de factures qu’il avait lui-même émises ainsi que celle de relevés de localisation de véhicules sont insuffisantes même sous l’angle de la vraisemblance (consid. 4.3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

Procédure

TF 4A_597/2021 du 15 janvier 2024

Arbitrage interne; motifs du recours contre une sentence arbitrale; qualification contrat de prêt ou société simple; production d’une pièce au contenu erroné; art. 393 CPC

Motifs du recours contre une sentence arbitrale – Rappel des principes concernant les griefs d’omission de se prononcer sur une conclusion (art. 393 let. c CPC) et d’arbitraire (art. 393 let. e CPC) (consid. 4 et 5).

Qualification du contrat de prêt partiaire ou de société simple – Rappelant sa jurisprudence publiée (ATF 99 II 303, consid. 4), le TF souligne qu’un accord prévoyant une participation aux pertes n’est pas un élément distinctif décisif pour déterminer la nature du contrat (prêt partiaire ou société simple). En l’occurrence différents prêteurs avaient conclu des contrats séparés, sans échange d’intention entre ceux-ci. Outre l’intérêt commun de réaliser un profit dans l’opération immobilière d’espèce, chacun avait un intérêt spécifique différent, de sorte qu’il n’est pas arbitraire de nier l’existence d’un animus societatis (consid. 5.1).

Production d’une pièce au contenu erroné – Le fait que l’arbitre n’ait pas relevé des erreurs dans un document préparé par une partie et défavorable à celle-ci n’entre pas dans le cadre étroit d’une censure dirigée contre une constatation de fait manifestement en contradiction avec les pièces (consid. 5.5).

Arbitrage interne

Arbitrage interne

Contrat de prêt

Contrat de prêt

Procédure

Procédure

TF 5A_307/2023 du 15 janvier 2024

Servitude; droit de passage nécessaire et droit public; état de nécessité et bonne foi; détermination du fonds servant; art. 694 CC; 19-20 LAT

Droit de passage nécessaire et droit public – Le droit de passage nécessaire ne peut être refusé au motif que la construction n’est pas équipée suffisamment au sens des art. 19 et 20 LAT que pour des constructions nouvelles. A l’inverse, l’art. 694 CC doit, pour des immeubles existants, permettre de corriger des insuffisances anciennes, en particulier pour un bâtiment auquel les art. 19 ss LAT n’étaient pas applicables au moment de l’édification et sans qu’un lien puisse être fait avec des règles cantonales anciennes abrogées qui présidaient autrefois à la délivrance du permis de construire (consid. 3.2).

Etat de nécessité et bonne foi – Un propriétaire ne saurait réclamer de passage au sens de l’art. 694 CC lorsqu’il a lui-même causé l’état de nécessité, qu’il l’a toléré ou s’en est accommodé, ou encore lorsqu’il a adopté un comportement contraire au principe de la bonne foi, par exemple en supprimant un passage existant pour en obtenir un plus commode. Le refus du passage suppose donc que le propriétaire ait provoqué l’état de nécessité en agissant de façon délibérée. Il est en revanche admis que l’on ne peut objecter au propriétaire qui achète un bien-fonds déjà construit d’avoir créé par sa faute le besoin d’accès. Le même raisonnement doit s’appliquer à l’héritier du propriétaire à l’origine de l’enclavement, qui ne peut pas non plus se voir imputer l’état de nécessité créé volontairement par celui dont il a hérité. Une attitude abusive ne se transmet pas à titre universel (consid. 4.3).

Détermination du fonds servant (art. 694 al. 2 CC) – Rappel des principes. Dans le cas où une parcelle n’a plus d’accès à la voie publique ensuite de la division d’un fonds ou de l’aliénation d’une parcelle contiguë appartenant au même propriétaire, le passage sera accordé sur l’autre parcelle qui, elle, a encore un accès à la route. Les voies d’accès existantes, mais insuffisantes au regard des besoins actuels, notamment parce que le passage est trop étroit ou ne permet pas l’accès avec un véhicule à moteur, entrent aussi en ligne de compte. En pareil cas, le passage nécessaire est dû par le propriétaire du fonds sur lequel s’exerce le droit de passage existant, si un accès suffisant est possible à travers ce fonds. Ce n’est que si aucun fonds ne répond à ces critères, à savoir lorsque l’état de nécessité ne résulte pas d’une modification de l’état des propriétés ou des voies d’accès, que le droit de passage peut être demandé au propriétaire du fonds sur lequel le passage est le moins dommageable (consid. 5.3.1). Le Tribunal fédéral relève cependant que la doctrine tempère l’ordre de priorité, en ce sens qu’il peut s’inverser en cas de disproportion manifeste entre les inconvénients encourus par les potentiels grevés, respectivement que l’écoulement du temps conduit à ce que les issues antérieures apparaissent déraisonnables par rapport à d’autres issues, devenues plus logiques compte tenu de l’état des lieux (consid. 5.3.2). Finalement, le TF laisse indécise la question de savoir s’il l’on peut opposer une limite temporelle au critère de l’état antérieur des propriétés, tout en précisant que cela revient finalement à pondérer les intérêts des propriétaires susceptibles d’être grevés du passage nécessaire.

En l’espèce, alors que la perte d’accès de la parcelle est postérieure à la division parcellaire et que l’accès par l’autre parcelle issue de la division est déjà existant (servitude de passage) mais insuffisant, il apparaît cohérent de créer l’accès suffisant selon le critère du moindre dommage causé aux propriétaires des potentiels fonds servants (consid. 5.4).

Servitude

Servitude

Publication prévue

Publication prévue

TF 2C_483/2022 du 12 janvier 2024

Droit foncier agricole; autorisation d’acquérir un immeuble ou une entreprise agricole; art. 61 LDFR

Autorisation d’acquérir un immeuble ou une entreprise agricole (art. 61 LDFR) – Celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation, laquelle est accordée lorsqu’il n’existe aucun motif de refus. Constituent des acquisitions au sens de la LDFR, le transfert de la propriété ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un tel transfert. La constitution d’une servitude peut représenter un tel acte juridique. C’est par exemple le cas d’un droit de superficie limité dans le temps, qui n’est pas conçu comme un droit distinct et permanent, mais qui confère à l’ayant droit une position similaire à celle d’un propriétaire (consid. 3.1).

En l’espèce, la question de savoir si la servitude était soumise à autorisation n’a pas été examinée par les instances précédentes. L’arrêt attaqué est ainsi annulé et la cause renvoyée. Le TF précise encore qu’il conviendra de se pencher sur l’autorisation d’acquérir du propriétaire du bien-fonds en plus de celle du bénéficiaire de la servitude, en particulier sur la question de savoir si l’obligation de s’occuper soi-même du bien-fonds acquis est conciliable avec la constitution d’une servitude qui s’étend sur environ un cinquième de la parcelle (consid. 3.2).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

TF 6B_894/2023 du 10 janvier 2024

Droit pénal; dommages à la propriété; art 144 CP

Dommage à la propriété (art. 144 CP) – En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme la condamnation de l’auteur d’un graffiti représentant un drapeau jurassien sur un immeuble, dès lors que le dessin présente d’importantes caractéristiques similaires à d’autres graffitis qu'il avait admis avoir réalisés auparavant (particularités des trois traits de la crosse épiscopale ; des fasces rouges et de leur remplissage ; caractéristiques de la peinture). Le témoignage du frère de l’auteur était constant en ce sens qu’il avait identifié l’auteur. Un autre témoin avait aussi réfuté l’alibi de l’auteur en niant avoir passé la journée avec lui (consid. 1.1 et 1.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_515/2022 du 04 janvier 2024

Contrat d’entreprise; principe de disposition; définition du dommage; indemnité pour perte de revenus locatifs; expertise; art. 58 et 187 CPC

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2). L’entrepreneur qui prend en appel une conclusion spécifique demandant qu’un montant de CHF 63’084.74.-, versé par un tiers cosolidaire, soit déduit du dommage indemnisable, ne peut reprocher au tribunal d’avoir uniquement déduit ce montant et non un montant plus important (consid. 4.3).

Définition du dommage – Rappel des principes (consid. 5.2). Indemnité pour perte des revenus locatifs – En l’espèce, le maître fait valoir une indemnité pour la perte des revenus locatifs causé par un retard de 22 mois dans les travaux, à la suite de l’effondrement des façades du bâtiment. Il a procédé lui-même au calcul du dommage dans l’une des pièces produites dans la procédure ; l’expert a jugé ce calcul acceptable, lequel a ainsi été repris par le tribunal précédent. Dès lors que le litige se limite au montant du dommage, il s’agit d’une question de fait que le TF ne revoit que sous l’angle de l’arbitraire. En l’occurrence, les reproches de l’entrepreneur ne sont pas de nature à remettre en cause les constats de l’expertise ; l'entrepreneur n'a pas non plus fait usage de son droit à demander des explications ou de poser des questions complémentaires à l'expert(art. 187 al. 4 CPC) (consid. 5.4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Procédure

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TF 4A_307/2023 du 21 décembre 2023

Contrat d’entreprise; fixation et répartition des frais et dépens; CPC/VD

Fixation et répartition des frais et dépens L’autorité cantonale de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation et la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale. Le Tribunal fédéral n’intervient que si l’autorité a interprété ou appliqué de manière arbitraire le droit cantonal concerné ou si elle a abusé de son pouvoir d’appréciation, notamment si la décision ne peut se justifier par des raisons objectives (consid. 3.2). Lorsque le maître obtient gain de cause sur le principe de la réparation de défauts invoqués, mais seulement environ la moitié du montant réclamé, il n’est pas arbitraire de lui imputer un tiers des frais et dépens, en particulier si l’existence des défauts affectant l’ouvrage était contestée et a nécessité la mise en œuvre de plusieurs expertises (consid. 3.4). De même, il n’est pas arbitraire de faire supporter entièrement à l’entrepreneur les frais d’établissement d’un dossier de révision, faute pour lui d’avoir transmis des plans de révision exploitables pour l’expertise (consid. 4).

Contrat d'entreprise

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Procédure

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TF 4A_540/2022 du 19 décembre 2023

Contrat d’entreprise; contrat mixte de vente et d’entreprise; réparation des défauts selon la norme SIA 118; droit à la réparation du maître propriétaire d’une part d’étage; PPE sur plan; modification du projet de PPE pendant la construction; coordination entre les droits de garantie d’un propriétaire d’étage et les droits réels entre propriétaires d’étages; art. 368 ss CO; 641, 712d, 712e CC; 69 ORF; 169 Norme SIA 118

Contrat mixte de vente et d’entreprise – Rappel des principes. Application des règles du contrat d’entreprise pour la garantie pour les défauts (art. 368 ss CO), sauf si les parties prévoient autre chose. En l’occurrence, les parties ont convenu d’appliquer la norme SIA 118 (consid. 2.1).

Réparation des défauts selon la norme SIA 118 – L’art. 169 al. 1 ch. 1 norme SIA 118 privilégie la réparation, mais suppose pour celle-ci, par analogie avec l’art. 368 al. 2 CO, qu’elle n’entraîne pas de frais excessifs (consid. 2.1).

Droit à la réparation du maître propriétaire d’une part d’étage – L’entrepreneur qui se charge contractuellement de la construction d’une part d’étage est tenu envers le client de livrer l’ouvrage exempt de défauts, même en ce qui concerne les éléments de construction dont d’autres copropriétaires ont également la jouissance. Le droit à la réparation est indivisible et chaque propriétaire d’étages peut exercer ses droits contractuels à la réparation envers l’entrepreneur, même si ces droits concernent des parties communes d’un ouvrage divisé en PPE. Etant donné que les contrats entre l’entrepreneur et les différents acquéreurs n’ont pas forcément le même contenu, se pose la question de savoir dans quelle mesure un seul propriétaire peut faire valoir son droit contractuel à la réparation. C’est en particulier le cas lorsque le « défaut » concerne une partie commune et que les autres copropriétaires ne considèrent pas l’ouvrage comme défectueux, respectivement ont accepté le défaut ou la modification des plans. Dans ces circonstances, selon le TF, une coordination est nécessaire entre l’application du droit à la réparation prévu par les contrats d’entreprise des différents acquéreurs de la PPE et les règles relatives à la prise de décision de la communauté des propriétaires par étages. Un propriétaire d’étages ne peut pas imposer tout ce qu’il pourrait exiger en soi de l’entrepreneur en vertu de son contrat, sans tenir compte des intérêts des autres copropriétaires (consid. 2.1).

PPE sur plan – Conformément à l’art. 712d al. 1 CC, la PPE est constituée par inscription au registre foncier. Dans certaines conditions, l’inscription de la propriété par étages au registre foncier peut être exigée avant même la construction du bâtiment. Dans ce cas, un plan de répartition doit impérativement être joint à la réquisition (art. 69 al. 1 ORF). L’office du registre foncier inscrit sur le feuillet de l’immeuble de base et sur les feuillets des parts d’étages la mention : « Constitution de la PPE avant la construction du bâtiment » (art. 69 al. 2 ORF). Le plan de répartition sert à préciser et à délimiter l’étendue des droits exclusifs, mais il ne participe pas à la foi publique du registre foncier et n’est pas un acte authentique au sens de l’art. 9 CC (consid. 2.1.2).

Modification du projet de PPE pendant la construction – Les modifications individuelles du projet ne sont pas mises à jour au fur et à mesure dans le registre foncier. Le fait que les droits spéciaux, en tant que droits privés subjectifs, ne peuvent pas ou pas encore être exercés, tels qu’ils sont consignés dans le registre foncier et notamment dans le plan de répartition, est mis en évidence par la mention au RF prévue à l’art. 69 al. 2 ORF. La rectification des plans doit être effectuée lorsqu’il est établi ce qui a été modifié. Les propriétaires d’étages et l’administrateur doivent annoncer au registre foncier l’achèvement du bâtiment dans un délai de trois mois après la construction, le cas échéant en présentant le plan de répartition corrigé après la construction (art. 69 al. 3 ORF). Si la répartition a été modifiée, un plan de répartition corrigé et signé par tous les propriétaires d’étages doit être déposé. En cas de modifications ayant des répercussions sur les quotes-parts, une adaptation contractuelle de celles-ci équivaut à un transfert de propriété foncière et requiert la forme authentique ainsi que l’accord de tous les propriétaires d’étages et l’approbation de l’assemblée des propriétaires d’étages. Toutefois, chaque propriétaire d’étages a droit à une rectification si sa quote-part a été fixée de manière erronée ou si elle est devenue inexacte à la suite de modifications de la construction du bâtiment ou de ses environs (art. 712e al. 2 CC) (consid. 2.1.2).

Coordination entre les droits de garantie d’un propriétaire d’étages et les droits réels entre propriétaires d’étages – En l’espèce, l’entrepreneur n’a pas soumis les modifications du projet à l’ensemble des copropriétaires. Toutefois, certains des copropriétaires actuels ont acquis leurs unités de copropriété en se référant aux modifications apportées au projet et les ont ainsi acceptées. Les droits contractuels des différents propriétaires d’étages ne vont donc pas dans le même sens. Dans cette mesure, il existe manifestement un besoin de coordination : une remise en l’état selon les plans initiaux n’entre en ligne de compte que si le maître peut l’imposer contre la volonté des autres propriétaires d’étages (consid. 2.2), que ces derniers y consentent ou ne sont manifestement pas concernés par elle (consid. 2.3.2). Aucune de ces hypothèses n’est démontrée en l’espèce. Par ailleurs, la question de droit réel entre propriétaires d’étages ne peut pas être tranchée dans le cadre de la présente action contractuelle, uniquement dirigée contre l’entrepreneur, à l’exclusion des autres propriétaires d’étages, lesquels devraient obligatoirement avoir voix au chapitre. De plus, le maître ne parvient pas à démontrer l’arbitraire du constat selon lequel il ne faisait valoir que ses droits en garantie, à l’exclusion de ses droits réels (consid. 2.3). La jurisprudence rendue en matière d’action négatoire (art. 641 al. 2 CC) entre propriétaires d’étages n’est ainsi d’aucun secours au maître (consid. 2.4). Il en est de même des arguments tirés de la procédure décisionnelle et des règles de majorité au sein de la PPE (consid. 2.4.3).

S’agissant de l’articulation entre les droits de garantie du propriétaire d’étages et les relations avec les autres copropriétaires, le TF précise qu’il s’agit de deux questions distinctes de savoir, d’une part, si le recourant peut exiger de l’entrepreneur qu’il modifie les constructions de manière à ce qu’elles correspondent à ce qui a été convenu avec lui et, d’autre part, de savoir si les autres copropriétaires doivent accepter ces modifications (consid. 2.5.1). Toutefois, en vertu du principe de coordination susmentionné, il n’est pas critiquable de refuser la réparation au maître, alors qu’il n’a pas clarifié de manière préalable la situation en matière de droits réels, soit en l’occurrence de savoir si d’éventuelles modifications des parties communes seraient acceptées par les propriétaires d’étages ou peuvent leur être imposées (consid. 2.5.2). Dans le cas contraire, l’entrepreneur risquerait de devoir déconstruire à nouveau à la demande des autres propriétaires d’étages, de sorte que le maître n’a aucun intérêt digne de protection à de tels allers et retours contradictoires (consid. 2.6).

Analyse de Blaise Carron

Tout ce qu’un propriétaire d’étage acquéreur pourrait exiger de l’entrepreneur, il ne peut pas l’imposer sans tenir compte des intérêts des autres copropriétaires

Contrat d'entreprise

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Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

PPE

PPE

TF 1C_497/2021 du 19 décembre 2023

Garantie de la propriété; association et activité commerciale; zones de protections des eaux souterraines; garantie de la propriété; servitude; art. 26 et 36 Cst.; 20 LEaux; Annexe 2 et 4 OEaux; 60 et 61 CC

Association et activité commerciale (art. 60 et 61 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1). En l’espèce, onze immeubles sont titulaires d’un droit réel sur le captage de la source, qui est utilisée par au moins onze ménages et six exploitations agricoles. Les intéressés sont regroupés au sein d’une association, laquelle a pour but de fournir à ses membres de l’eau potable et de l’eau industrielle, de construire et d’exploiter les installations communes pour l’approvisionnement en eau et de représenter les intérêts des membres vers l’extérieur, notamment vis-à-vis des propriétaires des immeubles grevés du droit de source et des services spécialisés de la commune et du canton. Une telle association ne déploie pas d’activité commerciale au sens de la jurisprudence et n’a ainsi pas à être inscrite au RC (consid. 3.1.2). Elle possède un intérêt à agir, puisque ses membres, en tant que titulaires de droits d’eau, sont concernés par le sort de la source qui fait l’objet de la procédure (consid. 3.2).

Zones de protection des eaux souterraines (art. 20 LEaux ; 29 et Annexes 2 et 4 OEaux) – Rappel des principes (consid. 5.1). Garantie de la propriété (art. 26 Cst.) – Rappel des principes (consid. 5.2).

En l’espèce, un plan de protection des eaux a été adopté dans le secteur du captage de la source. Il prévoit une zone de protection des eaux souterraines S1, entourée vers le sud par les zones de protection S2 et S3. Dans la zone S1, seules les activités et constructions servant à l’utilisation de l’eau potable sont autorisées. La zone de protection S2 soumet l’exploitation du sol et la fertilisation aux normes de l’Annexe 3 let. h et de l’Annexe 4, ch. 222 OEaux. Les terres ouvertes doivent donc être recouvertes d’engrais verts ou de fourrage intermédiaire à partir de la mi-novembre, ou d’une culture d’hiver normalement développée, semée au plus tard début septembre et non labourée jusqu’à la mi-février. Les cultures sont interdites dans une zone spécialement indiquée sur le plan de délimitation.

Base légale (art. 36 al. 1 Cst.) – Les propriétaires des terrains agricoles ont tenté en vain de démontrer que la quantité (consid. 5.2.1) ou la qualité de l’eau (consid. 5.2.2) des sources concernées n’étaient pas suffisantes pour justifier la mise en place des zones de protection des eaux. A cet égard, c’est l’état naturel ou enrichi de l’eau qui est déterminant pour décider si une eau souterraine est utilisable ou appropriée pour le captage d’eau ; les pollutions temporaires ne sont pas prises en compte (consid. 5.2.3.3). Le dépassement des seuils de nitrates et de chlorure impose cependant le respect de la procédure prévue par l’art. 47 OEaux (cf. en détails consid. 5.2.3.4). Par ailleurs, l’existence de routes à proximité ne s’oppose pas à la délimitation de nouvelles zones de protection des eaux (consid. 5.2.5.3). Des surfaces d’assolement (cf. sur la notion et la compensation : consid. 5.2.7.1) peuvent être intégrées dans la zone de protection des eaux, puisque ces surfaces, contrairement à ce qui se produirait en cas de classement en zone à bâtir, seraient aptes à produire en l’espace d’un an un rendement conforme aux usages locaux pour des cultures cibles importantes pour l’approvisionnement du pays (consid. 5.2.7.4). Les bases légales permettant d’instaurer la mesure de protection ont donc été respectées.

Intérêt public (art. 20 al. 1 LEaux et art. 36 al. 2 Cst.) – Le rendement de la source d’espèce, avec un débit moyen de 110 litres par minute, pourrait couvrir les besoins d’une population allant jusqu’à 500 personnes. Compte tenu de l’approvisionnement de onze immeubles et d’au moins onze ménages, il est en outre établi qu’il ne s’agit pas d’une simple utilisation domestique privée d’eau potable. Dans ces circonstances, il existe un intérêt public à la restriction de la propriété. Le fait que le droit à la source en question soit de nature privée n’entre pas en ligne de compte (consid.6).

Proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) – Sous cet angle, le TF confirme tout d’abord, l’interdiction des grandes cultures dans une partie de la zone S2, laquelle apparaît comme une concrétisation de l’annexe 4, ch. 222, al. 1, let. d, OEaux, qui interdit de manière générale (en plus de celles citées expressément) les activités qui mettent en danger l’approvisionnement en eau potable (consid. 7.2). Enfin, dans le cadre de la pesée des intérêts, le TF relève que les surfaces concernées par les restrictions d’utilisation ne pèsent pas lourd face à l’ensemble des surfaces d’exploitation des propriétaires des terrains agricoles, d’autant plus que certaines des surfaces concernées sont déjà utilisées aujourd’hui comme prairies naturelles. En outre, des autorisations exceptionnelles sont envisageables pour l’interdiction d’utiliser des engrais liquides. Le fait qu’aucun site alternatif de captage n’ait été examiné ne peut être reproché aux autorités, puisqu’il existe une servitude pour le captage de la source d’espèce. Le fait qu’un site alternatif ne porte atteinte qu’aux intérêts d’autres particuliers, mais pas dans une moindre mesure, n’a pas pour conséquence, notamment au vu de la servitude existante, que la pesée des intérêts s’avère contraire au droit fédéral (consid. 7.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Servitude

Servitude

TF 5A_829/2023 du 15 décembre 2023

Poursuite pour dettes et faillite; poursuite en réalisation du gage; estimation de l’immeuble; art. 9 ORFI

Estimation de l’immeuble (art. 9 ORFI) – Dans le cadre de l’estimation d’un port, il est correct en l’espèce de ne pas tenir compte de la plus-value en raison d’aménagements futurs de ce port, lesquels ne seront réalisés qu’après une procédure de renouvellement du bail. De plus, dans la poursuite en réalisation du gage, l’estimation de l’immeuble n’a qu’un rôle secondaire, puisqu’elle ne donne qu’un ordre d’idée d’une offre acceptable aux intéressés (consid. 5).

LP

LP

TF 5A_524/2023 du 14 décembre 2023

Servitude; motivation de l’appel; motivations alternatives d’un jugement; art. 662, 731 CC; 311 CPC

Motivation de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes. Si une décision comporte une double motivation (i.e. deux motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires), il incombe au recourant, sous peine d’irrecevabilité, de démontrer que chacune d’elles est contraire au droit. On ne peut parler de double motivation que si chacun de ses pans suffit à sceller le sort de la cause. Il n’y a en revanche pas de double motivation lorsque la première motivation scelle le sort du litige, mais que la seconde, qui se fonde sur un critère erroné, est en soi impropre à sceller le sort de la cause ; le fait que l’appelant n’a contesté que la première motivation ne fait dès lors pas obstacle à la recevabilité de l’appel (consid. 3.3.1).

En l’espèce, la volonté de la seule propriétaire de tous les immeubles en cause, de renoncer à l’éventuelle servitude non inscrite en faveur de l’un des immeubles, respectivement de la supprimer, constitue un motif indépendant de ceux relatifs aux conditions de l’acquisition d’une servitude par prescription acquisitive extraordinaire (art. 662 al. 1 cum art. 731 al. 3 CC). En effet, ce premier motif aurait été suffisant à lui seul à sceller le sort de la cause (consid. 3.4).

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 4A_349/2023 du 13 décembre 2023

Contrat d’entreprise; arbitrage interne; fin du contrat d’arbitre; plus-values; livraison partielle de l’ouvrage et avis des défauts; frais et honoraires des arbitres; art. 366 et 393 CPC

Fin du contrat d’arbitre – Exceptionnellement, le contrat d’arbitre peut prendre fin avant le prononcé de la sentence, lorsque les parties ont limité, dans la convention d’arbitrage ou dans un accord ultérieur, la durée de la mission du tribunal arbitral (art. 366 al. 1 CPC) (consid. 4.1.1). En l’espèce, les parties ont certes établi un calendrier procédural dans leur compromis arbitral. Elles n’ont cependant jamais prévu que le non-respect des divers délais procéduraux fixés dans le calendrier procédural entraînerait automatiquement l’extinction des pouvoirs conférés aux arbitres. Le non-respect d’un calendrier procédural peut constituer une violation du mandat des arbitres et, le cas échéant, engager leur responsabilité, mais il n’entraîne pas automatiquement l’extinction de leurs pouvoirs (consid. 4.3).

Plus-values – N’est pas arbitraire le rejet des montants réclamés à titre de plus-values qui ont été contestées par le maître ou acceptées « sous réserve de la facture », l’entrepreneur n’ayant pas établi que les montants réclamés correspondaient aux prix effectifs ni qu’ils avaient été effectivement payés (consid. 7.2).

Livraison partielle de l’ouvrage – N’est pas arbitraire l’affirmation des arbitres qui relèvent que les parties peuvent convenir d’une livraison partielle de l’ouvrage et, qu’en cas de silence du contrat sur ce point, il faut rechercher la volonté des parties par voie d’interprétation. En l’espèce, sur la base des preuves disponibles, l’inexistence d’un tel accord est constatée (consid. 7.3). L’avis des défauts ne peut quant à lui intervenir qu’après la livraison de l’ouvrage (éventuellement partielle), de sorte qu’il ne peut être tardif si la livraison n’a pas eu lieu (consid. 7.3.3).

Frais et honoraires des arbitres – Rappel des principes (consid. 8.1). En l’espèce, vu la valeur litigieuse de CHF 2 millions, la complexité de l’affaire et les nombreux incidents ayant émaillé la procédure, les honoraires des arbitres, d’un montant de CHF 350'000.-, n’apparaissent pas manifestement excessifs (consid. 8.3).

NB : l’arrêt du TF 4A_343/2023 du 13 décembre 2023 porte sur la même affaire et concerne un grief d’arbitraire dans le calcul des intérêts. Celui-ci a été rejeté faute, pour le maître, d’avoir pu prouver la date de certains paiements.

Contrat d'entreprise

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Arbitrage interne

Arbitrage interne

Procédure

Procédure

TF 2C_494/2022 du 12 décembre 2023

Droit foncier agricole; notion d’entreprise agricole; décision constatatoire; art. 7 et 84 LDFR

Notion d’entreprise agricole (art. 7 LDFR) – Une entreprise agricole doit exiger au minimum une unité de main d’œuvre standard (UMOS) et présuppose que les immeubles, constructions et installations en question forment une unité juridique et puissent être exploités à partir d’un centre commun (unité spatiale et fonctionnelle) (consid. 4.1). L’appréciation de la charge de travail doit se faire selon des critères objectifs. L’exploitation effective n’est pas pertinente, car le propriétaire foncier ne doit pas pouvoir se soustraire au champ d’application de la LDFR par le choix du mode d’exploitation ou par la non-exploitation du potentiel d’exploitation (consid. 4.3 et 5.4.1).

Décision constatatoire – Il existe de par la loi (cf. art. 84 LDFR) un intérêt à une décision constatatoire portant sur le constat qu’une entreprise doit ou non être qualifiée d’entreprise agricole au sens de l’art. 7 LDFR (consid. 1.2).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

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TF 5A_941/2022 du 12 décembre 2023

Droit de superficie; droit de retour anticipé; violation de l’obligation d’entretien et d’exploitation; conditions formelles du droit de retour; art. 779f ss CC; 107-108 CO

Droit de retour anticipé (art. 779f à 779h CC) – Le droit de retour anticipé d’un droit de superficie, permet au propriétaire du bien-fonds, aux conditions strictes prévues par la loi, de priver le superficiaire de sa servitude. Ce retour est soumis à deux conditions : d’une part, une grave violation de ses devoirs par le superficiaire, d’autre part, le versement d’une indemnité équitable par le propriétaire (consid. 3).

Violation de l’obligation d’entretien et d’exploitation – En l’espèce, un droit de superficie a été accordé par une Commune propriétaire à une entreprise exploitante d’un complexe hôtelier, dont le bâtiment a été construit en vertu de la servitude. Malgré plusieurs modifications successives du contrat de superficie et un changement de superficiaire, la clause exigeant l’entretien des bâtiments existants n’a jamais été modifiée ou retirée. En outre, nonobstant l’existence d’un projet de construction d’un nouveau complexe immobilier à la place de l’hôtel-restaurant, il existait un intérêt de la Commune à ne pas rendre l’état de l’immeuble irréversible. Ainsi, le Tribunal fédéral confirme que les obligations de la superficiaire perduraient (consid. 5). La superficiaire ne parvient pas à démontrer l’arbitraire des constatations de l’instance précédente selon lesquelles l’hôtel-restaurant, en état de décrépitude, souffrait indubitablement d’un manque d’entretien depuis plusieurs années au moment de la résiliation du contrat (consid. 6). Il ne parvient pas davantage à démontrer qu’il était arbitraire de retenir qu’une obligation d’exploiter un hôtel-restaurant lui incombait (consid. 7.1). Pour le surplus, la recherche d’un autre exploitant ne peut être assimilée à une exploitation (consid. 7.4).

Conditions formelles de l’exercice du droit de retour anticipé Suivant la doctrine majoritaire, le Tribunal fédéral décide l’application par analogie de l’art. 107 CO à l’exercice du droit de retour. En cas de violation des devoirs du superficiaire, le superficiant doit le mettre en demeure de rétablir la situation conforme au droit ou de se conformer à ses obligations contractuelles en lui impartissant un délai de grâce. Cette formalité ne saurait toutefois être imposée lorsqu’il apparaît d’emblée, eu égard à l’attitude du superficiaire, qu’elle restera sans effet (art. 108 ch. 1 CO), ce qui suppose un refus clair et définitif de la part du superficiaire de se mettre en conformité (consid. 8.3.2.1). En l’espèce, la Commune n’a pas valablement mis en demeure la superficiaire de remplir ses obligations d’entretien et d’exploitation dans un délai convenable. Un courrier du superficiant affirmant que la superficiaire ne remplit pas ses obligations d’entretien et d’exploitation, précisant que ces violations peuvent faire l’objet d’un retour anticipé, n’est pas suffisant puisqu’il n’exige pas que des travaux soient entrepris ou que l’exploitation soit reprise dans un certain délai. En conséquence, l’affaire est renvoyée pour que le Tribunal cantonal se prononce sur la question de savoir si les circonstances permettaient à la Commune de se passer d’une interpellation en application de l’art. 108 ch. 1 CO (consid. 8.4).

Analyse de Marcel Eggler

De l’importance de la fixation d’un délai de grâce dans l’exercice du droit de retour anticipé d’un droit de superficie

Servitude

Servitude

Partie générale du CO

Partie générale du CO

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_497/2022 du 08 décembre 2023

Contrat d’entreprise; maxime des débats et fardeau de la preuve en matière d’avis des défauts; art. 55 CPC; 8 CC; 367 et 370 CO

Maxime des débats (art. 55 CPC) et fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 5.1.1). Avis des défauts (art. 367 et 370 CO) – Rappel des principes (consid. 5.3.2).

En matière d’avis des défauts, le maître de l’ouvrage (ou l’acheteur) qui émet des prétentions en garantie doit prouver qu’il a donné l’avis des défauts en temps utile, mais il incombe à l’entrepreneur (ou au vendeur) d’alléguer l’acceptation de l’ouvrage découlant de la tardiveté de l’avis des défauts. Cette jurisprudence implique une séparation des fardeaux de l’allégation et de la preuve. Après avoir, dans un premier temps, exprimé des doutes sur cette « séparation inusuelle » des fardeaux de l’allégation (objectif) et de la preuve, tout en laissant la question en suspens, le TF a finalement maintenu sa jurisprudence publiée aux ATF 107 II 50 et 118 II 142 dans plusieurs arrêts non publiés. L’entrepreneur (ou le vendeur) supporte donc le fardeau de l’allégation objectif de l’absence d’avis des défauts ou de la tardiveté de celui-ci et le maître de l’ouvrage (ou l’acheteur) supporte le fardeau de la preuve de l’un ou l’autre de ces faits (consid. 5.3.3).

En l’espèce, l’instance précédente ne pouvait pas reprocher au maître d’ouvrage un défaut d’allégation concernant l’absence du caractère tardif de l’avis des défauts. Elle a ainsi mis à sa charge à la fois le fardeau de la preuve et celui de l’allégation (consid. 5.4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

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TF 5A_676/2023 du 08 décembre 2023

Poursuite pour dettes et faillite; procédure d’estimation d’un immeuble; méthode d’estimation; rôle de l’estimation; art. 91, 97, 112, 140, 155 LP; 9, 44 ORFI

Procédure d’estimation d’un immeuble (art. 97 al. 1 LP et 9 al. 1 ORFI) – L’Office des poursuites procède à l’estimation des biens immobiliers dans le cadre des opérations de saisie. Il renouvelle si nécessaire l’estimation dans le cadre des opérations de réalisation, à l’issue de l’épuration des charges (art. 140 al. 3 LP et art. 44 ORFI). En cas de poursuite en réalisation de gage, l’estimation de l’immeuble engagé a lieu suite à la réquisition de vente, ce mode particulier de poursuite ne comportant pas d’opérations de saisie (art. 155 al. 1 LP qui renvoie à l’art. 91 al. 1 LP et art. 99 al. 1 ORFI qui renvoie à l’art. 9 al. 1 ORFI). L’estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l’immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l’assurance contre l’incendie. Chaque intéressé a le droit d’exiger, en s’adressant à l’autorité de surveillance dans le délai de dix jours dès réception de l’estimation de l’Office, qu’une nouvelle estimation de l’immeuble à réaliser soit faite par un expert (art. 9 al. 2 ORFI). L’autorité de surveillance s’en remet en principe à l’avis des experts. Il n’est d’ailleurs pas rare que deux experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d’estimation pouvant varier considérablement de l’un à l’autre. Dans cette procédure, le TF vérifie seulement si l’autorité cantonale de surveillance a respecté la procédure prévue et si elle n’a pas excédé ou abusé du pouvoir d’appréciation dont elle dispose. Une telle hypothèse est réalisée lorsqu’elle a pris des critères en considération qui n’auraient pas dû jouer de rôle ou si, au contraire, elle a ignoré des circonstances pertinentes (consid. 3.1.1).

Méthode d’estimation – L’estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l’immeuble à réaliser (art. 9 al. 1 ORFI), à savoir le produit prévisible de la vente, mais sans devoir être « la plus élevée possible ». Elle ne préjuge en rien du prix qui sera effectivement obtenu lors des enchères ; tout au plus peut-elle fournir aux enchérisseurs un point de repère quant à l’offre envisageable. Elle doit englober tous les critères susceptibles d’influer sur le prix d’adjudication, notamment les normes du droit public qui définissent les possibilités d’utilisation de l’immeuble à réaliser. En revanche, la loi n’indique pas la méthode à suivre pour procéder à l’estimation de la valeur vénale. En pratique, la méthode hédoniste, qui prend en considération un faisceau de paramètres à l’aide de banques de données, est employée pour estimer des appartements ou des maisons individuelles. Il n’en demeure pas moins qu’une des méthodes reconnues et répandues pour déterminer la valeur vénale d’un immeuble est celle consistant à pondérer la valeur de rendement et la valeur réelle (consid. 3.1.2).

Rôle de l’estimation – Dans la poursuite en réalisation du gage, l’estimation n’a qu’un rôle secondaire, en tant qu’elle ne donne qu’un ordre d’idée d’une offre acceptable aux intéressés. Cela diffère de la fonction qu’elle revêt dans la procédure de saisie où elle fixe l’étendue de la saisie (art. 97 al. 2 LP) (consid. 3.1.2).

LP

LP

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TF 4A_247/2023 du 17 novembre 2023

Contrat de vente; interprétation du contrat; droit à la preuve; art. 29 Cst.; 8 CC; 18 CO; 152 CPC

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). En l’espèce, les parties ont intégré, dans le contrat de vente immobilière, une clause d’augmentation du prix a posteriori, en cas de modification de l’affectation de la parcelle et de revente de cette dernière par l’acheteuse. Reprenant à son compte l’interprétation objective de la clause par l’instance précédente, le TF parvient à la conclusion que la notion de « modification de l’affectation » comprend non seulement un changement de zone mais également une modification des règles de la zone, en particulier une extension des possibilités d’usage du fonds. La communication par la Commune, peu avant la signature du contrat, d’une évolution législative allant dans ce sens renforce cette interprétation (consid. 3.2.3 et 3.3.3).

Droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. ; 8 CC ; 152 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1.3). Alors qu’il était clair que l’augmentation de la valeur de la parcelle avait été causée par la modification de l’affectation et l’extension des possibilités d’usage, le Tribunal pouvait renoncer à des expertises sur ce point ainsi qu’à une demande de renseignements auprès de la Commune concernant la modification de l’affectation (consid. 3.3).

Contrat de vente

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TF 1C_43/2022 du 16 novembre 2023

Garantie de la propriété; propriété d’un cours d’eau; art. 664, 680 CC; WWG/ZH

Propriété d’un cours d’eau – L’art. 664 al. 2 CC ainsi que l’art. 5 § 1 de la Wasserwirtschaftsgesetz zurichoise (WWG ; RS/ZH 724.11) posent la présomption du caractère public des eaux souterraines comme des eaux de surface. Il s’agit d’une présomption réfragable, étant précisé que les litiges sur cette question sont tranchés par les tribunaux civils (art. 6 al. 3 WWG). L’inscription par l’Etat d’un cours d’eau dans le registre des eaux publiques (art. 7 WWG) ne fait pas passer un cours d’eau privé sous la souveraineté ou la propriété de l’État et ne le transforme pas en cours d’eau public. Il en va de même d’une mention au registre foncier portant sur une telle restriction de droit public à la propriété. En effet, la restriction existe même sans mention (cf. art. 680 al. 1 CC) et ne participe pas à l’effet de foi publique du registre foncier (consid. 3.1 et 3.3).

En l’espèce, le propriétaire du fonds sur lequel coule le ruisseau s’oppose à son inscription au registre des eaux publiques et à l’inscription d’une mention au registre foncier, sans parvenir à renverser la présomption susmentionnée. Dans le cadre de ce litige de nature administratif, la propriété du cours d’eau constitue pourtant d’une question préalable qui doit être tranchée. Pour le surplus, le propriétaire n’expose pas pourquoi il n'aurait pas la possibilité d’engager une procédure devant un tribunal civil afin d’obtenir une clarification définitive de la nature du cours d’eau (consid. 3.3).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 4A_353/2023 du 14 novembre 2023

Contrat d’entreprise; cession des droits de garantie et substitution de partie; art. 83 CPC

Cession des droits de garantie et substitution de partie (art. 83 CPC) – Un litige concernant les défauts d’une piscine est pendant entre l’entrepreneur et le propriétaire, lorsque le terrain est cédé en droit de superficie à un tiers. Lorsqu’une clause contractuelle d’un contrat de vente immobilière, respectivement d’un contrat de vente d’un droit de superficie, prévoit expressément que les droits de garantie relatif au contrat d’entreprise ne sont pas cédés avec la vente, il n’y a pas de substitution de partie s’agissant de la garantie pour les défauts. En effet, ce sont les droits découlant des défauts qui constituent l’objet du litige et non le bien immobilier lui-même. En l’espèce, l’ancien propriétaire du droit de superficie, partie au contrat d’entreprise, conserve ainsi la légitimation pour réclamer à l’entrepreneur la réparation de la piscine défectueuse (consid. 2.3).

Contrat d'entreprise

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Contrat de vente

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Défauts/Garantie

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TF 4A_505/2022 du 14 novembre 2023

Contrat d’entreprise; décisions sur preuves à futur; art. 158 CPC; 98 LTF

Décisions sur preuve à futur (art. 158 CPC) – Les décisions sur preuve à futur au sens de l’art. 158 CPC, par lesquelles le Tribunal ordonne une mesure conservatoire, constituent des décisions sur mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (consid. 5).

En l’espèce, l’instance précédente a ordonné la production de contrats avec des tiers, dès lors que ceux-ci sont susceptibles de contenir la preuve que le contrat entre les parties contenait des informations erronées, susceptibles de le rendre invalidable pour vices du consentement. Le TF valide ce raisonnement, dans la mesure où les recourantes n’ont pas tenté d’en démontrer l’arbitraire (consid. 7).

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Contrat d'entreprise

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TF 5A_357/2022 du 08 novembre 2023

Propriété par étages; qualité pour agir en procédure civile de l’administrateur; répartition des frais et charges communs; PPE sur plan; action en annulation des décisions de l’assemblée; travaux de construction sur les parties communes; délai de convocation de l’assemblée générale; procès-verbal de l’assemblée des copropriétaires; hypothèque légale de la communauté des propriétaires d’étages; prescription des contributions; exception d’inexécution; art. 712h, 712i, 712m, 712t CC; 82, 127, 128 CO; 69 ORF

Qualité pour agir en procédure civile de l’administrateur (art. 712t CC) – Pour mener une procédure civile au nom de la communauté des copropriétaires, l’administrateur doit, en dehors de la procédure sommaire, être préalablement autorisé par l’assemblée des copropriétaires, sous réserve des cas d’urgence dans lesquels l’autorisation peut être obtenue ultérieurement. L’autorisation doit faire l’objet d’une décision de l’assemblée des copropriétaires. Si l’administrateur ne prouve pas l’existence d’une autorisation préalable ou s’il a agi dans l’urgence, le tribunal lui impartit un délai pour apporter la preuve de sa qualité pour agir. Si l’assemblée des copropriétaires l’autorise dans le délai supplémentaire imparti, elle approuve les actes de procédure initialement accomplis sans procuration et remédie au vice avec effet ex tunc. L’autorisation est une condition de recevabilité que le tribunal doit examiner d’office (consid. 4.1.2).

Répartition des frais et charges communs (art. 712h CC) – Rappel des principes. L’art. 712h al. 3 CC est une disposition de protection qui s’applique lorsque la répartition proportionnelle à la valeur des quotes-parts de certains frais ou charges communs semble inéquitable. Elle est de nature impérative (consid. 5.1.1). L’ancrage dans le règlement de la répartition des frais et charges communs selon la valeur des quotes-parts n’oblige pas la communauté des propriétaires d’étages à modifier le règlement pour s’écarter de cette clé de répartition (consid. 5.1.2.2). Cela peut se faire par une simple décision de l’assemblée des copropriétaires. La majorité simple est suffisante lorsque le règlement est muet sur la répartition, alors que la majorité nécessaire à la modification du règlement est exigée si la répartition décidée déroge à celle prévue par le règlement (consid. 5.1.2.3).

En l’espèce, l’assemblée des copropriétaires d’une PPE sur plan partiellement bâtie a exonéré les propriétaires des parts d’étages non construites des frais et charges communs. Pour le TF, cela ne saurait constituer une inégalité de traitement (consid. 5.1.3.2).

PPE sur plan (art. 69 ORF) – Rappel des principes (consid. 5.1.3.4). Le propriétaire d’une unité d’étage non (encore) construite dispose lui aussi du droit intangible et inaliénable de participer à l’assemblée des propriétaires d’étages et de prendre part aux décisions de celle-ci (consid. 5.1.3.5). En l’espèce, il faut partir du principe que l’ensemble du bâtiment – donc également les parties communes – est objectivement et définitivement inutilisable pour les propriétaires des unités non réalisées. Il existe donc une raison objective à l’exonération des frais (consid. 5.1.3.6). S’agissant de la dérogation à la répartition proportionnelle aux quotes-parts, la seule constellation préoccupante est celle où (exclusivement) les propriétaires par étages privilégiés détiennent simultanément une position de force dont ils pourraient abuser au détriment des autres propriétaires, ce qui n’est pas réalisé en l’espèce (consid. 5.1.3.8).

Action en annulation des décisions de l’assemblée – L’action en annulation est en principe de nature cassatoire. Cela signifie qu’aucune obligation ou action ne peut être imposée à la communauté des propriétaires d’étages dans le cadre du jugement. Une action en annulation visant l’annulation partielle de la décision est en principe recevable, mais présuppose, selon la doctrine, que la décision soit matériellement divisible (consid. 5.3.1.1).

Travaux de construction sur les parties communes – La réalisation de tels travaux exige qu’une décision (dite décision de dépenses) ait été prise non seulement sur l’exécution des mesures concernées en tant que telles, mais aussi sur les frais qu’elles occasionnent (consid. 5.3.2.4). Si la loi permet à l’assemblée des propriétaires d'étages de décider de la création d’un fonds de rénovation pour des travaux d’entretien et de rénovation (art. 712m al. 1 ch. 5 CC), il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas décider d’un apport pour des mesures d’assainissement qui restent à concrétiser ; le grief selon lequel il n’est pas possible de forcer un propriétaire d’étages à verser sa contribution pour des travaux encore indéterminés est donc rejeté, dans la mesure où la nécessité d’assainir n’est pas contestée en l’espèce (consid. 5.3.3.3).

Délai de convocation de l’assemblée générale – Un délai de convocation ne respectant pas celui prévu par le règlement ne rend pas automatiquement nulles les décisions prises pendant l’assemblée, en particulier lorsque le propriétaire d’étages qui s’en prévaut a participé à l’assemblée et qu’il n’explique pas en quoi cette irrégularité lui aurait causé un préjudice. L’annulation ne peut aboutir que si la violation du règlement a eu ou aurait pu avoir un effet causal sur la formation des décisions (consid. 5.4.1.6).

Procès-verbal de l’assemblée des copropriétaires – Il faut contester les décisions elles-mêmes consignées dans le procès-verbal approuvé, ce qui a été fait en l’espèce. Contester en plus l’approbation du procès-verbal n’est ni nécessaire, ni pertinent, s’il s’agit de remettre en cause le contenu matériel des décisions. C’est uniquement si la consignation des décisions au procès-verbal n’a pas été faite correctement qu’il se justifie d’en exiger la rectification (consid. 5.4.2.3).

Prescription des contributions – En l’occurrence, le TF laisse ouvert la question de savoir quel délai de prescription est applicable aux contributions des propriétaires d’étages (5 ou 10 ans selon 128 ch. 1 ou 127 CO). Si la prescription est interrompue par une action en justice, elle recommence à courir lorsque le litige est clos, à savoir lorsque les voies de recours sont épuisées. En l’espèce, le délai a été interrompu avant que la prescription ne soit acquise et n’a donc pas encore recommencé à courir (consid. 6.3.3.2).

Exception d’inexécution (art. 82 CO) – Un propriétaire d’étages ne peut pas se prévaloir de l’art. 82 CO en relation avec des créances de cotisations impayées, faute d’un rapport d’échange (consid. 6.3.4.2).

Hypothèque légale de la communauté des propriétaires d’étages (art. 712i CC) – Rappel des principes (consid. 6.1). L’hypothèque vise à garantir les contributions des trois dernières années dues par les propriétaires d’étages. Après une interprétation principalement téléologique de la loi (consid. 6.1.2.10), le TF retient que le délai de trois ans prévu par la loi doit être calculé rétroactivement à partir du dépôt de la requête d’inscription du droit de gage communautaire. Pour une créance de cotisations arrivée à échéance le 30 septembre 2020, alors que l’exercice comptable s’étendait du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, la demande d’inscription du droit de gage communautaire devrait être déposée au plus tard le 30 septembre 2023, c’est-à-dire trois ans après l’échéance de la créance de cotisations.

Analyse de Simon Varin , Amédéo Wermelinger

Les limites temporelles pour l’inscription d’une hypothèque légale des propriétaires d’étages

PPE

PPE

Partie générale du CO

Partie générale du CO

Procédure

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Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_242/2023 du 26 octobre 2023

Droit de voisinage; valeur litigieuse des restrictions à la propriété; art. 74 LTF

Valeur litigieuse des restrictions à la propriété – La valeur litigieuse relative aux restrictions légales à la propriété foncière se détermine de la même manière que dans les contestations portant sur l’existence d’une servitude : elle correspond à l’augmentation de valeur que la cessation des atteintes procurerait au bien-fonds qui les subit, ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur que la cessation ferait subir au bien-fonds qui cause ces atteintes. S’agissant plus particulièrement d’immissions d’arbres ou de plantations, la jurisprudence retient ainsi que la valeur litigieuse équivaut à l’augmentation de valeur que leur abattage ou écimage procurerait au fonds qui subit les atteintes ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur qu’il entraînerait pour le fonds à l’origine des immissions. Elle ne correspond pas au coût de l’arrachage et de l’écimage de la plantation en cause (consid. 1.1.1.1). Le recours en matière civile du propriétaire qui n’apporte pas de constatations ou d’éléments concrets permettant de vérifier que la valeur litigieuse de CHF 30’000 (art.74 LTF) est atteinte est irrecevable (consid. 1.1.1.2).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Nuisances

Nuisances

Procédure

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TF 4A_531/2023 du 20 octobre 2023

Contrat d’entreprise; qualification d’un contrat de nettoyage des vitres et dommage; responsabilité contractuelle; devoir de diligence et de fidélité de l’entrepreneur; degré de la preuve; art. 97 ss, 101, 127, 363 ss, 368, 371 CO; 8 CC

Qualification d’un contrat de nettoyage des vitres et dommage – Les opérations de nettoyage de vitres, comme en l’occurrence de celles d’une villa en fin de chantier, relèvent du contrat d’entreprise (consid. 3). Les vitres qui sont rayées par l’entrepreneur ou ses auxiliaires lors de leur nettoyage ne sont pas un défaut de l’ouvrage, ni un dommage consécutif à un défaut, mais un dommage accessoire. Celui–ci découle de la violation d’une obligation accessoire de l’entrepreneur. En effet, à la fin de l’exécution du contrat d’entreprise portant sur le nettoyage des vitres, celles–ci étaient propres. Ce ne sont donc pas les droits à la garantie pour les défauts (art. 368 CO) qui entrent en jeu pour la réparation de ce dommage (lesquels sont soumis en particulier au devoir d’avis des défauts et au délai de prescription de l’art. 371 CO), mais les règles générales sur l’inexécution des obligations des art. 97 ss et 101 CO ainsi que la prescription de l’art. 127 CO (consid. 3.1.1).

Responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.2). Devoir de diligence et de fidélité de l’entrepreneur (art. 364–365 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.3).

Degré de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1.4). Pour que le juge puisse admettre que l’entrepreneur a violé son devoir de diligence en ce sens qu’il n’a pas usé avec le soin voulu des vitrages mis à sa disposition par le maître de l’ouvrage, il incombe à celui–ci de prouver que les vitres n’étaient pas rayées avant le début du nettoyage effectué par l’entrepreneur et qu’elles l’étaient sitôt après ce nettoyage. Cette preuve n’étant pas, par la nature du fait à établir, objectivement impossible à apporter, le Tribunal ne peut pas admettre un état de nécessité en matière de preuve et une réduction du degré de la preuve à la vraisemblance prépondérante (consid. 3.2). En l’espèce, par substitution de motifs, le TF constate que la preuve que l’entrepreneur a violé son obligation contractuelle accessoire de prendre soin de la matière fournie par le maître a bien été apportée (consid. 4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_89/2023 du 13 octobre 2023

Servitude; vision locale portant sur l’exercice d’une servitude; art. 730, 737 CC

Vision locale portant sur l’exercice d’une servitude – Lorsque dans le cadre d’une vision locale, le juge constate que des piliers d’avant-toit n’empêchent pas l’exercice de la servitude, il n’est pas arbitraire de privilégier les observations effectuées de visu par le Tribunal au détriment des explications fournies par le propriétaire. Son interprétation est d’ailleurs renforcée, puisque la servitude litigieuse n'est pas vouée à être empruntée par de gros véhicules et que le propriétaire du fonds dominant se plaint du fait que la construction litigieuse ne permettrait pas l’accès à des engins de chantier, sans remettre en cause l’accès pour des véhicules usuels (consid. 3.3.2).

Servitude

Servitude

Procédure

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TF 4A_358/2023 du 10 octobre 2023

Contrat d’entreprise; acceptation tacite du transfert du contrat d’entreprise; art. 363 ss CO

Acceptation tacite du transfert du contrat d’entreprise Le maître d’ouvrage ne peut plus contester la reprise du contrat d’entreprise alors qu’il n’a pas réagi lorsque l’entrepreneur initial a annoncé qu’une entreprise tierce « reprenait désormais les activités d’exploitation de [l’entrepreneur initial] » et qu’il a laissé se poursuivre les travaux par le repreneur. Il apparaît en outre qu’à réception de la facture finale, le maître a contesté le montant des travaux et non la qualité de l’auteur, ce qui démontre qu’il avait accepté la reprise du contrat de manière tacite (consid. 2.1 et 2.2).

Contrat d'entreprise

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TF 4A_226/2023 du 10 octobre 2023

Contrat d’entreprise; prix de l’ouvrage; art. 373-374 CO

Prix de l’ouvrage – Si le prix de l’ouvrage a été déterminé précisément à l’avance, l’entrepreneur est tenu, sous réserve de circonstances exceptionnelles, d’achever l’ouvrage pour cette somme (art. 373 CO). Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance ou s’il a été fixé approximativement, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur (art. 374 CO). Dans ces circonstances, la rémunération de l’entrepreneur correspond aux dépenses objectivement nécessaires pour un travail soigné. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail consacrées à ces travaux. Il ne suffit pas de dresser des tableaux indiquant quels collaborateurs ont travaillé à quelle date et pendant combien d’heures. Des indications inexistantes ou se limitant à des mots clés ou à des descriptions vagues et incompréhensibles ne satisfont pas aux exigences (consid. 3.1.1).

En l’espèce, le contrat portait sur la construction d’un laboratoire de nanotechnologie clé en main. Des factures de sous-traitants restaient impayées pour un montant d’un peu moins de CHF 4 millions. Or, en présence d’un contrat prévoyant un système de décompte ouvert, il ne suffit pas d’apporter la preuve que les factures des sous-traitants ont été générées pour la construction de l’ouvrage et qu’elles ont été entièrement payées. En l’absence de prix fixe ou maximal, l’entrepreneur ne peut pas se prévaloir du fait qu’il a respecté l’objectif de coûts. Il doit dans tous les cas démontrer quelles prestations concrètes ont été fournies par les sous-traitants concernés et si celles-ci étaient nécessaires et les prix appropriés (consid. 3.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

TF 4A_250/2022 du 03 octobre 2023

Contrat de vente; cas clair; promesse de vente; art. 257 CPC

Procédure de cas clair (art. 257 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2). En l’espèce, les parties ont conclu une promesse de vente portant sur un immeuble ; plusieurs acomptes sur la vente ont été versés. Puisqu’il est admis que c’est en raison de la décision de la venderesse de ne plus vendre que le contrat de vente n’a finalement pas été conclu, l’acheteur était fondé à réclamer le remboursement d’un acompte par la procédure de cas clair.

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 4A_51/2022 du 03 octobre 2023

Contrat d’architecte; établissement de plans de construction; prix de l’ouvrage; intégration de la norme SIA 118; art. 374 CO; norme SIA 118

Établissement de plans de construction – L’établissement de plans est en principe soumis aux règles du contrat d’entreprise (consid. 5.1.1).

Prix de l’ouvrage – Si la rémunération n’a pas été fixée à l’avance, elle doit être déterminée selon l’art. 374 CO, en fonction de la valeur des travaux et des dépenses de l’entrepreneur. Le juge doit donc, en l’absence de convention, fixer le prix de l’ouvrage comme il fixerait les honoraires du mandataire, de manière à ce qu’il corresponde aux prestations fournies et qu’il apparaisse objectivement proportionné. Dans le contrat d’entreprise comme dans le mandat, sont déterminants les frais nécessaires à l’exécution des prestations convenues en matière de personnel, de matériel et de frais généraux et d’exploitation (consid. 5.1.1).

Intégration de la norme SIA 118 – Lorsque l’architecte calcule expressément ses honoraires en application de la norme SIA 118 dans sa facture finale, la contestation par le maître de cette facture sans remettre en question l’intégration de la norme SIA 118 mais uniquement les « critères de mise en œuvre » de la facture vaut acceptation tacite de l’intégration de la norme SIA. Une contestation de l’application de la norme SIA 118 au stade des plaidoiries finales est tardive, qui plus est alors qu’une expertise portant sur la note d’honoraires et se fondant sur la norme SIA 118 n’a pas été contestée (consid. 5.4).

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

Procédure

TF 4A_77/2023 du 27 septembre 2023

Contrat d’entreprise; prise des métrés; norme SIA 118; fardeau de l’allégation; art. 18 CO; 55 CPC; 142, 154 Norme SIA 118

Prise des métrés – Le contrat prévoit que les métrés devront être effectués en commun avec le maître ou par une entreprise tierce, à l’aide d’un programme informatique et devront être contrôlables et compréhensibles. Dans ce contexte, les métrés effectués par l’entrepreneur seul ne sont pas conformes au contrat et le fait qu’il les envoie au maître pour vérification ne leur confère aucune valeur. Le maître pouvait légitimement comprendre ces envois comme un simple moyen de vérifier l’avancement du chantier afin de respecter l’échelonnement des paiements et il n’était pas tenu de vérifier les métrés. Son silence ne vaut ni acceptation des métrés ni reconnaissance de dette, qui plus est alors que toute modification contractuelle était soumise à la forme écrite (consid. 3.2.3 et 3.4.1).

Norme SIA 118 – Bien qu’elle ait été intégrée au contrat, l’entrepreneur ne peut rien tirer des règles de la norme SIA 118 concernant les métrés et leur vérification, puisque le contrat prévoyait des règles spécifiques différentes (consid. 3.4.1 et 3.4.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

Procédure

TF 2C_856/2021 du 27 septembre 2023

Droit foncier agricole; prescription en cas de révocation de l’autorisation d’acquérir et de rectification du registre foncier; art. 71 al. 2, 72 al. 3 LDFR

Prescription en cas de révocation de l’autorisation d’acquérir (art. 71 al. 2 LDFR) et de rectification du registre foncier (art. 72 al. 3 LDFR) – Les dispositions qui précèdent et les délais de prescription de dix ans qu’elles contiennent doivent être coordonnés et distingués. Après une interprétation approfondie, le Tribunal fédéral distingue d’une part les actes nuls qui sont ceux interdits ou soumis à autorisation. La nullité touche les actes pour lesquels l’autorisation requise a été refusée : le refus est la conséquence de la constatation que l’acte juridique en cause viole le droit foncier rural et ce refus les rend nuls. Dans ces circonstances, le délai de l’art. 72 al. 3 LDFR s’applique. D’autre part, lorsque l’autorisation a été accordée, l’acte n’est pas nul. L’autorisation ne peut alors être révoquée qu’aux conditions de l’art. 71 LDFR, à savoir lorsqu’elle a été obtenue par de fausses indications. La cause de la révocation n’est pas un acte nul mais les fausses informations fournies. Dans cette hypothèse, c’est le délai de l’art. 71 al. 2 LDFR qui s’applique (consid. 4.5).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_167/2023 du 26 septembre 2023

Contrat d’entreprise; formation et interprétation d’un contrat; droit d’être entendu et droit à la preuve; art. 18 CO; 29 al. 2 Cst.; 8 CC; 152 CPC

Formation et interprétation d’un contrat – Rappel des principes (consid. 3.1.1).

Droit d’être entendu et droit à la preuve – Rappel des principes (consid. 3.1.2). Dans l’offre de l’entrepreneur, le poste concernant une prestation de nettoyage des installations d'évacuation des eaux usées contenait un prix de CHF 580.- et la quantité « 1 », alors que 450 mètres de nettoyage étaient mentionnés ailleurs dans l’offre et que ce sont finalement 392,2 mètres qui ont été nettoyés. Dès lors que le total ne tient compte que de la somme de CHF 580.- et non pas du résultat de 450x580, un partenaire contractuel raisonnable pouvait conclure, selon les règles de la bonne foi, que le poste litigieux était proposé de manière forfaitaire pour un montant de CHF 580.00.-. Cette interprétation est confirmée par les documents d'appel d'offres qui exigeaient que les soumissionnaires proposent un montant total. Ainsi, une réserve claire et sans équivoque aurait dû être faite, si un soumissionnaire voulait indiquer que le montant en francs inscrit devait encore être multiplié par une quantité à définir. En outre, le prix du nettoyage apparaîtrait comme surfait si l’on devait nier le prix forfaitaire (consid. 3.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Marchés publics

Marchés publics

TF 4A_383/2022 du 25 septembre 2023

Responsabilité civile; action récursoire de l’assureur contre l’employeur; organe de fait; art. 72, 73, 75 LPGA; 55 CC; 101 et 328 CO

Action récursoire de l’assureur contre l’employeur (art. 75 al. 2 LPGA) – L’employeur est privilégié par rapport aux autres responsables en ce sens qu’il est exclu, à certaines conditions, du droit de recours de l’assureur. L’assureur ne dispose d’un droit de recours contre l’employeur d’une personne assurée à la suite d’un accident professionnel que si l’employeur a provoqué l’accident professionnel intentionnellement ou par négligence grave. Seul le recours des assureurs sociaux contre l’employeur et donc le principe de la subrogation intégrale sont limités. A l’inverse, la responsabilité de l’employeur envers le travailleur lésé existe en vertu de l’art. 328 CO même en cas de négligence et le travailleur lésé peut s’en prévaloir pour le dommage direct non couvert par les assureurs sociaux (consid. 1.2-1.3).

Organe de fait – Les organes d’une personne morale sont uniquement les personnes qui, en vertu de la loi, des statuts ou de l’organisation de fait, participent à la formation de la volonté de la société et sont dotées de la compétence décisionnelle juridique ou effective. Le fait qu’une personne dans le domaine technique exécute de manière autonome les travaux qui lui sont confiés ne change rien à la qualification de simple auxiliaire (consid. 2.1). Le souci de protéger la personne lésée a pu parfois conduire la jurisprudence à élargir la notion d’organe au sens de l’art. 55 CC. Toutefois, cela ne devrait pas être déterminant dans la mesure où la protection de la personne lésée est garantie par une assurance obligatoire (consid. 2.3).

En l’espèce, un chef d’entrepôt et un employé ont détaché des grilles en vue d’un nettoyage, ce qui a engendré la chute d’un autre employé. Selon le Tribunal fédéral, le chef d’entrepôt n’est pas un organe de fait : il ne s’agit pas ici d’un cas où l’instance administrative suprême ne se voit attribuer qu’un droit de surveillance général et où la gestion proprement dite est confiée à des tiers. Le chef d’entrepôt est un auxiliaire et son supérieur n’a pas créé lui-même la situation dangereuse et n’était donc pas responsable de la prise des mesures nécessaires pour désamorcer le danger (consid. 2.4).

Responsabilité civile

Responsabilité civile

Assurance immobilière

Assurance immobilière

TF 5A_93/2023 du 20 septembre 2023

Servitude; action en constatation du contenu d’une servitude; interprétation d’une servitude; art. 738 CC

Action en constatation du contenu de la servitude – Pour une action selon l’art. 738 CC visant à clarifier le contenu d’une servitude, la recevabilité d’une action en constatation doit en principe être admise, car il existe manifestement un intérêt au constat. En outre, certains estiment que si l’action est admise, il existe également un droit à ce que l’inscription au registre foncier soit complétée ou rectifiée. Dans ce cas, la rectification ne vise pas la création, la modification ou l’annulation d’un droit déterminé (art. 87 CPC), mais l’adaptation du libellé au droit déjà existant, tel qu’il a été constaté par le tribunal (consid. 1.2.2).

Interprétation d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.1). En l’espèce, faute d’inscription claire, il faut se référer au motif d’acquisition. Le droit de passage n’a pas été convenu dans un contrat de servitude, mais a été inscrit dans le cadre d’une procédure d’épuration que la commune a menée en 1933 pour établir les registres des immeubles et des servitudes. En conséquence, il convient de se référer aux documents fonciers correspondants (consid. 5.2). Il ressort des échanges de l’époque que la servitude avait pour but d’octroyer un droit de passage aux bâtiments ne disposant pas autrement d’un accès de plain-pied. Si la servitude est limitée à la partie du fonds dominant ne disposant pas d’un accès direct à la route, elle n’est pas limitée à la petite maison d’origine, mais profite également aux bâtiments qui l’ont depuis remplacée (consid. 5.5.2).

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 4A_502/2022 et 4A_504/2022 du 12 septembre 2023

Contrat de courtier; conclusion et interprétation du contrat; salaire du courtier; art. 18 et 413 CO

Conclusion et interprétation d’un contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1). Le principe « in dubio contra stipulatorem » ne s’applique que subsidiairement à l’interprétation selon le principe de la confiance (consid. 3.1.6).

Salaire du courtier – La règle de l’art. 413 al. 1 CO sur le droit du courtier à son salaire n’a pas un caractère impératif, mais dispositif : les parties peuvent notamment convenir que la commission sera due même si le contrat principal n’est pas conclu ou, au contraire, qu’elle ne le sera qu’à la condition que le contrat soit non seulement conclu, mais aussi exécuté. En ce qui concerne la condition de la conclusion effective du contrat principal par le mandant avec un tiers, il faut tenir compte de la règle de l’équivalence, qui est une règle d’interprétation. Selon celle-ci, il n’est pas nécessaire qu’il y ait identité juridique entre l’affaire escomptée et le contrat principal conclu, mais il suffit qu’il y ait équivalence économique entre les deux. Par ailleurs, si l’activité du courtier est partiellement couronnée de succès, par exemple en cas de vente de deux terrains sur les quatre prévus par le contrat de courtage, il y a lieu d’admettre que la prétention du courtier doit être réduite en fonction du résultat partiel obtenu (consid. 4.1).

En l’espèce, les parties n’avaient pas fixé de fourchette obligatoire pour le prix de vente, la clause correspondante n’ayant qu’un caractère indicatif. Le courtier avait ainsi droit à une commission calculée sur l’entier du prix de vente et non une commission réduite en application de l’art. 413 CO et du principe de l’équivalence, lesquels ne s’appliquent pas en présence d’une clause contractuelle contraire (consid. 4.3).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 4A_213/2023 du 09 septembre 2023

Contrat de courtier; devoir de loyauté du courtier; art. 398, 412, 415 CO

Devoir de loyauté du courtier – Selon l’art. 415 CO, le courtier qui, contrairement à la convention, agit également dans l’intérêt de l’autre partie ou, contrairement aux règles de la bonne foi, obtient une promesse de rémunération de cette partie également, perd le droit à la rémunération et au remboursement des frais et ce, sans qu’il soit nécessaire de prouver un dommage. Cette disposition doit être interprétée de manière restrictive (cf. art. 412 al. 2 CO qui renvoie à l’art. 398 al. 2 CO) (consid. 5).

En l’espèce, il est reconnu que des prestations accessoires fournies par le courtier et portant sur le système de climatisation ou l’octroi du permis de construire constituent des questions dans l’intérêt de toutes les parties et non des questions non résolues par la vente. En outre, ces prestations ratifiaient en partie ce que les vendeurs avaient déjà prévu et le courtier a maintenu ces derniers informés de ses actes. Par conséquent, ces prestations ne constituent pas des violations du devoir de loyauté du courtier (consid. 5.2).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

TF 4A_344/2023 du 07 septembre 2023

Contrat de vente; devoir de vérification et avis des défauts; dol; art. 199, 201, 203 CO

Devoir de vérification et avis des défauts (art. 201 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1). Lorsque l’autorité communale informe l’acheteur de manière claire que la réalisation de places de stationnement sera interdite, l’acheteur ne peut plus prétendre ignorer le défaut, même si aucune décision formelle n’est rendue (consid. 3.2 et 3.3).

Dol (art. 199 et 203 CO) – Le vendeur qui a induit l'acheteur en erreur intentionnellement ne peut se prévaloir du fait que l'avis des défauts n'aurait pas eu lieu en temps utile (consid. 4.1). En outre, toute clause qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts de la chose (consid. 5.1). En l’espèce, le dol est nié. Le fait que les places de stationnement figuraient sur les plans mis à l’enquête publique mais plus sur les plans sanctionnés ne suffisent pas pour conclure que la venderesse ait été au courant que la réalisation de ces places serait impossible, qui plus est compte tenu de son état de santé mental déficient.

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 2C_105/2023 du 07 septembre 2023

Assurance immobilière; principe de l’instruction; inondations en surface; droit cantonal saint-gallois

Principe de l’instruction – Le principe de l’instruction fonde également une obligation de clarification de la part des autorités dans les procédures introduites par une requête des parties. Dans le cas présent, il s’agissait de clarifier la cause d’un dégât des eaux. Pour ce faire, le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante doit généralement être considéré comme suffisant, car la preuve de la cause dans un tel cas ne peut guère jamais être apportée en excluant toute autre possibilité, même lointaine (consid. 4.1.3).

En l’espèce, il ne peut certes pas être totalement exclu qu’un cours d’eau momentané se soit formé en surface ou en sous-sol et ait conduit au sinistre. Toutefois, un dégât d’eau à la suite d’une saturation du sol, soit par imprégnation, apparaît largement plus plausible. En l’absence d’indices parlant en faveur d’une inondation par écoulement et alors que ce type d’évènement ne se produit que dans de rares cas isolés, il n’y a pas d’obligation d’enquête allant au-delà du procès-verbal d’expert datant de trois jours après le sinistre, concernant une cause de dommage aussi improbable (consid. 4.1.4).

Inondations en surface – La réglementation en vigueur dans différents cantons, selon laquelle l’assurance immobilière de droit public se limite, pour les dommages dus à des inondations/crues, aux cas où le dommage a été causé directement, c’est-à-dire aux cas où l’eau a pénétré de plain-pied ou en surface, est acceptable. Une telle interprétation facilite la délimitation par rapport aux dommages qui ne sont pas dus à une action naturelle d’une intensité exceptionnelle mais à une action continue. De plus, à titre exceptionnel, les dommages par voie souterraine mais qui ont été causés de manière reconnaissable, d’un point de vue chronologique, par un événement naturel sont également pris en charge selon la pratique saint-galloise (consid. 5).

Assurance immobilière

Assurance immobilière

Procédure

Procédure

TF 1C_124/2023 du 01 septembre 2023

Servitude; inscription et interprétation d’une servitude; art. 731 ss CC

Inscription et interprétation d’une servitude (art. 731 ss CC) – Rappel des principes. L’art. 732 al. 2 CC exige que la servitude figure sur un plan dans la mesure où il n’est pas possible de la déterminer avec suffisamment de précision à la lumière de la description donnée par le titre. Si l’exercice de la servitude est limité à une partie de l’immeuble grevé, le contrat doit encore préciser l’assiette de la servitude, soit par un plan de géomètre, soit par tout autre moyen suffisant, tel qu’un plan privé ou une description par des mots (consid. 2.2).

En l’occurrence, l’inscription au registre foncier de la servitude d’espèce se limite à indiquer l’existence d’un droit de passage, sans autres précisions quant à son tracé. L’acte de vente notarié constitutif de la servitude n’est guère plus précis, permettant tout au plus de déterminer les parcelles concernées avant remaniement parcellaire. Dans ces circonstances, la Commission de classification du Syndicat d’améliorations foncières devait préciser l’assiette de la servitude de passage litigieuse dans un plan dans le cadre du nouvel état de propriété et des servitudes. Est litigieux le tracé de la servitude, le propriétaire du fonds dominant souhaitant conserver l’usage actuel, exercé sur une parcelle non concernée par le contrat initial. Selon la jurisprudence, l’interprétation à l’aide de la manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi, n’intervient que si l’acte constitutif ne permet pas d’en préciser le contenu et l’étendue. Or, le Tribunal fédéral constate que l’assiette de la servitude ne s’étendait pas aux parcelles sur lesquelles s’exerçait le passage actuellement. La Commission de recours n’est donc pas tombée dans l’arbitraire en ne recourant pas à ce moyen d’interprétation pour déterminer l’assiette de la servitude (consid. 2.3).

Servitude

Servitude

TF 1C_583/2021 du 31 août 2023

Garantie de la propriété; restriction à la garantie de la propriété; protection des eaux; expropriation matérielle; liberté économique; égalité de traitement; art. 8, 26, 27, 36, 76 Cst.; 6, 14, 27, 28 LEaux; Annexe 2 OEaux; 1 OPD; PhV/LU

Garantie de la propriété (art. 26 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.1). Restrictions – Rappel des principes (consid. 4.2).

Une ordonnance du Conseil d’État du canton de Lucerne prévoyant diverses mesures visant à diminuer le taux de phosphore dans les lacs du canton est attaquée par les agriculteurs propriétaires des terrains concernées par ces mesures. Les dispositions légales existantes de la législation fédérale sur la protection des eaux constituent en principe une base légale suffisante, même pour des atteintes graves à la garantie de la propriété (consid. 4.3.1). Puisque les mesures prévues par l’ordonnance cantonale se situent dans le cadre de la simple exécution des normes de droit fédéral relatives à la protection des eaux, le Conseil d’État du canton de Lucerne était compétent pour les édicter (consid. 3.5). Les mesures prises l’ont été dans l’intérêt public manifeste d’une réduction de la présence de phosphore dans les lacs et partant, de non-prolifération des algues et de la préservation de la pureté des eaux (consid. 5). Sous l’angle de la proportionnalité, il faut souligner qu’une mesure peut être considérée comme appropriée si elle représente au moins une tentative valable de pouvoir contribuer à la réalisation du but qu’elle poursuit ; c’est le cas des mesures d’espèce (consid. 6.1). De plus, même si les valeurs en phosphore ont diminué dans le temps grâce à des accords entre les parties, force est de reconnaître que les seuils de la loi n’ont toujours pas été atteints, de sorte les moyens plus doux utilisés jusqu’à présent sont moins appropriés pour atteindre les objectifs poursuivis par les nouvelles mesures (consid. 6.2). Les propriétaires n’ont pas réussi à démontrer que l’application des mesures prévues menaceraient l’existence des exploitations agricoles concernées (consid. 6.3).

Expropriation matérielle – Rappel des principes (consid. 7). En l’espèce, l’utilisation des terres agricoles conformément à leur destination reste possible, même si certaines mesures devaient entraîner une baisse de rendement pour certaines exploitations. Une partie de la perte de rendement potentielle est en outre compensée. Ainsi, les conditions d’une expropriation matérielle ne sont pas réunies. S’il n’est pas exclu qu’il puisse en être autrement dans un cas particulier, il conviendra toutefois d’en décider lors de l’application concrète du droit (consid. 2-7.4).

Liberté économique (art. 27 Cst.) – Rappel des principes (consid. 8.1-8.2). Égalité de traitement (art. 8 Cst.) – Rappel des principes (consid. 9.1).

Analyse de Simon Varin

La constitutionnalité des mesures prises par le conseil d’État lucernois contre l’eutrophisation des lacs du Plateau

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 4A_32/2023 du 31 août 2023

Responsabilité civile; responsabilité aquilienne; fardeau de l’allégation; art. 41 CO; 55 CPC

Responsabilité aquilienne (art. 41 CO) – Rappel des principes et conditions (consid. 2.1). En l’espèce, l’allégation consistant à indiquer que l’endommagement d’un câble électrique a interrompu l’approvisionnement en électricité d’une entreprise et à renvoyer, s’agissant du dommage, à un rapport de preuve à futur est insuffisante. Sur cette base, aucune administration des preuves, que ce soit par expertise ou par témoignages, ne pouvait être effectuée et l’action devait être rejetée.

Responsabilité civile

Responsabilité civile

Procédure

Procédure

TF 5A_464/2023 du 31 août 2023

Poursuite pour dettes et faillite; plainte LP dans la réalisation d’un immeuble; règles applicables à la publication des conditions de vente; nullité des mesures des offices de poursuites; art. 132a, 143a, 156 LP; 50 ORFI; 261 CO

Plainte LP dans la réalisation d’un immeuble – Selon l’art. 132a al. 1 LP, applicable à la réalisation des immeubles (art. 143a et 156 al. 1 LP), la réalisation ne peut être attaquée que par le biais d’une plainte contre l’adjudication. Les griefs invoqués peuvent relever du droit de la poursuite ou du droit matériel. La voie de la plainte et du recours aux autorités de surveillance n’est pas seulement ouverte contre les irrégularités commises lors des opérations de la réalisation forcée elle–même, mais aussi contre celles commises dans la procédure préparatoire, telle que définie par les art. 25 ss ORFI. Le vice allégué peut par exemple concerner l’insuffisance ou l’inexactitude des indications figurant dans la publication des enchères ou des conditions de vente. Il peut aussi concerner des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs altérant le résultat des enchères (consid. 3.1.1 avec casuistique).

Règles applicables à la publication des conditions de vente – Rappel des principes (consid. 3.1.2).

Nullité des mesures des offices de poursuites – Rappel des poursuites (consid. 3.1.3). En l’espèce, les conditions de vente ne faisaient pas état d’une occupation – licite ou illicite – de la parcelle. Cette omission n’entraîne pas la nullité de l’adjudication, dès lors que cette mention ne visait à protéger ni l’intérêt public ni celui de tiers. A supposer que le contrat de bail soit valable, les locataires seraient à cet égard protégés par l’art. 261 al. 1 CO (cf. ég. art. 50 ORFI), qui prévoit que les droits et obligations du contrat de bail passent à l’acquéreur avec la propriété de la chose (consid. 3.2).

LP

LP

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 5A_233/2022 du 31 août 2023

Poursuite pour dettes et faillite; action révocatoire; restitution; art. 288, 291 LP

Action révocatoire (art. 288 LP) – Rappel des principes (consid. 3.2). Préjudice aux créanciers – (consid. 4.3). Intention de nuire – (consid. 5). Intention de nuire reconnaissable par le tiers – (consid. 6). L’acte attaqué porte préjudice aux créanciers ou à certains d’entre eux, lorsqu’il diminue le résultat de la réalisation forcée ou la part des créanciers à ce résultat ou en détériorant de toute autre manière leur position dans la procédure de réalisation forcée. Par ailleurs, même en cas de contrepartie équivalente, l’acte est néanmoins annulable si le débiteur s’est fixé pour objectif de pouvoir disposer de ses derniers actifs au détriment des créanciers (consid. 4.3).

En l’espèce, il est reconnu qu’une partie du prix de vente d’un immeuble est allé à un tiers qui n’aurait pas pu invoquer le fait que les immeubles lui avaient été donnés en gage conformément à l’art. 219 al. 1 LP et que le produit de la vente lui revenait en premier lieu après le désintéressement du créancier gagiste de premier rang. Ce tiers a ainsi été favorisé au détriment des créanciers (consid. 4.3). De plus, l’intention de nuire aux créanciers est donnée (consid. 5.2) et était reconnaissable (consid. 6.3).

Restitution (art. 291 LP) – Rappel des principes (consid. 7.1). Le défendeur à l’action révocatoire doit également restituer les fruits et revenus qu’il a tirés du bien acquis et dont l’acte est annulé. Il peut néanmoins facturer les dépenses nécessaires qu’il a eues en lien avec la chose et il doit en principe être indemnisé pour les investissements augmentant la valeur de la chose (consid. 7.3.3).

LP

LP

TF 5A_203/2023 du 30 août 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai pour l’inscription d’une hypothèque légale; achèvement des travaux; art. 839 al. 2 CC

Délai pour l’inscription d’une hypothèque légale (art. 839 al. 2 CC) – L’inscription doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux. Il s’agit d’un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l’annotation d’une inscription provisoire (consid. 4.1.1).

Achèvement des travaux – Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et que l’ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d’achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d’entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu’on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d’importance ou accessoires, différés intentionnellement par l’artisan ou l’entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d’achèvement. Des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, même de peu d’importance, constituent donc des travaux d’achèvement. Les travaux sont ainsi jugés selon un point de vue qualitatif plutôt que quantitatif. Le délai commence à courir dès l’achèvement des travaux, et non pas dès l’établissement de la facture, même si cet élément peut constituer un indice de la fin des travaux (consid. 4.1.1).

En l’espèce, les travaux relatifs à l’hivernage d’une piscine ne constituent pas des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, mais des travaux différés volontairement en raison de la saison. Les autres interventions alléguées par l’entrepreneur correspondent soit à des travaux de réfection, soit à des travaux volontairement différés par l’entrepreneur (consid. 4.3).

Analyse de Pierre Rüttimann

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs – achèvement des travaux et respect du délai d’inscription.

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 2C_380/2023 du 24 août 2023

Marchés publics; recevabilité du recours au TF contre les décisions incidentes; préjudice irréparable; effet suspensif; accès au dossier; art. 83 et 93 LTF

Recevabilité contre les décisions incidentes (art. 93 LTF) – Rappel des principes (consid. 1.2). En principe, le retrait ou la non-attribution de l’effet suspensif dans la procédure d’adjudication entraîne un préjudice irréparable (consid. 1.3).

Dans la procédure d’adjudication d’espèce, l’autorité adjudicatrice entendait sélectionner trois soumissionnaires pour le contrat-cadre. Elle a adjugé le marché aux trois soumissionnaires ayant présenté les offres les mieux classées. Suite au recours d’un candidat non sélectionné puis de la réponse de l’autorité adjudicatrice, l’instance précédente a levé l’effet suspensif uniquement pour la signature des contrats-cadres relatifs avec les adjudicataires classés premier et deuxième. En ce qui concerne l’adjudicataire classée troisième, l’effet suspensif du recours restait cependant valable. Le Tribunal fédéral estime que cette décision n’était pas de nature à causer un préjudice irréparable au soumissionnaire non sélectionné. En effet, la recourante entre toujours en ligne de compte pour l’adjudication en tant que troisième soumissionnaire (consid. 1.3.2). De plus, si le recours devait finalement être admis, il faudrait tenir compte du fait que l’annulation de la décision d’adjudication déploie un effet indivisible pour tous les soumissionnaires participant à la procédure d’adjudication et que la réévaluation sur la base des critères d’adjudication éventuellement corrigés ne doit pas être limitée aux seules offres de l’adjudicataire 3 et du soumissionnaire non sélectionné (consid. 1.3.4).

Accès au dossier – La limitation de l’accès au dossier ne cause en principe pas de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF, car elle peut – comme le refus d’une demande de preuve ou tout autre refus du droit d’être entendu – être valablement critiquée lors du recours contre la décision finale. Il en va toutefois différemment dans le cas inverse, lorsqu’un recours est déposé contre l’octroi d’un accès au dossier jugé trop large par une partie, car il n’est pas possible de revenir sur un accès au dossier déjà accordé (consid. 1.4.1).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 5A_86/2023 du 22 août 2023

Propriété par étages; immissions excessives; maximes des débats; droit à la preuve; art. 4, 8, 679, 684 CC; 55, 152 CPC

Immissions excessives (art. 679 et 684 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1). Les insectes peuvent en principe constituer une immission au sens de l’art. 684 CC (consid. 3.2). Pour décider si une atteinte doit être qualifiée d’excessive au sens de l’art. 684 CC, le tribunal doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en se basant sur la perception d’une personne moyenne dans la même situation ; il rend sa décision selon le droit et l’équité (art. 4 CC).

Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 5.1). En l’espèce, compte tenu du pouvoir d’appréciation important dont dispose le juge, le Tribunal fédéral estime disproportionnées les exigences du Tribunal cantonal en matière d’allégation, lequel a renoncé pour ce motif à l’administration des preuves (examen des vidéos des moustiques litigieux). Celui-ci avait notamment relevé que les voisins atteints n’avaient pas prétendu avoir été piqués et ne détaillaient pas suffisamment les « énormes nuées de moustiques » dont ils se plaignaient. Le Tribunal fédéral souligne au contraire qu’il ressort des écritures que les nuées sont excessives ainsi que quand (au crépuscule) ou dans quelles périodes et dans quelles conditions (au moins 10°C) les essaims apparaissent (consid. 5.3.2).

Droit à la preuve (art. 152 CPC ; 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.2.3). Les voisins atteints ont également demandé une expertise aux fins de prouver la causalité entre l’installation d’étangs par leur voisin et les nuées de moustiques constatées. Si l’instance précédente avait des doutes sur le fait qu’une telle expertise puisse apporter la preuve de la causalité, elle aurait pu les dissiper en demandant à l’expert de répondre à cette question dans un premier temps. Il n’appartenait en tout cas pas aux voisins atteints d’exposer comment une expertise pourrait apporter la preuve du lien de causalité. En l’espèce, ils avaient en outre déposé une expertise privée, affirmant qu’un expert peut établir le lien de causalité litigieux (consid. 6.2.6).

Nuisances

Nuisances

Procédure

Procédure

TF 5A_34/2023 du 22 août 2023

Poursuite pour dettes et faillite; première et seconde estimation d’un immeuble; art. 17, 99 LP; 183 ss CPC

Première et seconde estimation d’un immeuble – Après avoir communiqué la réquisition de vente au débiteur et, le cas échéant, au tiers propriétaire du gage immobilier, l’office des poursuites ordonne l’estimation de l’objet du gage. Le résultat de l’estimation ne préjuge en rien de la suite de la procédure de réalisation, notamment du (futur) prix d’adjudication (consid. 2.3.1). L’estimation de l’office des poursuites peut faire l’objet d’une plainte selon l’art. 17 LP si elle ne répond pas aux exigences légales. C’est par exemple le cas lorsque le préposé aux poursuites n’a pas procédé à une véritable estimation, mais s’est basé uniquement sur la valeur fiscale de l’immeuble. En revanche, il est interdit à l’autorité de surveillance de contrôler l’estimation en tant que telle.

En outre, chaque partie peut, dans le délai de recours auprès de l’autorité de surveillance, demander une nouvelle estimation par des experts. Il n’est pas nécessaire de motiver cette demande. L’ordre de procéder à une nouvelle estimation par l’autorité de surveillance ne doit pas être considéré comme une décision de recours, mais comme une autre activité officielle d’un organe d’exécution. Il ne s’agit pas d’une expertise judiciaire au sens des art. 183 ss CPC (consid. 2.3.2). Il est compatible avec le sens et le but de la réglementation que le tribunal délègue la nouvelle estimation à l’office des poursuites (consid. 2.3.3).

LP

LP

Procédure

Procédure

TF 5A_234/2023 du 18 août 2023

Propriété par étages; révocation de l’administrateur; rétroactivité de la litispendance; art. 75, 712m, 712r CC; 63 CPC

Révocation de l’administrateur – Rappel des principes (art. 712r CC). Si l’assemblée des copropriétaires refuse de révoquer l’administrateur au mépris de motifs importants, chaque copropriétaire peut demander la révocation judiciaire dans un délai d’un mois. Alors que pour la contestation des décisions de l’assemblée des propriétaires par étages (art. 712m al. 2 CC en lien avec art. 75 CC), la procédure simplifiée ou ordinaire est applicable, c’est la procédure sommaire qui s’applique pour l’action en révocation selon l’art. 712r al. 2 CC, ce qui rend inutile une procédure de conciliation. Le délai de péremption selon l’art. 712r al. 2 CC ne peut en principe pas être respecté par le dépôt d’une requête de conciliation (consid. 2.1).

Rétroactivité de la litispendance

(art. 63 CPC) – Rappel des principes. En l’espèce, il n’y a pas eu ni décision d’irrecevabilité, ni de retrait d’une procédure, ni dépôt de l’acte original auprès de la bonne autorité, de sorte que la possibilité offerte par l’art. 63 CPC n’entrait pas en ligne de compte (consid. 2.2.2.2).

PPE

PPE

Procédure

Procédure

TF 4A_312/2023 du 17 août 2023

Contrat d’entreprise; motivation de l’appel; décompte final et délai de vérification dans la norme SIA-118; art. 311 CPC; 153 ss Norme SIA-118

Motivation de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.2).

Décompte final et délai de vérification (art. 153 ss norme SIA-118) – En l’espèce, la direction des travaux, représentante du maître, avait confirmé dans un avis de vérification au sens de l’art. 155 al. 1 norme SIA, lequel n’est soumis à aucune forme et est valable même sans signature, le montant impayé de CHF 62’270 contenu dans le décompte final de l’entrepreneur. Ce montant avait ainsi été reconnu par les deux parties et était par conséquent devenu exigible conformément à l’art. 155 de la norme SIA 118. En se bornant à prétendre que le décompte final n’a pas été signé par les deux parties, le maître ne satisfait pas aux exigences de la motivation en appel, puisqu’il n’attaque pas les considérations qui précèdent (consid. 3.4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Procédure

Procédure

TF 4A_229/2023 du 16 août 2023

Droit foncier agricole; droit de réméré conventionnel; art. 41 al. 3 LDFR

Droit de réméré conventionnel (art. 41 al. 3 LDFR) – Le propriétaire d’une entreprise agricole peut l’aliéner à la condition que l’acquéreur l’exploite lui-même. Pour s’assurer que l’acquéreur respecte son engagement, les parties peuvent convenir d’un droit de réméré contractuel prévu à l’art. 41 al. 3 LDFR. Cette disposition, tout comme le droit de réméré légal de l’art. 55 LDFR, vise à protéger l’exploitation personnelle de l’acheteur. A l’inverse, le fait que le vendeur qui exerce le droit de réméré ne soit plus capable d’exploiter personnellement en raison de son âge ne constitue pas un abus de droit ; il n’est pas exigé qu’il reprenne l’exploitation personnelle. Après le décès du bénéficiaire du droit de réméré, c’est uniquement pour exercer seul le droit que l’héritier doit avoir le statut d’exploitant à titre personnel. Si ce n’est pas le cas, les héritiers peuvent exercer le droit de réméré en commun, sans qu’il soit nécessaire qu’ils soient exploitants à titre personnel (consid. 5).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

TF 5A_100/2020 du 15 août 2023

Propriété par étages; contestation des décisions de l’assemblée des propriétaires d’étages; répartition des charges communes et des frais de l’administration commune; modification du règlement de PPE; art. 75 et 712h, 712g, 712m CC

Contestation des décisions de l’assemblée des propriétaires d’étages (art. 712m et 75 CC) – Tout copropriétaire a le droit de contester devant le tribunal les décisions auxquelles il n’a pas consenti, dans le mois où il en a eu connaissance. L’action en contestation ne permet pas d’examiner l’opportunité et l’adéquation des décisions de l’assemblée des copropriétaires, mais seulement leur contrariété aux règles légales ou conventionnelles régissant la copropriété (consid. 2).

Répartition des charges communes et des frais de l’administration commune (art. 712h CC) – Rappel des principes. Règlement de PPE – Conformément à l’art. 712g al. 3 CC, chaque copropriétaire peut exiger qu’un règlement d’administration et d’utilisation, valable dès qu’il a été adopté par la majorité des copropriétaires représentant en outre plus de la moitié de la valeur des parts, soit établi et mentionné au registre foncier ; même si le règlement figure dans l’acte constitutif, il peut être modifié par décision de cette double majorité (consid. 3.1).

En l’espèce, les propriétaires d’étages avaient inscrit dans le règlement de PPE une règle de majorité des deux tiers pour les modifications du règlement, soit une règle plus restrictive que celle de l’art. 712g al. 3 CC qui prévoit la double majorité des copropriétaires et de la valeur des parts. Alors que le Tribunal fédéral avait toujours laissé la question ouverte (cf. consid. 3.4.1.1) et que la doctrine est partagée sur le sujet (cf. consid. 3.4.1.2), la Haute Cour parvient à la conclusion que la règle des deux tiers prévue par le règlement d’espèce est acceptable. Selon elle, toute règle dérogeant à la règle de majorité de l’art. 712g al. 3 CC doit répondre aux deux préoccupations suivantes : la majorité requise pour modifier un règlement de PPE doit, d’une part, permettre aux copropriétaires minoritaires de ne pas se voir imposer facilement une modification du règlement et, d’autre part, empêcher qu’un copropriétaire ou une minorité de copropriétaires exerce une influence telle qu’elle bloque toute modification et, partant, l’administration et le développement de l’ordre communautaire (consid. 3.4.1.2).

Analyse de Amédéo Wermelinger

Wenn die Klärung keine Klarheit bringt

PPE

PPE

Publication prévue

Publication prévue

TF 5D_24/2020 du 15 août 2023

Propriété par étages; répartition des charges communes et des frais de l’administration commune; art. 712h CC

Répartition des charges communes et des frais de l’administration commune (art. 712h CC) – Les copropriétaires doivent contribuer aux charges communes et aux dépenses de l’administration commune proportionnellement à la valeur de leurs parts. Toutefois, en vertu de l’art. 712h al. 3 CC, s’il s’agit de parties du bâtiment, d’ouvrages ou d’installations qui ne servent pas ou peu à certains copropriétaires, il doit en être tenu compte dans la répartition des charges. L’application de l’art. 712h al. 3 CC, qui est de droit impératif, est restrictive ; elle présuppose que, objectivement et concrètement, l’ouvrage ou l’installation ne sert pas ou sert de manière minime un copropriétaire individuel, sans tenir compte de ses besoins subjectifs ou de sa renonciation volontaire à l’utilisation (consid. 3.1).

En l’espèce, la PPE comportait des appartements d’une part et, de l’autre, un hôtel et un restaurant sur une part représentant 330/1000. Les parties communes contiennent notamment un grand jardin et une piscine, qui ne sont toutefois pas accessibles aux clients du restaurant. Faute d’avoir prouvé que les équipements communs tels que le jardin, la piscine, la porte d’entrée et l’ascenseur ne desservaient pas, ou seulement de manière minime, l’ensemble de sa propriété par étage, par exemple parce que la composante hôtelière n’était pas pertinente par rapport à la composante exclusivement gastronomique, le propriétaire de l’hôtel et du restaurant ne peut exiger d’être exonéré des charges communes, même partiellement, sur la base de l’art. 712h al. 3 CC. Le fait que le règlement de PPE prévoyait des règles dans l’hypothèse dans laquelle l’hôtel et le restaurant seraient scindés en deux parts distinctes n’y change rien, la scission n’ayant pas eu lieu. De même, le fait que l’hôtel-restaurant ait obtenu, par le passé et pour une durée déterminée, une réduction des charges par voie de conciliation ne permet pas de retenir qu’il puisse y prétendre de manière définitive (consid. 3.4).

PPE

PPE

TF 5A_295/2023 du 15 août 2023

Poursuite pour dettes et faillite; procédure de mainlevée; poursuite engagée contre une caution; réalisation forcée par le créancier gagiste et extinction du droit de gage; certificat d’insuffisance de gage; liquidation spéciale de l'immeuble mise en gage; remise d’une cédule hypothécaire à titre fiduciaire; art. 82, 230 LP; 816 CC

Procédure de mainlevée (art. 82 LP) – (consid. 5.1.1). Poursuite engagée contre une caution – (consid. 5.1.2). Réalisation forcée par le créancier gagiste et extinction du droit de gage – (consid. 5.2.2.1). Certificat d’insuffisance de gage – (consid. 5.2.2.2). Liquidation spéciale de l’immeuble mise en gage – (consid. 5.3).

Remise d’une cédule hypothécaire à titre fiduciaire – Lorsque les parties conviennent, par contrat de fiducie, que la cédule hypothécaire est remise au créancier en propriété à titre fiduciaire aux fins de garantie, il n’y a pas novation de la créance garantie ; la créance incorporée dans la cédule se juxtapose à la créance garantie en vue d’en faciliter le recouvrement. On distingue alors la créance abstraite garantie par le gage immobilier et la créance causale (ou créance garantie ou encore créance de base) résultant de la relation de base, en général un contrat de prêt. Ces deux créances étant indépendantes l’une de l’autre. La créance abstraite et garantie par le gage immobilier doit faire l’objet d’une poursuite en réalisation de gage immobilier alors que la créance causale doit faire l’objet d’une poursuite ordinaire (consid. 5.2.1).

LP

LP

Procédure

Procédure

TF 4A_499/2022 du 08 août 2023

Contrat de vente; défaut de contenance de l’immeuble; qualité promise et qualité attendue; action en réduction du prix; art. 197 ss, 219 CO

Défaut de contenance de l’immeuble (art. 219 CO) – Si la surface de l’immeuble vendu est inférieure à celle indiquée dans le contrat de vente, parce que la surface inexacte résulte d’une procédure de mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur n’est tenu à garantie que s’il s’y est expressément obligé (art. 219 al. 2 CO). Si l’inexactitude concerne un immeuble qui n’a pas fait l’objet d’une mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur est responsable du défaut de contenance. Les autres défauts, comme celui portant sur le volume d’un bâtiment, sont soumis au régime ordinaire (art. 197 ss CO). Selon la jurisprudence, l’art. 219 CO ne s’applique pas à la vente d’une part de copropriété par étages, car les acheteurs acquièrent une part de copropriété et non un objet délimité par une mensuration officielle indiquée au registre foncier. Le défaut de surface par rapport aux plans utilisés dans les pourparlers contractuels est soumis au régime ordinaire (consid. 3.1).

Défaut, qualité promise et qualité attendue de la chose vendue – Rappel des principes (consid. 4). Les surfaces indiquées dans les plans utilisés lors des pourparlers contractuels précédant la conclusion du contrat de vente d’une part d’étage sont des qualités promises ; l’acheteur peut en principe s’y fier, sans avoir à vérifier leur exactitude avant de conclure le contrat (consid. 4.1.1.1).

Action en réduction du prix – Rappel des principes (consid. 4.1.2). Selon la méthode relative applicable, le prix réduit est égal au prix convenu multiplié par la proportion existante entre la valeur objective de la chose avec défaut et la valeur de la chose sans défaut (consid. 4.1.2.1). Pour faciliter le calcul, la jurisprudence a admis une présomption selon laquelle la valeur objective de la chose sans défaut est présumée égale au prix convenu par les parties. Ainsi, si cette présomption n’est pas renversée, la réduction du prix est simplement égale à la moins-value (consid. 4.1.2.2).

En l’espèce, l’habitabilité d’une surface de 66.5 m2 d’une mezzanine était une qualité promise et attendue de la chose. En effet, cette surface figurait comme telle dans la documentation de la venderesse. Le fait que le prix de vente était inférieur au prix du marché n’exclut pas l’existence d’un défaut. Le prix pouvait également dépendre de facteurs subjectifs, tels que la capacité de négociation des parties, l’état de nécessité du vendeur et les goûts de l’acheteur. En l’occurrence, aucun élément ne permettait à l’acheteur de déduire du prix de vente que la surface de 66.5m2 était inhabitable (consid. 4.2.2.3). Toutefois, le Tribunal fédéral revoit dans le cas d’espèce le calcul de la réduction du prix : l’instance précédente s’est arrêtée au calcul de la moins-value, sans procéder à une réduction en proportion de la moins-value. Pourtant, une expertise avait clairement démontré que la valeur objective du bien sans défaut dépassait largement le prix de vente, renversant ainsi la présomption (consid. 4.3.2).

Contrat de vente

Contrat de vente

PPE

PPE

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

TF 4A_449/2022 du 08 août 2023

Contrat d’entreprise; intégration de la norme SIA-118; avis des défauts et norme SIA-118; art. 367, 370 CO; 839 CC; 172-173 Norme SIA-118

Intégration de la norme SIA-118 – Il n’est pas arbitraire de retenir, à l’issue d’une interprétation objective des volontés, que la norme SIA 118 a bien été intégrée dans le contrat d’entreprise, lorsque les parties l’ont expressément intégrée dans un contrat de fourniture de parquet, cette incorporation ayant, de manière reconnaissable, vocation à s’appliquer aux futures prestations relevant du contrat d’entreprise. Le fait que le contrat portant sur le parquet ne constitue pas un contrat d’entreprise auquel la Norme SIA-118 aurait pu s’appliquer, est un indice en ce sens (consid. 4.3 et 4.4).

Avis des défauts et norme SIA-118 – En dérogation du système légal plus strict (art. 367, 370 CO), les art. 172 et 173 al. 1 SIA-118 prévoient un délai de garantie de deux ans dès la réception de l’ouvrage, pendant lequel le maître peut faire valoir en tout temps les défauts, de quelque nature qu’ils soient (consid. 4.2 et 4.5). Des listes des défauts décrivant précisément les défauts soulevés et exprimant de façon claire que la prestation fournie n’est pas conforme au contrat, précisant pour le surplus que l’entrepreneur est tenu pour responsable, constituent des avis de défauts valables (consid. 4.7).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs – A compter du moment où le tribunal constate à bon escient que l’entrepreneur n’a aucune prétention pécuniaire à invoquer contre le maître du fait des travaux accomplis, l’action en inscription définitive ne peut être que rejetée. La cour précédente n’avait pas à le motiver expressément (consid. 6).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_275/2023 du 07 août 2023

Contrat d’entreprise; devis approximatif et norme SIA 118; art. 375 CO; 56 norme SIA 118

Devis approximatif (art. 375 CO) et norme SIA 118 – Les règles du devis approximatif de l’art.  375 CO ne sont pas étrangères à la norme SIA 118, puisque l’art. 56 de cette dernière traite de cette question. Il est donc possible d’appliquer les règles de l’art. 375 CO aux côtés de la norme SIA 118 (consid. 6.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

TF 5A_434/2023 du 03 août 2023

Expulsion; cas clair et expulsion d’un logement après une vente aux enchères forcées; art. 26 Cst.; 257 CPC; 95 LP

Cas clair (art. 257 CPC) et expulsion d’un logement après une vente aux enchère forcée – Dès lors que la procédure de cas clair est possible pour les expulsions de locataires, elle l’est a fortiori pour les expulsions par les nouveaux propriétaires, après une vente aux enchères forcée, lorsque les anciens propriétaires restent dans le logement. En l’occurrence, aucun élément de fait n’était contesté et les griefs relatifs au droit de la saisie, en particulier à l’ordre de saisie de l’art. 95 LP ne sont plus recevables dans la procédure d’expulsion (consid. 3). Les dispositions du droit du bail ne peuvent pas être appliquées par analogie à la présente constellation (consid. 2.4). Par ailleurs, n’étant plus propriétaires, les recourants ne peuvent a priori rien déduire de la garantie de la propriété et les autres droits fondamentaux invoqués ne peuvent pas déployer d’effet direct sur les tiers, dans une relation entre particuliers (consid. 2.3).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

LP

LP

Procédure

Procédure

TF 5A_626/2022 du 17 juillet 2023

Droit foncier agricole; droit de préemption du descendant; rayon d’exploitation usuel; art. 42 al. 2 LDFR

Droit de préemption du descendant du propriétaire d’un immeuble agricole (art. 42 al. 2 LDFR) – Rappel des principes. L’une des conditions de l’existence du droit de préemption du descendant est que l’immeuble vendu soit situé dans le rayon d’exploitation usuel dans la localité de sa propre entreprise. L’exigence d’un tel rayon répond à des préoccupations écologiques et de maintien d’une agriculture productive et rentable. Cette notion juridique indéterminée est présente à plusieurs reprises dans la LDFR et doit être appliquée uniformément (consid. 3.1). Détermination du rayon d’exploitation usuel – Rappel des principes et méthode de calcul (consid. 3.2).

En l’espèce, la condition du rayon d’exploitation usuel n’est pas réunie en présence d’un parcours d’une distance de 5,9 km comprenant des dénivelés importants alors que le rayon usuel local est de 1,36 km. Les itinéraires alternatifs présentant un service d’hiver non garanti, respectivement devant être considérés comme difficilement praticables pour les véhicules agricoles ou encore affichant une distance dépassant largement 8 km ne conviennent pas davantage (consid. 4 et 5).


Droit foncier rural

Droit foncier rural

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_96/2023 du 14 juillet 2023

Servitude; statut d’une paroisse catholique et d’une fondation ecclésiastique; droit de superficie d’un terrain appartenant à la fondation; clausula rebus sic standibus; art. 779 ss CC

Statut d’une paroisse catholique et d’une fondation ecclésiastique – Dans le canton de Zurich, les paroisses catholiques sont des corporations de droit public, dépourvues du droit de propriété sur les biens de l’église, lesquels sont gérés par les fondations ecclésiastiques de droit privé (consid. 2).

Droit de superficie d’un terrain appartenant à une paroisse – La question de savoir si une fondation ecclésiastique doit, pour contracter un contrat de superficie, respecter les principes de droit public tels que la proportionnalité, l’interdiction de l’arbitraire et de l’équivalence, peut rester ouverte en l’espèce (consid. 3). En effet, quand bien même elle y serait soumise, force est de reconnaître que ces principes n’ont pas été violés en l’espèce. Les parties pouvaient librement négocier le contrat de droit de superficie et convenir d’un commun accord de la rente du droit de superficie, y compris indexer le montant de la rente sur le taux d’intérêt de référence et prévoir un montant plancher en-dessous duquel la rente ne pouvait pas descendre (consid. 4).

Clausula rebus sic stantibus et droit de superficie – Rappel des principes (consid. 5.2). La clausula rebus sic standibus ne trouve pas non plus application, le superficiaire ne parvenant pas à prouver que la réduction du taux d’intérêt de référence de 3,25 à 1,5 sur la période pertinente constitue une évolution exceptionnelle du taux d’intérêt, hors de ce que les parties pouvaient imaginer à l’époque de la conclusion du contrat (consid. 5).

Servitude

Servitude

TF 2C_147/2023 du 14 juillet 2023

Droit foncier agricole; autorisation d’acquérir sans être exploitant à titre personnel; art. 64, 66 LDFR

Autorisation d’acquérir une entreprise agricole sans exploitation personnelle (art. 64 et 66 LDFR) – La LDFR prévoit des exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel qui sont énumérées à l’art. 64 LDFR, dont celle disposant que l’autorisation est accordée à l’acquéreur qui n’est pas personnellement exploitant, s’il prouve que, malgré une offre publique à un prix qui ne soit pas surfait, aucune demande n’a été faite par un exploitant à titre personnel (consid.4.1.1).

En l’espèce, l’offre publique a été réalisée à un prix qui se monte à plus du double du prix moyen des cinq dernières années pour des biens-fonds comparables dans la région, de sorte qu’il doit être considéré comme surfait au sens de la LDFR. Le fait que la parcelle se trouvait colloquée en zone intermédiaire en droit vaudois n’a pas d’influence sur le prix, dès lors que cette zone a été supprimée du droit cantonal et qu’elle sera désormais considérée comme une parcelle en zone agricole. Le fait que la parcelle pourrait être intégrée à un projet de plan de quartier à l’horizon 2030, dont l’aboutissement est incertain, n’a pas non plus d’influence sur le prix (consid. 4.2 à 4.4).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

TF 6B_64/2023 du 14 juillet 2023

Droit pénal, homicide par négligence; prescription pénale; art 97-98, 127 CP; 4 LCR et 80 OSR

Prescription pénale – Rappel des principes (consid. 1.1.1). Infraction d’omission ou de commission – Rappel des principes. La livraison d’un ouvrage affecté de défauts imputables à la violation, par l’auteur, des règles de l’art de construire ne correspond pas à un délit d’omission improprement dit, mais à un délit par commission. Le délai de prescription commence de courir au moment où la construction est achevée (consid. 1.1.2). Le jour de la mise en place de barrières de type « Vauban », sur une chaussée sans aucune signalisation en amont, créant ainsi une situation dangereuse, constitue le dies a quo de la prescription (consid. 1.4).

Homicide par négligence (art. 127 CP) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). En l’espèce, le directeur général du projet avait la charge d’organiser les travaux de manière à éviter que des tiers ne subissent de préjudice. En se contentant de prévoir, pour la fermeture momentanée des routes et chemins, le placement de barrières métalliques, même pourvues d’affiches d’avertissement en format A3 ou A4, le directeur de chantier a adopté des mesures non conformes aux exigences posées par les art. 4 al. 1 LCR et 80 al. 1 et 3 OSR, précisées par la norme SN 640 886 de l’Association suisse des professionnels de la route et des transports ainsi que les Directives relatives à la signalisation de chantier émises par la CCSR. Pour le Tribunal fédéral, la nécessité de signaler la présence d’un obstacle obstruant entièrement la chaussée, connue de chaque automobiliste, devait s’imposer à l’esprit du directeur par son caractère d’évidence (consid. 3.4).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_10_2023 du 14 juillet 2023

Contrat d’entreprise; représentation civile; prescription des activités artisanales; art. 32 ss, 127-128 CO

Représentation civile (art. 32 ss CO) – Rappel des principes (consid. 3.1).

Prescription des activités artisanales (art. 127 et 128 CO) – Les actions des artisans pour leur travail se prescrivent par cinq ans selon l’art. 128 ch. 3 CO. Contrairement à ce que pourrait faire accroire la lettre de l’art. 128 ch. 3 CO dans sa teneur française, c’est bien la nature du travail et non la qualité de celui qui l’effectue (petit artisan ou gros entrepreneur) qui est déterminante pour l’application de cette disposition. Le travail de l’artisan est un travail manuel, exécuté avec ou sans outils, dans lequel l’élément manuel revêt une importance supérieure (ou au moins égale) à celle des autres prestations qui supposeront notamment l’emploi de machines, des travaux d’organisation et des tâches administratives. Il se distingue par la prédominance du métier, de la technique, du tour de main, sur la production en série, l’élément intellectuel ou scientifique, l’esprit d’organisation et les tâches administratives. Cette acception est réservée aux travaux n’impliquant pas de recourir à des mesures de planification (en matière de personnel ou de délais) et de coordination avec d’autres corps de métiers et qui peuvent donc être effectués sans moyens administratifs particuliers (consid. 4.1.2).

Casuistique – Constituent des activités artisanales l’installation complète de l’électricité dans une grande villa, des travaux de gypserie ou de peinture, l’exécution de cadres avec des baguettes préfabriquées coupées à la longueur requise, l’exécution de batteries pour animaux, la pose d’installations sanitaires, des travaux de ferblanterie, des travaux de transformation et de ventilation de WC, le montage d’une antenne collective ainsi que des travaux de nettoyage ou de jardinage. Selon les circonstances, ces mêmes activités sont néanmoins exclues si elles nécessitent une activité de planification et de coordination, de nature administrative. Sont notamment exclus des travaux tels que la fourniture et l’installation d’ascenseurs produits par un procédé mécanique industriel, l’édification d’une maison entière, aussi modeste soit-elle, dans la mesure où une telle activité nécessitait un important apport intellectuel, organisationnel et administratif ou encore l’aménagement d’un intérieur, impliquant non seulement de fabriquer et monter du mobilier, mais aussi d’établir des plans et de prendre des mesures d’organisation et de planification notables (consid. 4.1.3). En l’espèce, la restauration d’une quarantaine de meubles anciens constitue une activité artisanale (consid. 4.2-4.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 1C_332/2022 du 13 juillet 2023

Expropriation matérielle; refus de classement; zone à bâtir d’intérêt communal; art. 26 Cst.; 5 LAT

Expropriation matérielle (art. 26 Cst. ; 5 LAT) – Rappel des principes (consid. 3.2) ; date déterminante (consid. 3.4). Zone à bâtir d’intérêt communal – présentation du droit et de la jurisprudence tessinois (consid. 3.5).

Refus de classement – Rappel des principes (consid. 3.3.1). Le refus d’affecter une parcelle à une zone à bâtir se présente également lorsque, dans le cadre d’une première planification conforme à la LAT, une parcelle est placée en zone de constructions et d’installations publiques, c’est-à-dire dans une zone qui n’est pas réservée à la construction de bâtiments privés. Dès lors que le propriétaire ne peut pas construire son terrain, lequel est destiné à être acquis par la collectivité publique, la restriction s’apparente à un classement en zone agricole, même si le terrain demeure formellement dans la zone à bâtir (consid. 3.3.2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que le plan antérieur à la mesure d’aménagement, datant de 1977, n’était pas conforme aux principes de la LAT (consid. 3.6.2). Par conséquent, la mesure correspondait à un refus de classer et non à un déclassement au sens de la jurisprudence fédérale (consid. 3.6.3). La Cour cantonale a reconnu à tort un cas d’expropriation sans examiner en détail si les conditions pour une indemnisation en cas de non-classement étaient remplies, croyant pouvoir s’appuyer sur la particularité d’un classement en zone d’intérêt public. Le TF renvoie la cause pour nouvel examen de ces conditions, en particulier de la constructibilité concrète des parcelles concernées (consid. 4).

Analyse de Samuel Brückner

Limitation du pouvoir de disposition en zone à bâtir: restriction équivalente à une expropriation au sens de l’art. 5 al. 2 LAT ?

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_227/2023 du 05 juillet 2023

Poursuite pour dettes et faillite; poursuite en réalisation du gage; copoursuivis et codébiteurs solidaires; art. 17, 70, 85, 151 ss LP; 88 et 100 ORFI

Copoursuivis dans la poursuite en réalisation du gage (art. 151 ss LP) – Dans le cadre d’une poursuite en réalisation du gage, l’art. 153 al. 2 LP prévoit la notification d’un exemplaire du commandement de payer non seulement au débiteur poursuivi, mais aussi au tiers qui a constitué le gage ou en est devenu propriétaire et au conjoint ou au partenaire enregistré de celui-ci lorsque l’immeuble grevé est le logement de famille ou le logement commun. Cette notification fait acquérir à ces tiers la qualité de copoursuivis avec tous les droits qui en résultent, en particulier celui de faire opposition au commandement de payer, d’invoquer l’inexistence ou l’inexigibilité de la créance en poursuite, d’en contester le montant ou de se prévaloir de l’absence du droit de gage. L’exemplaire du commandement de payer n’est qu’un double de celui qui a été signifié au débiteur et il porte le même numéro, de sorte qu’il n’y a qu’une seule poursuite. La poursuite ne peut être continuée et la réalisation exécutée tant que les commandements de payer notifiés au poursuivi et au copoursuivi ne sont pas passés en force (consid. 5.2).

Codébiteurs solidaires (art. 70 al. 2 LP) – Lorsque des codébiteurs solidaires sont poursuivis simultanément, un commandement de payer doit être notifié à chacun d’eux. Les codébiteurs sont donc poursuivis non pas par une seule et même poursuite, mais par autant de poursuites distinctes qu’il y a de codébiteurs, et cela même lorsqu’il s’agit de poursuites en réalisation de gage et que le droit constitué en gage est le même à l’égard de tous les codébiteurs (art. 88 al. 1 et 4 ORFI). L’opposition faite par l’un des codébiteurs n’a d’effet qu’en ce qui le concerne et demeure sans influence sur les autres poursuites. Une poursuite peut être exercée contre chacun des débiteurs pour le montant total de la dette. La poursuite devra être annulée, conformément à l’art. 85 LP, lorsque le créancier aura été désintéressé par un codébiteur, soit par un paiement volontaire, soit par voie d’exécution forcée (consid. 5.2).

Le cas d’espèce porte sur deux procédures distinctes de poursuite en réalisation du gage, dirigées contre deux codébiteurs solidaires. Ainsi, la procédure de poursuite dirigée contre une codébitrice, alors au stade de la réalisation, pouvait se poursuivre et l’office pouvait procéder aux opérations tendant à la vente de l’immeuble, quand bien même le commandement de payer contre l’autre codébitrice n’était pas entré en force (consid. 5.3).

LP

LP

TF 5A_303/2023 du 04 juillet 2023

Servitude; droit de superficie; indemnité de retour; arbitrage interne, art. 779c et 779d CC; 393 CPC

Motifs d’un recours contre une sentence arbitrale interne (art. 393 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1). Pour l’appréciation de la portée objective de la convention d’arbitrage, le grief de l’art. 393 let. b CPC, portant sur la compétence du tribunal arbitral, s’applique (consid. 3.1). Non-respect du droit d’être entendu ou de l’égalité de traitement selon l’art. 393 let. d CPC (consid. 4.3 et 4.4). Arbitraire de la sentence reposant sur des constatations manifestement contraires aux faits ou une violation manifeste du droit ou de l’équité selon l’art. 393 let. e CPC (consid. 5.1).

Interprétation de la convention d’arbitrage – Rappel des principes (consid. 3.3). Après une interprétation objective de la convention, il ressort en l’espèce que la compétence du tribunal arbitral n’était prévue que pour la fixation du montant de l’indemnité de retour d'un droit de superficie. Non seulement, le texte de la convention va dans ce sens, mais en plus les circonstances font que les parties avaient admis d’emblée, à la signature du contrat, qu’une indemnité serait due ; le litige ne pouvait ainsi survenir que sur la question du montant. Pour le surplus, les arbitres devaient être des experts en en évaluation immobilière, ce qui laisse à penser que seule la question du montant de l’indemnité leur serait soumise (consid. 3.5).

Extinction d’un droit de superficie et indemnité équitable (art. 779c et 779d CC) – Rappel des principes. L’art. 779d CC portant sur l’indemnité de retour est de nature dispositive. Les parties au contrat de droit de superficie peuvent non seulement régler le montant ou le mode de calcul dans le contrat de droit de superficie, mais aussi supprimer l’obligation d’indemnisation (consid. 5.3). En l’espèce, dès lors que le tribunal arbitral a déduit la méthode appropriée du contrat signé entre les parties, les arguments selon lesquels l’indemnité est calculée selon la valeur vénale dans le cadre de l’art. 779d CC ne sont pas pertinents. De plus, il ne suffisait pas de contester la méthode de calcul, encore eût-il fallu que l’indemnité octroyée fusse effectivement arbitraire dans son résultat (consid. 5.5).

Servitude

Servitude

Arbitrage interne

Arbitrage interne

Procédure

Procédure

TF 4A_145/2023 du 03 juillet 2023

Droit de préemption; recours contre une décision incidente; action en paiement non chiffrée; dommage; cession de droits de préemption contractuels; cas de préemption; art. 85 et 237 CPC; 216b CO

Recours contre une décision incidente (art. 237 al. 2 CPC) – Lorsque le tribunal rend une décision incidente portant sur la validité de la cession d’un droit de préemption ainsi que sur l’exercice de celui-ci, il incombe à la partie qui s’y oppose de formuler un recours indépendant devant le tribunal supérieur ; un recours ultérieur en même temps que la décision finale n’est plus possible (consid. 1.3).

Action en paiement non chiffrée (art. 85 CPC) – En l’espèce, il est incontestable qu’au début de la procédure, il n’était pas encore possible ou raisonnable de chiffrer la demande, car elle dépendait d’une expertise sur la valeur vénale du terrain ; la condition de l’art. 85 al. 1 CPC était donc remplie. Est litigieuse la question de savoir si le fait d’avoir attendu les plaidoiries finales pour chiffrer les conclusions est admissible au sens de l’art. 85 al. 2 CPC. Le Tribunal fédéral reconnait que le chiffrage est intervenu sans retard dans le cas d’espèce, puisque l’expertise a été rendue en 2020 mais a continué à faire l’objet de critiques par la suite ; deux compléments d’expertise ont été fournis en date du 2 décembre 2020 et du 25 août 2021. Finalement, le tribunal a invité les parties à présenter leurs plaidoiries écrites dans une décision du 9 novembre 2021, dans laquelle il s’est encore prononcé sur la recevabilité de nombreux moyens de preuve. Il en résulte que seule la conclusion de l’administration des preuves permettait en l’espèce de chiffrer la demande, de sorte que le chiffrage intervenu dans les plaidoiries écrites du 28 février 2022 n’est pas tardif.

Cession de droits de préemption contractuels – La cessibilité des droits de préemption contractuels portant sur des immeubles est actuellement régie par l’art. 216b CO. Selon l’al. 1 de cette disposition, de tels droits de préemption ne sont pas cessibles, sauf convention contraire (consid. 5.1). En l’espèce, cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1994, n’existait pas à la conclusion du contrat et aucune autre disposition ne traitait de la question. Dans la jurisprudence et la doctrine, on retenait alors que le droit de préemption n’était généralement pas cessible, mais que la cessibilité pouvait résulter « de la volonté des parties ou des circonstances particulières du cas d’espèce ». C’est le cas en l’espèce, dans la mesure où les parties avaient un âge avancé à la conclusion du contrat et qu’il ressort d’une interprétation subjective de leur volonté, qu’elles auraient souhaité qu’une cession telle que celle d’espèce, c’est-à-dire entre vifs mais aux héritiers légaux, au compte d’une future succession, soit possible (consid. 5.2-5.4).

Dommage – Le dommage résultant de la violation du contrat qui confère le droit de préemption correspond en l’espèce en la différence entre la valeur vénale du terrain au moment de la violation contractuelle et le prix d’achat payé par l’acquéreur, auquel les bénéficiaires du droit de préemption auraient ainsi pu obtenir le terrain (consid. 6).

Cas de préemption – Lorsqu’un transfert de propriété est effectué pour le compte d’une future succession, il ne déclenche pas de cas de préemption, tant dans le nouveau que dans l’ancien droit. En effet, il n’y a généralement pas de cas de préemption lorsqu’une transaction est conclue en tenant spécialement compte des relations personnelles, comme c’est notamment le cas lors d’une avance d’hoirie, respectivement lorsqu’un immeuble est transféré à un héritier légal en tenant compte de son droit successoral futur. La vente se présente alors comme un règlement anticipé de la succession (consid. 7).

Analyse de François Bohnet , Simon Varin

Le moment du chiffrage des conclusions / le sort du droit de préemption en cas de transfert aux héritiers en raison de leur futur droit de succession

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Contrat de vente

Contrat de vente

Dommage

Dommage

Procédure

Procédure

Publication prévue

Publication prévue

TF 2D_35/2022 du 22 juin 2023

Marchés publics; concurrence; qualité pour recourir de la COMCO; art. 83 et 115 LTF; 9 al. 2bis LMI

Qualité pour recourir de la COMCO – Le Tribunal fédéral avait déjà reconnu que le droit de recours de la COMCO est limité, selon la volonté du législateur, aux décisions qui soulèvent des questions juridiques d’importance fondamentale et aux marchés publics qui atteignent la valeur seuil déterminante. En l’occurrence, il nie que l’art. 9 al. 2bis LMI constitue une base légale spéciale qui la légitimerait à déposer un recours constitutionnel subsidiaire, en dérogation à la LTF, contre des décisions communales d’adjudication de travaux de construction.

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 5A_212/2023 du 19 juin 2023

Servitude; foi publique du registre foncier; acquéreur de bonne foi; modification d’une inscription; art. 738, 973 et 975 CC

Foi publique du registre foncier et acquéreur de bonne foi – Selon l’art. 975 CC, celui dont les droits réels ont été lésés par une inscription faite ou par des inscriptions modifiées ou radiées sans cause légitime, peut en exiger la radiation ou la modification (al. 1). Demeurent réservés les droits acquis aux tiers de bonne foi par l’inscription (al. 2), conformément à l’art. 973 al. 1 CC (consid. 3.1.1). Doit être protégé dans l’acquisition celui qui, de bonne foi, s’est fié à une inscription au registre foncier – étant précisé que le contrat de servitude est conservé comme pièce justificative au bureau du registre foncier et fait également partie intégrante du registre foncier – et a acquis par la suite la propriété ou d’autres droits réels. Même un acquéreur en soi de bonne foi doit donc se renseigner plus en détail si des circonstances particulières lui font douter de l’exactitude de l’inscription. L’état physique réel et extérieurement visible d’un bien-fonds peut notamment faire échec à la bonne foi du tiers acquéreur dans l’inscription figurant au registre foncier (consid. 3.1.3).

En l’espèce, l’acquéreur du fonds dominant ne pouvait pas de bonne foi considérer que la servitude impliquait une interdiction de construire sur l’entier du fonds servant à l’exception du volume déjà bâti, alors qu’elle était inscrite en tant que « restriction de bâtir » et que le feuillet renvoyait le lecteur à rechercher des précisions auprès du registre foncier avec une mention selon laquelle l’exercice du droit devait s’effectuer « selon le registre foncier ». L’acquéreur devait en outre se renseigner davantage en constatant que la limitation de hauteur à quatre mètres, prévue par la servitude, n’était visiblement pas respectée actuellement par deux bâtiments déjà construits (consid. 3.4).

Servitude

Servitude

TF 2C_901/2022 du 31 mai 2023

Responsabilité civile; délimitation avec le droit public; responsabilité du détenteur d’ouvrage; art. 41 ss CO

Délimitation avec le droit public – La responsabilité des collectivités publiques cantonales et communales est en principe régie par les art. 41 ss CO, sous réserve de l’adoption par les cantons de dispositions de droit public cantonal (art. 59 et 61 CO). De jurisprudence constante, s’il existe une norme fédérale de responsabilité dans une loi spéciale (p.ex. art. 58 LCR) ou parmi les dispositions spéciales du CO (p.ex. art. 56 et 58 CO ; art. 679 CC) qui s’applique également aux collectivités publiques, la norme fédérale prime et les cantons ne peuvent pas y déroger (consid. 4.2).

Responsabilité du détenteur d’ouvrage (art. 58 CO) – rappel des principes (consid. 5.1 et 5.2).

En l’espèce, la réalisation d’un remblai terreux en contrebas d’une route communale aurait endommagé le chalet du propriétaire voisin, lequel a déposé une demande selon la responsabilité étatique de droit public cantonal. Or, le Tribunal fédéral confirme qu’un tel remblai constitue un ouvrage au sens de l’art. 58 CO, ce qui ne laisse aucune place pour l’application du droit public cantonal (consid. 5.3). Même si le remblai se trouve sur la parcelle d’un tiers, c’est bien la Commune, propriétaire de la route, qui en est responsable au sens de l’art. 58 CO. En effet, selon la jurisprudence, lorsque deux choses juridiquement indépendantes forment un seul et même ouvrage d’un point de vue fonctionnel et que le défaut affectant la chose la moins importante se présente comme un défaut de l’autre, il importe peu que les deux choses appartiennent à des propriétaires différents. La responsabilité du propriétaire de l’ouvrage de l’art. 58 CO est alors encourue par le propriétaire de la partie la plus importante, qui a en principe construit l’ouvrage dans son ensemble, l’utilise, en dispose effectivement et doit donc veiller à son entretien (consid. 5.4). Par conséquent, le Tribunal fédéral confirme l’arrêt d’irrecevabilité de l’instance précédente.

Responsabilité civile

Responsabilité civile

Procédure

Procédure

TF 4A_302/2022 du 30 mai 2023

Contrat d’entreprise; violation de la promesse de contracter; art. 22, 97 et 377 CO

Violation de la promesse de contracter un contrat d’entreprise (art. 22 et 97 en lien avec 377 CO) – Si le promettant se départit du précontrat, le dommage à réparer est celui que son partenaire contractuel subit du fait de l’inexécution du contrat principal lui-même, soit du contrat d’entreprise. Les règles des art. 97 en lien avec l’art. 377 CO s’appliquent (consid. 5).

En l’espèce, dès lors que les maîtres d’ouvrage se sont départis du contrat pour un pur prétexte, les dommages-intérêts positifs sont dus dans leur entièreté (consid. 5.1). Ils peuvent être établis sur la base des devis fournis antérieurement, respectivement du projet de contrat d’entreprise qui n’a finalement pas été signé (consid. 5.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_955/2022 du 26 mai 2023

Servitude; interprétation d’une servitude; servitude de distance à la limite et droit public; art. 738 CC

Interprétation d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1-3.3.3).

Servitude de distance à la limite – L’inscription au registre foncier d’une servitude de distance à la limite (Näherbaurecht) comprend le droit de construire à une distance inférieure à la distance légale à la limite du bien-fonds voisin. Ainsi, le propriétaire du fonds grevé doit tolérer que le propriétaire du fonds dominant construise sur son fonds à une distance inférieure à la distance minimale légale à la limite. Dans le cas d'une telle servitude réciproque, les propriétaires fonciers concernés s'engagent mutuellement à tolérer un bâtiment ou une partie de bâtiment de l'autre dans la zone de distance (consid. 3.5).

Lien avec le droit public – Les servitudes de distance à la limite doivent s’inscrire dès le départ dans le cadre de ce qui est admissible en droit public : il n’est pas possible de déroger aux règles de droit public sur les distances par cet instrument (consid. 3.6). Dans l’hypothèse dans laquelle le droit public ne permet pas aux deux propriétaires voisins de bénéficier de la servitude réciproque, le Tribunal fédéral considère, suivant la doctrine sur le sujet, que le premier constructeur bénéficie du privilège de distance alors que le second doit s’éloigner davantage de la limite pour résoudre le conflit entre la servitude et les prescriptions de droit public en matière de distance entre les bâtiments. Cette solution doit en tout cas prévaloir, lorsqu’il ne ressort ni du contrat de servitude ni des autres circonstances, que les parties contractantes ont une obligation de s'écarter de la limite dans la même proportion (consid. 3.6.3).

Servitude

Servitude

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_51/2023 du 23 mai 2023

Contrat d’entreprise; matériaux utilisés sur le fonds d’autrui; réserve de forme; dol; art. 671 ss CC; 16 et 28 CO

Matériaux utilisés sur le fonds d’autrui (art. 671 ss CC) – Rappel des principes. Ces dispositions ne s’appliquent pas si la mise en place des matériaux a été effectuée sur la base d’un contrat entre le propriétaire des matériaux et le propriétaire foncier, pas plus que lorsque l’assemblage du matériel avec le terrain a été effectué par quelqu’un qui n’est ni propriétaire du matériel ni propriétaire du terrain (consid. 4.2). En l’absence d’allégation et de preuve, par l’entrepreneur, d’une utilisation de ses propres matériaux sur le fonds d’autrui et d’enrichissement du propriétaire du fonds, l’indemnité au sens de l’art. 672 CC n’est pas due (consid. 4.4).

Réserve de forme (art. 16 CO) – Lorsque les parties avaient réservé une forme particulière pour toute modification du contrat, à savoir la forme écrite accompagnée de la « signature juridiquement valable des deux parties », cette réserve de forme est globale et s’applique également à toutes les modifications de commande, quel que soit leur titre. Il est présumé (de manière réfutable) que les parties n’ont pas voulu convenir d’une modification de la commande si cette forme n’a pas été respectée (consid. 5.2). Il incombe à la partie qui veut renverser cette présomption d’alléguer et de prouver que la modification est intervenue tacitement (consid. 5.3.2).

Dol (art. 28 CO) – Rappel des principes (consid. 8.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_757/2022 du 17 mai 2023

Servitude; droit de passage nécessaire; accès suffisant en droit public; rapport entre droit privé et droit public; art. 694 CC; 19 et 22 LAT

Droit de passage nécessaire (art. 694 CC) – Rappel des principes. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral fait dépendre l’octroi d’un passage nécessaire de conditions très strictes. Le droit de passage ne peut être invoqué qu’en cas de véritable nécessité. Il n’y a nécessité que si une utilisation ou une exploitation conforme à la destination du fonds exige un accès à la voie publique et que celui-ci fait totalement défaut ou est très entravé (consid. 4).

Accès suffisant en droit public (art. 19 al. 1 et 22 al. 2 LAT) – Une autorisation de construire n’est délivrée qu’à la condition que le terrain soit équipé. Un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès. Ce sont les moyens de la planification qui déterminent en premier lieu l’accès suffisant ; celui-ci peut également être aménagé par une convention privée conclue entre les propriétaires concernés. L’accès est suffisant lorsqu’il est garanti, sûr et approprié, non seulement pour ceux qui profitent de la construction, mais également pour les véhicules des services publics. L’étendue des installations et la détermination de l’accessibilité suffisante relèvent du droit cantonal. Du point de vue du droit fédéral, il suffit que la route d’accès soit suffisamment proche des constructions et installations. Il n’est pas nécessaire que la route soit carrossable jusqu’au terrain à bâtir ou même jusqu’à chaque bâtiment ; il suffit que les usagers ou les visiteurs puissent accéder avec un véhicule à moteur (ou un moyen de transport public) à une proximité suffisante pour accéder aux bâtiments ou installations par un chemin (consid. 4.2.2).

Rapport entre droit privé et droit public – La question de savoir si un bien-fonds, même situé en zone à bâtir, dispose d’un accès suffisant pour l’utilisation ou l’exploitation conforme à sa destination relève en premier lieu du droit public. Le zonage devrait en effet avoir pour conséquence que les biens-fonds dans la zone à bâtir soient équipés conformément au plan, rendant ainsi les servitudes de passages nécessaires superflues. La réalité du terrain est parfois autre. Dans ce cas, le propriétaire foncier doit recourir en premier lieu aux institutions du droit public si elles lui permettent d’obtenir un équipement convenable. Dans cette mesure, le propriétaire qui veut demander un passage nécessaire doit établir qu’il a fait – au préalable et en vain – tout son possible pour obtenir par les moyens du droit public un accès à son immeuble (consid. 4.2.1). Saisi d’un litige de droit de passage nécessaire, le juge civil peut en principe se fonder sur l’autorisation de construire entrée en force dans la mesure où, sous réserve d’exceptions, l’accès suffisant du droit public suppose des exigences plus strictes que celles du passage nécessaire garanti par le droit privé (consid. 4.4).

En l’espèce, le TF confirme que la parcelle est située en zone à bâtir sans toutefois disposer d’un accès suffisant sous l’angle du droit public et que l’aménagement d’un tel accès n’est actuellement pas prévu par les autorités ni exigible par le propriétaire auprès des autorités (consid. 5). En outre, il n’est pas contesté que l’accès est insuffisant au sens de l’art. 694 CC : le bâtiment sert de résidence principale ; l’accès piéton est dangereux et ne correspond pas aux critères actuels (longueur et pente) ; aucun accès motorisé n’est assuré pour des transports exceptionnels ou pour les services publics ; les livraisons postales exceptionnelles par la route existante ne bénéficient d’aucune autorisation (consid. 6).

Servitude

Servitude

TF 2C_752/2022 du 16 mai 2023

Droit foncier agricole; révocation d’une autorisation d’acquérir une entreprise agricole; qualité pour recourir; art. 61 ss et 83 LDFR

Autorisation d’acquérir une entreprise agricole (art. 61 ss LDFR) – Rappel des principes (consid. 5.2.1). Qualité pour recourir – L’art. 83 al. 3 LDFR prévoit d’un côté que les parties contractantes peuvent interjeter un recours devant l’autorité cantonale de recours contre le refus d’autorisation et, de l’autre côté, que l’autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d’emption, du droit de préemption ou du droit à l’attribution peuvent recourir contre l’octroi de l’autorisation. Bien que cette disposition ne soit pas exhaustive, il s’agit d’une lex specialis à l’art. 89 LTF visant à limiter le cercle de personnes qui peuvent recourir contre une autorisation (consid. 5.2.2). Cette disposition s’applique également à la qualité pour recourir contre la révocation d’une autorisation d’acquérir (consid. 5.3 et 5.4). En application de l’art. 83 al. 3 LDFR, l’aliénateur de l’entreprise agricole n’a pas la qualité pour recourir contre une décision rejetant la révocation de l’autorisation (consid. 5.4.2 et 5.5).

NB : l’arrêt du TF 2C_926/2022, du 13 juin 2023 porte sur la même problématique et reprend la solution de l’arrêt résumé ici.

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Procédure

Procédure

TF 2C_967/2020 du 03 mai 2023

Convention collective de travail; extension du champ d’application d’une CCT; art. 1 ss LECCT

Extension du champ d’application d’une CCT (art. 1 ss LECCT) – Rappel des principes (consid. 4.1 ss).

En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme la validité de l’extension du champ d’application de la Convention collective de travail des ingénieurs, des architectes et des professions apparentées, au niveau cantona (TC), laquelle avait été décidée par l’exécutif tessinois.

Convention collective de travail (CCT)

Convention collective de travail (CCT)

TF 1C_392/2022 et 1C_391/2022 du 03 mai 2023

Garantie de la propriété; droits politiques et légalité d’une initiative populaire; garantie de la propriété; art. 26, 36, 74 ss Cst.

Droits politiques et légalité d’une initiative populaire – Rappel des principes.

Garantie de la propriété (art. 26 Cst.) – Le Tribunal fédéral rappelle que la propriété n’est garantie que dans les limites qui lui sont imposées par l’ordre juridique dans l’intérêt public. Selon une jurisprudence constante, il convient notamment de respecter les exigences de la protection des eaux (art. 76 Cst.), de la protection de l’environnement (art. 74 Cst.) et de l’aménagement du territoire (art. 75 Cst.). Ces intérêts publics importants et les limitations qui en découlent font partie du contenu de la garantie de la propriété et doivent être acceptés sans indemnisation, contrairement aux restrictions à la garantie qui sont assimilables à une expropriation.

En l’espèce, deux règlementations proposées par voie d’initiatives populaires communales visent la réduction des émissions de CO2 avec, comme mesures phares, d’une part l’utilisation obligatoire de chauffages fonctionnant uniquement avec des énergies renouvelables dès 2030 (arrêt 1C_391/2022) et, d’autre part, l’obligation d’installer dans les immeubles d’habitation de la commune des gaines passes-câbles permettant le raccordement aisé d’une station de recharge pour véhicules électriques (arrêt 1C_392/2022). Après avoir reconnu une compétence communale pour légiférer sur ces sujets, le Tribunal fédéral a vérifié la compatibilité des mesures avec la garantie constitutionnelle de la propriété. Dans la mesure où il n’est pas contesté qu’il existe une base légale et un intérêt public important à l’adoption de ces règlementations, se pose uniquement la question de leur proportionnalité. Selon le TF, ces mesures sont non seulement appropriées pour atteindre le but visé mais en plus, elles n’atteignent que les intérêts financiers des propriétaires, lesquels doivent être relativisés, puisque des contributions d’encouragement cantonales sont disponibles. La marge de manœuvre temporelle dont disposerait les propriétaires pour procéder aux modifications apparaît suffisante, ce qui renforce la proportionnalité des mesures. Ainsi, les règlementations proposées sont proportionnées et donc compatibles avec la Constitution : elles peuvent être soumises au vote populaire.

NB : Les deux arrêts sont reproduits dans le fichier annexé (TF 1C_391/2022 puis TF 1C_392/2022).

Analyse de Samuel Brückner

Portée de la garantie de la propriété lors de l’adoption de règles constructives destinées à limiter les émissions de CO2

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_361/2022 du 25 avril 2023

Contrat d’entreprise; défauts ; compensation; art. 367 ss CO; 166 ss Norme SIA

Défaut – Définition et rappel des principes. L’ouvrage doit répondre aux exigences techniques et à la destination que le maître lui réserve. Si celui-ci entend affecter l’ouvrage à une destination sortant de l’ordinaire, il doit en aviser l’entrepreneur. En revanche, il n’a pas cette obligation lorsque l’utilisation prévue est usuelle ; l’ouvrage doit alors correspondre, au minimum, aux règles de l’art reconnues ou à un standard équivalent (consid. 4).

En l’espèce, un agriculteur a conclu un contrat d’entreprise portant sur une installation de biogaz. L’acier choisi pour l’anneau supérieur du digesteur, qui aurait dû rester stable pendant dix ans, a néanmoins souffert de corrosion trois ans à peine après la mise en service. Bien qu’il s’agisse d’un indice en faveur de l’existence d’un défaut, cet élément ne suffit pas pour admettre l’arbitraire du tribunal précédent qui a retenu qu’il était plus probable qu’un mauvais réglage de l’oxygène insufflé dans l’installation était la cause de la corrosion prématurée. Le Tribunal fédéral souligne que l’entrepreneur aurait certainement dû proposer un autre acier plus résistant, mais que le maître n’avait rien allégué à ce sujet en procédure (consid. 5).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Normes SIA

Normes SIA

TF 5A_998/2022 du 18 avril 2023

Servitude; mesures provisionnelles; préjudice irréparable; art. 731 ss CC; 261 ss CPC; 93 LTF

Préjudice irréparable (art. 93 LTF) – Lorsque les travaux ont été arrêtés par des mesures provisionnelles fondées sur une servitude litigieuse, il existe un risque de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF. En effet, non seulement il peut exister des risques importants de dommages statiques et dus aux intempéries sur l’ouvrage en cours de construction, mais en plus la constructrice et l’acheteuse sont privées de la jouissance de leur bien pendant toute la procédure (consid. 1.2).

Mesures provisionnelles (art. 261 ss CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme, au stade de la vraisemblance, la validité d’une servitude octroyant un droit de superficie à la limite pour une maison individuelle à toit plat et la non-conformité du projet en cours de construction à cette servitude. En outre, les conditions du risque d’atteinte et du risque de préjudice difficilement réparable de cette atteinte sont également réunies pour le prononcé de mesures provisionnelles (consid. 3.5).

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 5A_62/2023 du 17 avril 2023

Servitude; servitude de conduite; intérêt à agir; légitimation active; art. 691 CC; 24c LAT

Intérêt à agir et légitimation active (art. 59 CPC) – Les procédures de permis de construire et d’inscription de servitude sont deux procédures distinctes l’une de l’autre, qui ne se préjugent pas mutuellement et pour lesquelles la loi ne prescrit pas d’ordre précis. Il est sans conséquence pour l’intérêt à agir qu’aucune demande de permis de construire n’ait été déposée (consid. 4.1). En outre, c’est bien le propriétaire voisin qui a la légitimation active et ce, même si le maître d’ouvrage est formellement le Service cantonal des eaux qui agit sur demande des propriétaires demandeurs (consid. 4.2).

Servitude de conduite (art. 691 CC) – Rappel des principes (consid. 3). En l’espèce, le bâtiment concerné ne dispose pas d’un approvisionnement suffisant en eau potable, qu’il soit utilisé comme résidence permanente ou à des fins de vacances (consid. 6.1.1). De plus, la construction d’une conduite alternative n’est pas possible, car le (futur) fonds servant entoure la parcelle concernée de tous côtés. Enfin, les inconvénients de la conduite pour les propriétaires du fonds servant sont jugés faibles, les éventuelles pertes d’exploitation devant le cas échéant être indemnisées (consid. 6.1.2). La question de savoir si une utilisation conforme à sa destination au sens de l’art. 24c LAT peut être faite du bâtiment litigieux devra être tranchée dans une éventuelle procédure de permis de construire et ne concerne pas la procédure de servitude (consid. 6.2). Par conséquent, le droit à l’inscription d’une servitude de conduite est confirmé par le Tribunal fédéral.

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 2C_971/2021 du 14 avril 2023

Assurance immobilière, élément naturel; dommage combiné; LAIEN/VD

Elément naturel – Des pluies torrentielles peuvent être considérées comme élément naturel couvert par l’assurance, même si la loi vaudoise ne les mentionne pas expressément ; il n’est pas arbitraire de les rattacher à la catégorie des inondations (consid. 5).

Dommage combiné – Selon l’Accord sur la délimitation et les actions récursoires, conclu le 20 juin 2015 entre l’Association des établissements cantonaux d’assurance d’incendie et l’Association Suisse d’Assurances (actuellement remplacé par un Accord révisé du 1er septembre 2019), les dommages dus à l’infiltration conjointe d’eau de surface (de plain-pied) et d’eau de l’intérieur de la terre (eaux souterraines, reflux des canalisations) au cours d’un événement lié à la même cause météorologique (dommages combinés) sont pris en charge exclusivement par les établissements cantonaux d’assurance (consid. 6).

Assurance immobilière

Assurance immobilière

TF 5A_452/2022 du 11 avril 2023

Servitude; motivation de l’appel; servitudes de conduite et d’empiètement; art. 674 et 691 CC; 311 CPC

Motivation de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2.1).

Servitude d’empiètement – Lorsqu’un ouvrage empiète sur le fonds d’autrui et que le lésé, bien qu’il s’en soit rendu compte, ne s’y oppose pas en temps utile, le propriétaire de bonne foi peut se voir attribuer, si les circonstances le justifient, contre une indemnité équitable, une servitude d’empiètement ou la propriété du sol (art. 674 al. 3 CC). Cette disposition est applicable par analogie lorsque, lors de la construction de l’ouvrage à cheval sur deux fonds, les deux terrains appartenaient au même propriétaire et ne sont passés qu’ultérieurement en des mains différentes (consid. 5.1).

En l’espèce, une fosse à purin s’est trouvée, par division cadastrale, séparée de l’étable pour ânes dont elle est attenante. Les propriétaires de l’étable cherchent à obtenir un droit réel sur la fosse à purin. Une expertise a toutefois nié l’utilité de la fosse à purin pour l’élevage des ânes. En outre, l’intérêt des propriétaires actuels de la fosse à la combler afin de sécuriser leur terrain et éviter des risques de pollution du terrain et de la nappe phréatique devait l’emporter. En conséquence, le droit à obtenir une servitude d’empiètement est nié (consid. 5.2.3).

Servitude

Servitude

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Procédure

Procédure

TF 5A_689/2022 du 06 avril 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; travaux donnant droit à l’inscription d’une hypothèque légale; art. 837 ss CC

Travaux donnant droit à l’inscription d’une hypothèque légale (art. 837 CC) – Rappel des principes (consid. 5.1 et 5.2.5). Une révision de 2012 a étendu l’hypothèque légale aux travaux de destruction d’un bâtiment ou d’autres ouvrages et au montage d’échafaudages, à la sécurisation d’une excavation ou à d’autres travaux semblables.

Avant cette révision, la jurisprudence a rappelé que l’hypothèque légale reposait sur l’idée que la plus-value d’un bien-fonds résultant de la construction devait garantir les créances des artisans et entrepreneurs qui avaient contribué à l’augmentation de la valeur par leurs prestations. Il en résultait que le travail sur l’immeuble ou sur un ouvrage qui en devenait partie intégrante étaient protégés par l’hypothèque, contrairement aux choses fongibles pour lesquelles il était possible de refuser de livrer et d’utiliser la marchandise autrement (consid. 5.2.1).

En suivant la doctrine majoritaire (cf. consid. 5.2.3), le Tribunal fédéral retient que la révision n’a pas fondamentalement changé l’étendue, respectivement la nature des prestations pouvant donner lieu à une hypothèque légale. La fourniture de matériaux de construction ne bénéficie de l’hypothèque légale que pour autant que ces matériaux aient été fabriqués spécialement pour l’immeuble en cause et spécialement déterminés, ce qui exclut le simple transport de matériaux. Les prestations d’évacuation et d’élimination de déblais ou de gravats de chantier ne donnent en principe pas droit à l’inscription d’une hypothèque légale, à moins de former une unité fonctionnelle avec les travaux effectués par la même entreprise pour la construction d’un ouvrage (consid. 5.2.6).

Unité fonctionnelle entre différentes prestations – Une unité entre différentes prestations est admise lorsque celles-ci sont liées entre elles de telle sorte qu’elles forment un tout. La qualification juridique, le nombre de contrats ou encore le fait que les prestations aient pour objet plusieurs ouvrages ou parties de l’immeuble, ne sont pas à eux seuls des éléments décisifs. Selon la jurisprudence, forment notamment un tout des commandes successives de béton frais pour un même chantier ou des travaux de terrassement devant être effectués en même temps que la réalisation d’une paroi moulée. L’existence d’une unité doit en revanche être niée lorsqu’un entrepreneur se voit attribuer, après coup, d’autres travaux de nature différente (consid. 6.2.2).

En l’espèce, le Tribunal fédéral nie l’unité fonctionnelle entre un travail de creuse et de remblayage convenu en cours de chantier et le travail de transport de matériaux et déblais. De même, les travaux effectués sur la rampe d’accès, lesquels portaient sur une partie précise de l’immeuble, ayant donné lieu à une convention séparée prévoyant un tarif particulier, ne formaient pas, matériellement et économiquement, une unité avec les activités de transport de matériaux et de déblais que l’entrepreneur a réalisées pendant toute la durée du chantier (consid. 6.2.3).

Analyse de Christine Magnin

Etendue des travaux couverts par l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_539/2022 du 05 avril 2023

Contrat d’entreprise; exception d’inexécution; cession des droits de garantie; retenue et sûreté après la remise de l’ouvrage; prix forfaitaire; maxime des débats et principe de l’allégation; art. 82, 164 ss CO; 149 ss, 181 Norme SIA; 55 CPC

Exception d’inexécution (art. 82 CO) – Rappel des principes. Si l’exception soulevée est justifiée, le juge protège l’action en ce sens qu’il condamne le débiteur à la prestation « trait pour trait », c’est-à-dire à une obligation sous condition suspensive. Le droit de refuser une prestation présuppose toutefois que les prestations réciproques se trouvent dans un rapport d’échange. En règle générale, un tel rapport n’existe qu’entre les obligations de prestations principales, mais pas en ce qui concerne les obligations de prestations accessoires. Exceptionnellement, l’application de l’art. 82 CO est toutefois envisageable en ce qui concerne les obligations accessoires, notamment lorsque la prestation principale serait pratiquement sans valeur en cas de non-exécution de l’obligation de prestation accessoire. Il appartient en premier lieu aux parties de décider si la prestation accessoire revêt une importance telle qu’elle se trouve dans un rapport d’échange avec la prestation principale (consid. 2.2).

En l’espèce, le maître de l’ouvrage ne parvient pas à démontrer que la transmission des garanties serait une obligation principale qui devrait être dans un rapport d’échange synallagmatique avec le paiement du prix de l’ouvrage (consid. 2.3.3.3). De plus, les droits de garantie ont été valablement cédés, selon la convention d’exécution, dès réception de l’ouvrage. Dans le cadre d’une cession de créance, les droits préférentiels et accessoires sont transférés avec la créance, à l’exception de ceux qui sont indissociablement liés à la personne du cédant (art. 170 al. 1 CO). Seule une promesse de garantie indépendante faite au cédant selon l’art. 111 CO n’est pas couverte sans autre par l’effet de la cession (consid. 2.3.3.2).

Retenue et sûreté après la remise de l’ouvrage (art. 149 ss et 181 Norme SIA 118) – Selon l’art. 181 al. 1 Norme SIA 118, la garantie à fournir avant le versement de la retenue existe de manière générale pour les défauts signalés lors du contrôle commun ou pendant le délai de réclamation, indépendamment du fait que l’entrepreneur ait fourni ses prestations lui-même ou par l’intermédiaire de sous-traitants. Ces derniers sont des auxiliaires d’exécution dont l’entrepreneur principal est responsable du travail défectueux.

En l’espèce, les parties ont toutefois prévu une cession des droits de garantie à la date convenue ainsi qu’une libération totale de l’entrepreneur de toutes ses obligations envers le maître d’ouvrage pour la fourniture de prestations relatives au projet. Par conséquent, il n’existe plus de droit à la garantie et aucune retenue ne se justifie (consid. 2.3.4.2).

Prix forfaitaire – En l’occurrence, les parties ont modifié le contrat initial et fixé un prix au forfait dans un nouvel accord, près d’un an après la remise de l’ouvrage. Dans ce contexte, faute de preuve contraire, il faut retenir que le prix forfaitaire comprenait les réductions du prix dues en raison du défaut de l’aménagement intérieur de certains appartements. C’est en particulier le cas, lorsque l’accord sur prix forfaitaire visait précisément à éviter un décompte compliqué (consid. 3.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

Procédure

TF 2C_636/2022, 2C_637/2022 du 05 avril 2023

Marchés publics; question juridique de principe; adaptation du contrat après adjudication; interruption de la procédure d’adjudication; art. 83 LTF

Question juridique de principe (art. 83 let. f LTF) – Rappel des principes (consid. 2.2). La question de savoir dans quelle mesure le projet de contrat peut encore être adapté sur certains points après l’adjudication ne constitue pas une question juridique de principe : dans l’ATF 134 II 297, le Tribunal fédéral a retenu qu’au moment de l’adjudication, tous les éléments essentiels du futur contrat doivent déjà être réglés, mais que les négociations contractuelles entre l’autorité adjudicatrice et l’adjudicataire ne commencent qu’après la clôture de la procédure d’adjudication et que les partenaires contractuels peuvent encore s’entendre librement sur les points secondaires (consid. 3.1.1). Dans le cas d’espèce, tous les éléments essentiels du futur contrat étaient déjà fixés au moment de l’adjudication (consid. 3.1.2 et 3.1.3).

La question de l’interruption de la procédure d’adjudication a également fait l’objet de jurisprudence fédérale. Une interruption n’est possible qu’à titre exceptionnel, à condition qu’il existe un motif important, l’autorité adjudicatrice disposant d’un important pouvoir d’appréciation à cet égard (consid. 3.2.1). S’il est vrai que le Tribunal fédéral ne s’est pas encore prononcé sur la question spécifique de savoir si des « défauts essentiels » dans le cahier des charges nécessitent une interruption de la procédure, la Haute Cour relève que, dans le cas d’espèce, l’existence de telles irrégularités n’était pas prouvée, de sorte que la question n’est pas pertinente pour solutionner le litige d’espèce (consid. 3.2.2 à 3.3).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 5A_665/2022 du 04 avril 2023

Droits de voisinage; démarcations sur la limite; usages locaux; art. 5, 670, 686, 741 CC

Démarcations sur la limite – Selon l’art. 670 CC, les clôtures servant à la démarcation de deux immeubles, telles que murs, haies, barrières, qui se trouvent sur la limite, sont présumées appartenir en copropriété aux deux voisins. Rappel des principes (consid. 3 à 3.2). Cette disposition établit une présomption qui peut être renversée par un acte juridique entre les voisins ou un usage local contraire au sens de l’art. 5 al. 2 CC (consid. 3.3.2). 

Usages locaux – Rappel des principes (consid. 3.3.4). La législation cantonale peut déterminer les distances que les propriétaires sont tenus d’observer dans les fouilles ou les constructions. Elle peut établir d’autres règles pour les constructions et ce y compris en lien avec les démarcations sur la limite au sens de l’art. 670 CC (art. 686 CC) (consid. 3.4).

Le canton de Berne a adopté l’art. 79i LiCCS, lequel prévoit qu’un mur de soutènement placé sur la limite est considéré comme faisant partie intégrante du fonds du propriétaire qui l’a construit. Si cela ne peut être déterminé, le mur est réputé appartenir en copropriété aux deux voisins. Selon le Tribunal fédéral, cette disposition pouvait être adoptée en vertu de l’art. 686 CC et n’est pas contraire au droit fédéral (consid. 3.5).

Celui qui achète un fonds sur lequel son prédécesseur en droit avait érigé une palissade sur la limite devient également propriétaire de cette dernière selon le droit bernois (consid. 4) ; il en supporte partant l’obligation d’entretien exclusive. L’art. 741 al. 2 CC relatif à l’entretien des ouvrages nécessaires à l’exercice d’une servitude n’est pas applicable par analogie (consid. 5).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Nuisances

Nuisances

Publication prévue

Publication prévue

TF 6B_1201/2022 du 03 avril 2023

Droit pénal; lésions corporelles simples par négligence; violation des règles de l’art de construire; art 11, 12, 125 al. 1 et 229 CP; 328 CO; 82-83 LAA; OPA; OTConst

Lésions corporelles par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Rappel des principes (consid. 2.1.1).

Violation des règles de l’art de construire (art. 229 CP) – Rappel des principes (consid. 2.1.2). Les personnes chargées de la direction et de l’exécution d’un ouvrage sont responsables du respect des règles de l’art dans le domaine de la construction. Elles ne peuvent toutefois pas être tenues pour pénalement responsables de toutes les infractions aux règles sur un chantier ; il convient de déterminer au cas par cas l’étendue des tâches et donc du domaine de responsabilité des personnes concernées. Cela se détermine sur la base des dispositions légales, des accords contractuels ou des fonctions exercées ainsi que des circonstances concrètes. Les règles de protection des travailleurs sur le lieu de travail et de la prévention des accidents des art. 328 al. 2 CO et 82-83 LAA ainsi que celles de l’OPA sont pertinentes. En matière de construction, les règles de l’Ordonnance sur les travaux de construction (OTConst ; RS 832.311.141) sont déterminantes. La violation de ces normes constitue un indice de non-respect du devoir de diligence au sens de l’art. 12 al. 3 CP.

En l’espèce, un ouvrier a marché dans un trou dans le coffrage du plafond alors qu’il effectuait des travaux auxiliaires pour la construction d’un échafaudage ; il a chuté d’un étage. Le responsable de la sécurité a certes instruit les supérieurs compétents, en particulier le chef monteur d’échafaudages, sur les parties de l’immeuble dont l’accès était autorisé. Toutefois, selon la jurisprudence, il faut s’attendre à un comportement fautif de la part des travailleurs et en particulier des travailleurs auxiliaires pour lesquels on ne peut pas supposer une formation ou des connaissances techniques particulières. Par conséquent, le chef de la sécurité du chantier aurait dû faire sécuriser le lieu de l’accident contre les chutes, ce d’autant plus qu’il n’apparaît pas que cela n’aurait pas été possible ou seulement au prix d’efforts déraisonnables. Les ouvertures dans le sol, même provisoires, doivent être sécurisées, respectivement à tout le moins signalées par un ruban rouge et blanc. Le fait que la zone était délimitée visuellement par des fers d’armature s’avère insuffisant (consid. 2.3.1). Les éléments constitutifs de la lésion corporelle simple par négligence ainsi que de l’infraction de violation des règles de l’art de construire sont remplis (consid. 2.3.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_378/2022 du 30 mars 2023

Contrat de prêt; acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger; principe de disposition; action en libération de dette; enrichissement illégitime; art. 2 ss LFAIE; 62 ss CO; 83 LP; 58 CPC

Acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (art. 2 ss LFAIE) – Rappel des principes. Les actes juridiques relatifs à l’acquisition d’un immeuble sont nuls si l’acquéreur exécute l’acte juridique sans demander l’autorisation (art. 26 al. 2 let. a LFAIE). La nullité doit être observée d’office ; elle a pour conséquence que les prestations peuvent être réclamées dans un délai d’un an à partir du moment où le requérant a eu connaissance de son droit à la restitution (consid. 3.1).

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2 et 4.3). Action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) – Rappel des principes (consid. 4.3.1 et 4.3.2). L’objet du litige dans la procédure de libération de dette est limité dans la mesure où il doit y avoir une identité entre la créance invoquée par le créancier dans la procédure de poursuite et celle reconnue par le tribunal dans la procédure en libération de dette (consid. 4.3.2). Dans la procédure de poursuite, l’objet du litige est fixé par le commandement de payer ; le motif de la créance doit, avec le reste du contenu du commandement de payer, renseigner la personne poursuivie sur le motif de la poursuite (consid. 4.3.3). Toutefois, la seule indication du motif juridique dans la réquisition de poursuite ou le commandement de payer ne permet pas de conclure que la poursuite se limite à ce motif juridique. Cette indication ne sert en principe qu’à décrire de manière simplifiée les faits dont la créance est déduite. Même si le commandement de payer mentionne une prétention contractuelle, il n’exclut pas les prétentions qui peuvent être fondées sur le droit de l’enrichissement illégitime, le droit quasi contractuel ou le droit délictuel (consid. 4.3.4).

En l’espèce, le commandement de payer réclamait le remboursement d’un prêt, lequel était nul puisqu’il visait l’acquisition d’un immeuble en Suisse par une société détenue par une personne étrangère. Le Tribunal fédéral reconnaît que le droit au remboursement découlant du contrat de prêt et le droit à la restitution sur la base de l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE proviennent du même état de fait à l’origine de l’octroi de la somme prêtée sur la base du contrat de prêt. Que cela se fasse sur la base d’un contrat de prêt valable ou sur la base du droit de l’enrichissement illégitime, ne joue aucun rôle pour l’identité de la créance. Par conséquent, le Tribunal précédent pouvait rejeter l’action en libération de dette en reconnaissant l’existence de la créance en remboursement sur la base de l’art. 26 al. 4 LFAIE (consid. 4.3.6).

Enrichissement illégitime (art. 62 ss CO) – La restitution de prestations en espèces selon l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE s’effectue selon les dispositions relatives à l’enrichissement illégitime, conformément aux art. 62 ss CO. En l’espèce, le contrat de prêt était nul et donc inefficace dès le début (ex tunc). La constatation de la nullité ne nécessitait pas de constatation judiciaire séparée, mais intervenait de plein droit. En conséquence, il existait déjà une créance en restitution échue au sens de l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE, dès le versement du montant du prêt à la recourante. Les intérêts moratoires courent dès la notification du commandement de payer (consid. 5.1.2). Faute de remboursement en nature et de bonne foi de l’enrichi, qui connaissait la nullité du contrat de prêt, les art. 64 et 65 CO ne sont pas applicables (consid. 5.1.3).

Droit d’être entendu – Une partie ne saurait se prévaloir d’une violation du droit d’être entendu et plus singulièrement d’une application surprise d’une règle de droit, lorsque le Tribunal a appliqué la règle de remboursement de l’art. 26 al. 2 let. b LFAIE et que la partie adverse avait invoqué la nullité du contrat de prêt sur la base de de l’art. 26 al. 2 let. a LFAIE, la première étant une conséquence de la seconde (consid. 7.3).

Contrat de prêt

Contrat de prêt

Propriété/Possession

Propriété/Possession

LP

LP

Procédure

Procédure

TF 1C_118/2023 du 30 mars 2023

Garantie de la propriété; accès aux parcelles privées par les autorités communales; art. 26 et 36 Cst.

Restriction aux droits fondamentaux (art. 36 Cst.) – Rappel du principe (consid. 3.2).

La décision prévoyant la visite d’agents communaux sur des parcelles privées en vue d’un contrôle des raccordements privés au collecteur communal (égoût/puits) est une restriction de la garantie de la propriété admissible. Cette démarche faisait suite au signalement par un agent de la police municipale de la présence de mauvaises odeurs, provenant vraisemblablement des réseaux d’égoûts. La visite reposait sur une disposition du règlement communal, était justifiée par un intérêt public à vérifier la fonctionnalité d’un ouvrage touchant également d’autres citoyens et était proportionnelle, puisqu’il n’avait aucun impact défavorable sur les parcelles concernées ou leurs propriétaires (consid. 3.3 - 3.6).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_647/2022 du 27 mars 2023

Propriété par étages; droit d’être entendu; art. 5 et 29 Cst.; 52, 53 CPC et 2 CC

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst. et art. 53 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1). Principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst. ; art. 2 CC et art. 52 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.2). Le droit pour les parties de s’exprimer sur les éléments pertinents porte avant tout sur les questions de fait, alors qu’il n’est reconnu que de manière restreinte pour les questions juridiques, sous réserve des cas dans lesquels l’autorité concernée envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s’est prévalue et ne pouvait raisonnablement supputer la pertinence (consid. 3.3.1).

En l’espèce, la juge de première instance a limité la procédure à la question incidente des pouvoirs de représentation de l’administrateur de la PPE, en citant les parties à comparaître pour une audience portant sur cette question ; elle a ensuite statué en déclarant la requête irrecevable faute de qualité pour agir de l’administrateur, dans une décision écrite. Pour le Tribunal fédéral, le droit d’être entendu de l’administrateur n’a pas été violé, puisque la partie adverse avait demandé à plusieurs reprises que la procédure soit limitée à la recevabilité et notamment à la question de la qualité pour agir de l’administrateur. En effet, le principe de la bonne foi lui imposait de réagir en répondant aux arguments de la partie adverse et en sollicitant l’administration des moyens de preuve qu’il jugeait utiles ; à tout le moins devait-il interpeller la juge sur la limitation de la procédure et la possibilité d’exercer ultérieurement ses droits procéduraux quant à la question de la qualité pour agir, ce qu’il ne prétend pas avoir fait (consid. 3.4.1).

Procédure

Procédure

PPE

PPE

TF 6B_47/2021 du 22 mars 2023

Droit pénal; homicide par négligence; art 12 et 117 CP; 328 CO; 82 LAA

Homicide par négligence (art. 12 al. 3 et 117 CP) – Rappel théorique sur l’infraction (consid. 3.3.1). Violation d’un devoir de prudence / diligence à observer (consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Commission par omission – Rappel des principes (consid. 3.3.4). Selon le principe de subsidiarité, pour délimiter l’action de l’omission, il convient toujours d’examiner en premier lieu s’il existe un acte actif, constitutif d’une infraction, illicite et fautif. Seuls les actes qui ont provoqué ou augmenté le risque qui s’est transformé en résultat constitutif de l’infraction doivent être pris en compte et non pas les actes qui n’ont simplement pas empêché ce risque. Le manque de diligence est un élément constitutif de la négligence et non une omission. Par conséquent, si une entreprise dangereuse est réalisée sans mesures de sécurité suffisantes, il s’agit en règle générale d’un délit de commission. Le point de rattachement déterminant n’est pas l’omission de mesures de sécurité, mais l’acte consistant à réaliser l’action dangereuse (consid. 4.3).

Position de garant de l’employeur (art. 328 CO et 82 LAA) – Rappel des principes (consid. 5.1).

Un peintre chargé de travaux de peinture sur une benne à ordure d’une boulangerie trouve la mort, lorsque le couvercle de la benne se referme brutalement et l’atteint à la tête. Le responsable de la sécurité de la boulangerie, en charge de la coordination des travaux, a une position de garant vis-à-vis des artisans et entrepreneurs qui interviennent sur la benne à ordure de la boulangerie et ce, même si le lien de subordination fait défaut. Il incombe certes en premier lieu à l’employeur du peintre de lui fournir les instructions nécessaires, ce qui était le cas en l’espèce. En tout état de cause, la position de garant de l’employeur n’exclut pas celle du responsable de la sécurité de la boulangerie. En autorisant l’ouverture manuelle de la benne à ses collaborateurs et au peintre sans les instruire des dangers, de la méthode à suivre et de leurs connaissances en la matière, le responsable de la sécurité de la boulangerie a assumé et étendu sa responsabilité. Il a manqué à son devoir de diligence en ne s’assurant pas que le mode d’emploi serait respecté, alors qu’il connaissait les dangers. Par conséquent, le Tribunal fédéral annule la décision d’acquittement et renvoie la cause pour étudier les autres éléments constitutifs de l’homicide par négligence, lesquels n’avaient pas encore été examinés (consid. 5.3 et 5.4).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_48/2023 du 22 mars 2023

Contrat de prêt; interprétation du contrat; art. 18 CO

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 5.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral admet qu’il n’est pas arbitraire de retenir que l’intention réelle des parties était de signer un contrat concernant des montants qui avaient été avancés avant la signature du contrat. En effet, la convention de prêt reflétait la volonté réelle et concordante des parties, puisque l’emprunteuse y reconnaissait devoir la somme de CHF 200'000.- au prêteur et s’engageait à la lui rembourser au plus tard à la remise des clés de sa villa. En outre, la convention ne contenait aucune clause stipulant que la somme prêtée devait être versée en mains de la notaire ou sur un quelconque compte bancaire en faveur de l’emprunteuse, ce qui tendait à confirmer que la somme avait déjà été mise à disposition de l’emprunteuse sous forme d’avances. Le contexte conduit à la même conclusion : la cause de cette obligation était de permettre au prêteur/promoteur de couvrir les frais annexes de la promotion immobilière (honoraires d’architectes, commission de courtage, frais de mise en valeur, etc.) qu’il avait accepté d’assumer dans un premier temps, pour le compte de l’emprunteuse, dans le but de construire sa villa. La notaire avait également confirmé cette interprétation (consid. 5.2 et 5.3).

Contrat de prêt

Contrat de prêt

TF 2C_296/2022 du 22 mars 2023

Marchés publics; question juridique de principe; modification de l’offre; art. 83 LTF; AIMP

Question juridique de principe (art. 83 let. f LTF) – Rappel des principes (consid. 1.3).

Le Tribunal fédéral déclare les recours irrecevables en niant l’existence d’une question juridique de principe au sens de l’art. 83 let. f LTF. Il rappelle certains principes du droit des marchés publics, appliqués en l’espèce.

Modifications de l’offre – Le principe est celui de l’inaltérabilité des offres après leur dépôt auprès de l’autorité adjudicatrice, les rectifications ne pouvant intervenir qu’en cas d’erreurs manifestes. L’existence d’une telle erreur manifeste ne doit toutefois pas être prise à la légère en raison du risque d’abus. Les erreurs de calcul et d’écriture ne sont manifestes que si, à partir d’un certain passage de texte mathématique ou linguistique, il est objectivement et indubitablement établi que le soumissionnaire n’a pas voulu exprimer ce qu’il a écrit, mais qu’il a voulu exprimer quelque chose d’autre. L’erreur n’est manifeste que si elle ressort déjà en tant que telle de l’offre elle-même, sans qu’une indication ou d’autres explications du soumissionnaire ne soient nécessaires, c’est-à-dire si l’erreur saute aux yeux à la lecture de l’offre (consid. 1.4.1). La volonté réelle d’un soumissionnaire peut résulter aussi bien de l’offre et des circonstances que de la demande d’explications au soumissionnaire. Lorsque l’erreur n’est pas manifeste ou que la volonté réelle ne peut pas être déterminée objectivement, l’offre doit être interprétée de bonne foi. En principe, elle reste dans la procédure ; toutefois, le résultat de l’interprétation peut révéler que l’offre doit être exclue parce qu’elle ne répond pas à certaines exigences du droit des marchés publics ou que l’erreur a entraîné une lacune ou une ambiguïté importante (consid. 1.4.3).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 4A_189/2021 du 21 mars 2023

Contrat de vente; défaut; action rédhibitoire; art. 197, 205 et 208 CO

Défaut et action rédhibitoire (art. 197, 205 et 208 CO) – Rappel des principes (consid. 4.3).

En l’espèce, la possibilité de louer le bien immobilier avait été garantie par la venderesse dans l’acte de vente. Cette possibilité a été remise en cause par décision de l’autorité communale, appuyée par le gouvernement cantonal. Le moment pertinent est celui de la livraison de l’ouvrage. Même si le bien-fondé de la décision communale fait l’objet d’une procédure pendante, il y a bel et bien défaut à la livraison, puisque l’on ne pouvait pas exiger de l’acheteuse qu’elle attende des années l’issue d’une procédure administrative (consid. 4.3). Les frais de notaire relatifs à la vente doivent également être remboursés, car ils représentent un dommage direct au sens de l’art. 208 al. 2 CO. Les intérêts sur le montant de la vente et des frais de notaire sont également dus (consid. 5.2).

NB : l’arrêt du TF 4A_191/2021 porte sur la même problématique entre des parties différentes ; la solution est identique.

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_452/2022 du 16 mars 2023

Contrat d’entreprise; déductions et prix forfaitaire; avis des défauts; compensation; art. 367 ss CO; 163 Norme SIA

Interprétation du contrat – Rappel des principes (consid. 4.4.1).

Déductions et prix forfaitaire – Il n’est pas arbitraire de retenir que le prix forfaitaire contenu dans un contrat d’entreprise constitue la somme forfaitaire effectivement due, compte tenu d’éventuelles déductions déjà effectuées, lorsque ces déductions étaient prévues dans la rubrique « Décompte » des Conditions générales de construction, dont le préambule contient au surplus la phrase suivante : « [s]ofern und soweit nicht Pauschalen vereinbart » (consid. 4.4.2).

Avis des défauts – Les défauts constatés mais non signalés sont considérés comme approuvés conformément à l’art. 163 de la norme SIA 118. La norme SIA 118 ne contient aucune disposition sur le contenu de la réclamation, raison pour laquelle l’art. 367 CO est applicable à cet égard (consid. 6.2). L’avis des défauts doit être étayé de manière appropriée, indiquer au moins les défauts, le cas échéant leur emplacement ainsi que leur ampleur et exprimer que le maître n’accepte pas l’ouvrage comme conforme au contrat et qu’il entend rendre l’entrepreneur responsable. Inversement, il n’est pas nécessaire que le commettant indique les causes du défaut (consid. 6.3).

En l’espèce, un avis des défauts qui ne précise pas clairement si c’est l’entrepreneur ou un autre artisan qui est tenu pour responsable n’est pas suffisant (consid. 6.4.1 et 6.4.2). De la même façon, il n’est pas suffisant de simplement qualifier une partie d’ouvrage de défectueuse ou devant être réparée (consid. 6.4.3).

Compensation – En l’espèce, les créances compensantes n’ont pas été alléguées et prouvées à suffisance (consid. 7).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Normes SIA

Normes SIA

TF 5A_822/2022 du 14 mars 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; rectification des vices de forme; retrait d’une requête; droit de réplique inconditionnel; maxime des débats; charge de l’allégation et renvoi à une pièce; art. 837 et 961 CC; 55, 65, 132, 221 ss CPC

Rectification des vices de forme (art. 132 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1).

Retrait d’une requête (art. 65 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.2). Celui qui retire une demande devant le tribunal compétent pour statuer ne peut plus intenter un deuxième procès contre la même partie sur le même objet du litige si le tribunal a déjà notifié la demande au défendeur et que celui-ci ne consent pas au retrait.

Droit de réplique inconditionnel – Dans l’exercice du droit de réplique, il ne s’agit en principe que de pouvoir prendre position sur des pièces versées au dossier de la procédure. Des compléments de contenu des faits ne sont admissibles, si tant est qu’ils le soient, qu’aux conditions du droit des nova (art. 229 et 317 CPC).

Les demandes d’annotation de l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs au sens de l’art. 961 al. 1 ch. 1 CC doivent être effectuées en procédure sommaire, dans laquelle un seul échange d’écritures a lieu, sous réserve d’une décision différente du juge et du droit de réplique inconditionnel. Il n’existe donc aucun droit pour les parties de s’exprimer deux fois sur l’affaire. En principe, la clôture du dossier intervient après une seule prise de position. Si le tribunal ordonne exceptionnellement un deuxième échange d’écritures, les nova sont admissibles sans restriction ; dans ce cas, la clôture du dossier n’intervient qu’avec le deuxième échange d’écritures (consid.  3.3.6.1). Pour la partie qui requiert l’annotation d’une inscription préventive d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs, la clôture du dossier intervient donc en principe au moment du dépôt de sa requête (consid. 3.3.6.2).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 CC) – Rappel des principes et délais (consid. 4.1). Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.3 et 4.4). Charge de l’allégation et renvoi à une pièce (art. 221 ss CPC) – Rappel des principes (consid. 6.3.2.2).

Si un entrepreneur demande, après la fin des travaux, l’annotation d’une inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, il lui incombe de prouver les faits qui constituent la base juridique de la créance donnant droit au gage, à savoir en particulier la conclusion du contrat et les travaux effectués. Ces faits sont ceux qui déterminent l’étendue de la créance et dont résulte la propriété de la créance gagée. Il doit démontrer que les travaux de construction, de par leur nature, donnent droit à l’hypothèque et prouver la date d’achèvement des travaux. Il est en outre tenu de prouver le terrain en faveur duquel les travaux de construction ont été effectués ainsi que la propriété du défendeur sur le terrain. En procédure sommaire, il ne suffit pas de mentionner dans la requête les faits pertinents dans leurs grandes lignes, pour attendre de voir quels faits allégués sont contestés par la partie adverse. Au contraire, la partie requérante doit, dans l’attente des contestations de la partie adverse, étayer suffisamment son exposé des faits dès sa première requête (consid. 4.4).

En l’espèce, l’entrepreneur qui ne précise pas jusqu’à quelle date ont été effectués des travaux couverts par les contrats d’entreprise ne satisfait pas les exigences en matière d’allégation. S’il se fonde sur un rapport de régie portant sur des travaux supplémentaires, il lui incombe d’alléguer que les travaux seraient liés entre eux de telle sorte qu’ils formeraient un tout, raison pour laquelle les « travaux supplémentaires » seraient déclencheurs du délai (consid. 5.3). Les rapports de régie n’ont pas été élevés au rang d’allégation de faits, faute d’avoir expliqué les informations pertinentes qu’ils contenaient (consid. 6.3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

Procédure

TF 4A_483/2022 du 08 mars 2023

Contrat de vente; confidentialité de la procédure de conciliation; art. 205 CPC

Confidentialité de la procédure de conciliation – Selon l’art. 205 al. 1 CPC, les dépositions des parties ne doivent ni figurer au procès-verbal de conciliation ni être prises en compte par la suite, durant la procédure au fond (consid. 3.1). Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si un allégué d’une requête de conciliation peut être pris en compte pour déterminer si un accord est intervenu entre les parties sur le mazout laissé au moment de la vente par le vendeur et différents travaux de réparation et nettoyage. En effet, il est d’ores et déjà possible de nier l’existence d’un tel accord sur la base de l’ensemble des éléments du dossier (consid. 3.2).

Procédure

Procédure

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_260/2022 du 07 mars 2023

Poursuites pour dettes et faillites; action en répétition de l’indu; gage immobilier; motivation du recours; art. 86 LP; 818 CC; 42 LTF

Action en répétition de l’indu (art. 86 LP) – Rappel des principes (consid. 1.1).

Motivation du recours (art. 42 LTF) – Rappel des principes. Les conclusions doivent non seulement être chiffrées, mais au surplus elles doivent être justifiées dans la motivation du recours. Il est indispensable qu’à la lecture du mémoire du recourant, le Tribunal fédéral comprenne clairement ce que veut celui-ci et que, s’il admet le recours, il soit en mesure de statuer et de lui allouer les conclusions qu’il a formulées, voire un montant inférieur (consid. 1.2).

En l’espèce, les recourants ont pris des conclusions chiffrées et ont attaqué les intérêts moratoires en matière de gage immobilier, au sens de l’art. 818 al. 1 ch. 2 CC, le taux contractuel de 12% ayant été retenu par l’Office des poursuites au lieu du taux légal de 5%. Ils n’ont toutefois aucunement expliqué comment ils étaient parvenus au montant réclamé, étant précisé que le montant qui aurait été dû au taux de 5% ne correspond pas à leurs conclusions. Partant, le recours est déclaré irrecevable, faute de motivation suffisante (consid. 1.3).

Procédure

Procédure

LP

LP

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 1C_254/2021 du 02 mars 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst.

Indemnité d’expropriation – Rappel du principe. Conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière (consid. 3.1).

Terrains menacés de dangers naturels – Une jurisprudence de longue date part du principe que les terrains menacés par des dangers naturels ne peuvent a priori pas avoir le caractère de terrain à bâtir du point de vue du droit de l’expropriation. Il en est ainsi même si le terrain est déjà construit et que l’utilisation existante doit être interdite en raison de la survenance de dangers. De même, la jurisprudence antérieure nie tout droit découlant d’une expropriation matérielle lorsque le terrain menacé par des dangers naturels n’est pas formellement exproprié, mais soumis à une interdiction d’utilisation. Cette jurisprudence a toutefois été nuancée dans un arrêt récent, dans lequel il a été reconnu qu’il faut le cas échéant tenir compte de la circonstance que l’expropriation sert à la réalisation d’un ouvrage qui vise à protéger d’autres terrains et des infrastructures publiques. Lorsque c’est le cas et qu’un autre terrain aurait pu être exproprié à la place du terrain concerné, la perte de l’utilité de la construction n’est finalement pas uniquement due au danger naturel, mais également à l’ouvrage. Il se justifierait donc d’indemniser l’expropriation d’une telle parcelle au prix du terrain à bâtir (consid. 3.2).

En l’espèce, les parcelles expropriées, situées en zone à bâtir mais non équipées, n’étaient pas constructibles, en raison du risque persistant de chutes de pierres et de blocs, aggravé par la problématique du permafrost. La mesure d’expropriation a touché de la même manière tous les propriétaires de biens immobiliers situés dans la zone menacée par les éboulements. C’est donc à raison que l’indemnité d’expropriation n’a pas été calculée selon la valeur vénale en zone à bâtir, mais selon sa valeur après évaluation des dangers et a été fixée à 10 francs/m2 (consid. 3.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_784/2021, 5A_793/2021, 5A_794/2021 du 27 février 2023

Copropriété; suppression d’une copropriété; vente aux enchères publiques; art. 650 ss CC; 229 ss CO; ORFI

Suppression d’une copropriété (art. 650 ss CC ; art. 229 ss CO) – Chaque copropriétaire a le droit de demander la suppression de la copropriété (sous réserve des motifs d’exclusion mentionnés dans la loi). Si les copropriétaires ne parviennent pas à s’entendre sur le mode de dissolution, le juge ordonne le partage corporel de la chose ou, si cela n’est pas possible sans diminution notable de sa valeur, sa vente aux enchères publiques ou entre copropriétaires. Le tribunal doit décider en fonction des circonstances concrètes du cas d’espèce. Les contrats de vente conclus par voie d’enchères sont régis par les art. 229 à 236 CO : l’objet est en premier lieu les ventes aux enchères publiques volontaires (art. 229 al. 2 CO) ainsi que les ventes forcées (art. 229 al. 1 CO), qui sont toutefois exclusivement soumises à la LP.

Règles applicables à la vente aux enchères publiques au sens de l’art. 651 al. 2 CC – Le point litigieux est de savoir si les règles fixées par le tribunal de partage pour la vente aux enchères publiques, y compris l’estimation du bien par un expert désigné par le Tribunal, sont contraignantes ou si la vente aux enchères publiques est régie par la vente forcée d’immeubles selon la LP, qui offre la possibilité de procéder à une nouvelle estimation (art. 9 al. 2, art. 99 al. 2 ORFI).

Le Tribunal fédéral constate qu’il n’a jamais eu à trancher la question (consid. 3.4.1) et que les pratiques cantonales considèrent comme déterminantes les conditions d’enchères fixées par le tribunal de partage, ainsi que les art. 229 ss CO, en lien avec les dispositions de droit cantonal relatives à la vente aux enchères publiques (consid. 3.4.2). La doctrine indique également que la vente aux enchères publiques au sens de l’art. 651 al. 2 CC n’est pas considérée comme une vente forcée au sens de la LP ou de l’ORFI et qu’il revient plutôt au tribunal du partage de fixer les conditions de la vente aux enchères, dans la mesure où les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les détails, en tenant compte des ordonnances cantonales sur la vente aux enchères. Sont considérées comme des « ventes volontaires » non seulement les aliénations fondées sur la libre volonté, mais aussi les ventes aux enchères prévues par la loi dans de nombreuses dispositions, comme l’art. 651 al. 2 CC (consid. 3.4.3). Le Tribunal fédéral est d’avis que même si le caractère « volontaire » de la vente devait être nié, cela ne conduirait pas à l’application des règles de la LP et de l’ORFI, mais uniquement à l’application des règles cantonales, la participation d’un office dans le processus n’étant pas déterminante (consid. 3.5.2). Par conséquent, les modalités du partage ordonnées par le tribunal du partage sont contraignantes et notamment la désignation d’un expert déterminé pour l’estimation du bien ; l’office des poursuites n’a pas à procéder à une nouvelle estimation au sens de l’art. 9 al. 2 ORFI, sous réserve d’un accord contraire des parties (consid. 3.5.5).

Analyse de Pierre Rüttimann

Fin de la copropriété : droit applicable à la vente aux enchères publiques

Copropriété

Copropriété

LP

LP

Contrat de vente

Contrat de vente

Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_826/2022 du 24 février 2023

Action possessoire; mesures provisionnelles; art. 927 CC; 98 LTF

Mesures provisionnelles : pouvoir d’examen du TF (art. 98 LTF) – Rappel des principes (consid. 2.1).

Mesures provisionnelles sur action possessoire – La possibilité de requérir des mesures provisionnelles dans le cadre de l’action possessoire n’a pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral, qui laisse la question ouverte faute de grief formulé à cet égard (consid. 3.1). En tous les cas, cette mesure est soumise aux conditions des art. 261 ss CPC (consid. 3.1.2).

Réintégrande (art. 927 CC) – La réintégrande est une action possessoire, qui a pour fonction d’empêcher que la possession ne soit usurpée et tend ainsi à protéger la paix publique. Elle a pour objet la défense de la possession comme telle et vise à rétablir rapidement l’état antérieur. Elle ne conduit pas à un jugement sur la conformité au droit de cet état de fait. Elle n’assure au demandeur qu’une protection provisoire. Le juge ne doit examiner la question du droit à la possession de la chose que lorsqu’il est saisi de l’action pétitoire. Le demandeur à l’action réintégrande doit prouver la réalisation de deux conditions : premièrement, qu’il avait la possession de la chose et, deuxièmement, qu’il en a perdu la possession à la suite d’un acte d’usurpation illicite (consid. 3.1.1).

En l’espèce, le Tribunal relève que tant les parties que les instances précédentes se sont focalisées sur le droit de posséder le couloir litigieux, lequel dessert un appartement. Or c’est bien la question de savoir d’une part si la partie demanderesse à l’action en avait l’usage antérieurement et, d’autre part, si l’entrave à cet accès constitue une usurpation illicite, qui est pertinente. La Haute Cour y répond positivement et confirme la décision précédente au motif que la partie qui a entravé cet accès n’avait pas de droit préférable (consid. 3.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Procédure

Procédure

TF 5A_677/2022 du 20 février 2023

Revendication; contrat de vente; résiliation du contrat; gestion d’affaire sans mandat; frais judiciaires et dépens; art. 60, 109 al. 2, 419 ss CO; 106 CPC

Dommage résultant de la résiliation du contrat (art. 109 al. 2 CO) – Conformément à l’art. 109 al. 2 CO, celui qui résilie le contrat a droit à la réparation du dommage résultant de la non-exécution du contrat, à moins que le débiteur ne prouve qu’aucune faute ne lui est imputable. La réparation de l’intérêt négatif au contrat est due. Pour déterminer le dommage, il faut comparer l’état réel du patrimoine avec l’état du patrimoine qui existerait si le contrat n’avait pas été conclu (consid. 3.1).

Gestion d’affaire sans mandat (art. 419 ss CO) – Celui qui encaisse un loyer au lieu du propriétaire légitime doit restitution aux conditions de la gestion d’affaires sans mandat (consid. 4.1). Le fait que l’unité d’habitation n’ait pas été spécifiée est dénué d’importance (consid. 4.2). Il n’est pas possible de considérer, selon l’expérience générale de la vie, qu’une rémunération de CHF 4'500.- pour trois mois de pension et de logement couvre uniquement les frais et ne permet pas de réaliser le moindre bénéfice (consid. 4.3). Les prétentions du maître découlant de la gestion d’affaires sans mandat se prescrivent, du fait de leur nature délictuelle, conformément à l'art. 60 al. 1 CO (consid. 4.4.1). Il incombe au gérant d’alléguer et de prouver les faits qui permettent de constater le début du délai de prescription qu’il invoque, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce (consid. 4.4.4).

Répartition des frais judiciaires (art. 106 CPC) – Rappel des principes (consid. 5.1).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 5D_119/2022, 5D_120/2022 du 20 février 2023

Servitude; interprétation d’une servitude; exercice d’une servitude; art. 737 al. 3, 738, 942 et 948 CC

Interprétation d’une servitude (art. 738 en lien avec 942, 948 CC) – Rappel des principes. En l’espèce, l’inscription au registre foncier ne permettant pas de déterminer de manière définitive sur quelle surface les propriétaires du fond dominant ont un droit d’utilisation sur le terrain grevé, c’est à bon droit que l’instance précédente s’est fondée sur la demande de parcellisation à l’origine de la servitude et sur le plan réalisé à cet occasion (consid. 3.3).

Exercice de la servitude – Selon l’art. 737 al. 3 CC, le propriétaire d’une parcelle grevée d’une servitude ne peut rien faire qui empêche ou rende plus difficile l’exercice de la servitude. A l’inverse, le bénéficiaire de la servitude peut exiger du grevé qu’il enlève les dispositifs qui l’empêchent d’exercer celle-ci ou qui rendent son exercice plus difficile. Ainsi, demander à la propriétaire grevée d’enlever une barrière en bois qui n’est certes pas fermée, mais pourrait l’être afin de garantir l’exercice de la servitude n’est pas arbitraire (consid. 4.3).

Servitude

Servitude

TF 2C_255/2022 du 17 février 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst. ; 16 ss LEx

Indemnité d’expropriation – Selon l’art. 16 LEx et conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. Selon l’art. 19 LEx, doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous les préjudices subis par l’exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l’indemnité comprend : (a) la pleine valeur vénale du droit exproprié ; (b) en cas d’expropriation partielle d’un immeuble ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante ; (c) le montant de tous autres préjudices subis par l’exproprié, en tant qu’ils peuvent être prévus, selon le cours normal des choses, comme une conséquence de l’expropriation. Selon l’art. 20 LEx, l’estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l’immeuble (consid. 3.2).

En l’espèce, la méthode pour évaluer la valeur d’un terrain placé en zone ferroviaire à partir de l’état locatif, en tenant compte du rendement généré par la parcelle, laquelle était exploitée comme parking jusqu’à l’expropriation, n’est pas critiquable, même si le parking n’avait été autorisé qu’à titre précaire, compte tenu de son emplacement sur le tracé ferroviaire (consid. 3.3). Le Tribunal fédéral retient également qu’une moins-value moyenne de 15%, soit 20% pour une impossibilité de construire en sous-sol et 15% pour une limitation de construire à un étage, ne viole pas le droit fédéral (consid. 4.2).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 1C_662/2021 du 17 février 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst.; 16 ss LEx

Indemnité d’expropriation – Selon l’art. 16 LEx et conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. Selon l’art. 19 LEx, doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous les préjudices subis par l’exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l’indemnité comprend : (a) la pleine valeur vénale du droit exproprié ; (b) en cas d’expropriation partielle d’un immeuble ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante ; (c) le montant de tous autres préjudices subis par l’exproprié, en tant qu’ils peuvent être considérés, selon le cours normal des choses, comme une conséquence de l’expropriation. Selon l’art. 20 LEx, l’estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l’immeuble (consid. 3.2).

En l’espèce, la méthode pour évaluer la valeur d’un terrain placé en zone ferroviaire à partir de l’état locatif, en tenant compte du rendement généré par la parcelle, laquelle était exploitée comme parking jusqu’à l’expropriation, n’est pas critiquable, même si le parking n’avait été autorisé qu’à titre précaire, compte tenu de son emplacement sur le tracé ferroviaire (consid. 3.3). Le Tribunal fédéral retient également qu’une moins-value moyenne de 15%, soit 20% pour une impossibilité de construire en sous-sol et 15% pour une limitation de construire à un étage, ne viole pas le droit fédéral (consid. 4.2).

Propriété/Possession

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TF 5A_355/2021 du 16 février 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai pour déposer la requête en inscription définitive; art. 839 al. 2, 961 CC; 76 ORF; 263 CPC

Délai d’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 839 al. 2 CC, 961 al. 1 ch. 1 CC et 76 al. 3 ORF) – Rappel des principes (consid. 2).

Délai pour déposer la demande en inscription définitive – La durée de l’inscription provisoire peut être déterminée de deux manières : le juge peut soit fixer une durée de validité déterminée, soit accorder à l’artisan/entrepreneur un délai pour intenter une action en inscription définitive, faisant ainsi durer la validité de l’inscription provisoire jusqu’à la décision finale (consid. 2). En l’espèce, le Tribunal fédéral renonce à se prononcer sur la question de savoir si un tel délai commence à courir dès notification du jugement d’appel ou, comme le prétend l’entrepreneur, à l’échéance du délai de recours auprès du Tribunal fédéral, délai qui aurait en l’espèce encore été suspendu à la suite d’une demande de prolongation. En effet, la Haute Cour constate que la demande a dans tous les cas été déposée bien après ces échéances et est donc tardive (consid. 3.3).

Avertissement du juge quant au dépôt tardif – La Haute Cour rappelle l’ATF 143 III 554 consid. 2.5.1, dans lequel il a confirmé que le délai pour intenter une action en validation d’une inscription provisoire d’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est un délai de déchéance de droit matériel, régi par l’art. 961 al. 3 CC et non par l’art. 263 CPC. L’art. 961 al. 3 CC n’impose pas que le juge indique dans sa décision les conséquences d’un éventuel non-respect du délai qu’il fixe. L’art. 263 CPC n’étant pas applicable, le Tribunal fédéral renonce à examiner quelle aurait été la sanction quant aux conséquences d’un dépôt tardif, en l’absence d’avertissement du juge (consid. 4).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

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TF 2C_255/2022 du 07 février 2023

Droit foncier rural; champ d’application de la LDFR; zone de gravière; art. 2 LDFR; 15 et 18 LAT

Champs d’application territorial et matériel de la LDFR (art. 2 ss LDFR) – La LDFR s’applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles faisant partie d’une entreprise agricole et situés en dehors d’une zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT (consid. 4.1). Constitue un immeuble agricole, celui qui est approprié à un usage agricole ou horticole, à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (consid. 4.2). Les zones de l’art. 18 LAT destinées à répondre à des besoins spécifiques hors des zones à bâtir, telles que les zones d’extraction, sont en principe imposées par leur destination à l’emplacement prévu par le plan d’affectation. Elles sont clairement à l’extérieur des zones à bâtir de l’art. 15 LAT et, sous réserve de leur affectation spécifique, obéissent au régime de la zone non constructible. Une telle zone n’est considérée comme zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT que si la zone d’extraction doit ensuite être utilisée à des fins d’urbanisation (consid. 4.4.3).

En l’espèce, le plan d’extraction constitue un plan d’affectation spécial au sens de l’art. 18 LAT et la zone qu’il concerne ne peut pas être considérée comme une zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT, puisque les parcelles exploitées devront retourner à l’agriculture après remise en état des lieux (consid. 4.6). Par conséquent, l’entrée en vigueur du plan d’extraction et le changement d’affectation n’ont pas d’influence sur le respect des conditions de l’art. 2 al. 1 LDFR (consid. 4.8). C’est au contraire l’octroi d’une autorisation d’exploiter, voire le début de l’exploitation de la gravière qui entraînera la fin de l’assujettissement à la LDFR en raison d’une sortie du champ d’application matériel de cette loi, l’immeuble ne pouvant alors plus être considéré comme agricole (consid. 5). Pour le Tribunal fédéral, il serait choquant de considérer que l’entrée en vigueur d’un plan d’affectation pourrait automatiquement soustraire à la LDFR un terrain agricole, actuellement utile à l’agriculture et qui retournera à celle-ci une fois l’extraction terminée, alors que les travaux d’extraction ne seront possibles qu’une trentaine d’années plus tard (consid. 7).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Publication prévue

Publication prévue

TF 2C_255/2022 du 07 février 2023

Droit foncier agricole; qualité pour recourir dans la LDFR; art. 83 al. 3 LDFR; 15 et 18 LAT

Qualité pour recourir concernant les décisions au sens des art. 61 ss LDFR – Aux termes de l’art. 83 al. 3 LDFR, les parties contractantes peuvent interjeter un recours devant l’autorité cantonale de recours (art. 88) contre le refus d’autorisation, alors que l’autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d’emption, du droit de préemption ou du droit à l’attribution, ont un droit de recours contre l’octroi de l’autorisation. En tant que lex specialis, cette disposition prime sur la disposition générale de légitimation de l’art. 89 al. 1 LTF. Une légitimation allant au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR n’est admise que lorsqu’il existe un intérêt digne de protection, à la lumière des objectifs de la LDFR, au maintien de la propriété de l’immeuble concerné et que cet intérêt ne peut pas être invoqué par d’autres moyens (consid. 3.2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ne disposaient pas d’un droit d’emption ou de préemption et le Tribunal fédéral constate que c’est sans arbitraire que l’instance précédente a nié l’existence d’un bail (consid. 3.3 et 3.4). Finalement, la Haute Cour confirme que la qualité pour recourir n’est pas non plus fondée, au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR, sur la qualité des recourants de parties à un contrat de vente. Si un contrat de vente avait bien été conclu entre la venderesse et l’un des recourants, cette première est décédée, sa succession a été répudiée et liquidée selon les règles de la faillite. Or l’administration de la faillite a décidé de ne pas exécuter ledit contrat, ensuite de quoi la Commune a fait usage de son droit de préemption. Contrairement à l’appel d’offres public selon l’art. 64 al. 1 let. f LDFR, la vente de gré à gré selon le droit des poursuites ne donne pas à chaque exploitant à titre personnel l’occasion de présenter une offre, mais uniquement à ceux qui sont créanciers de la masse, ce qui n’est pas le cas des recourants. C’est donc à juste titre que l’instance précédente leur a dénié la qualité pour recourir selon l’art. 83 al. 3 LDFR (consid. 4).

Droit foncier rural

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Procédure

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TF 2C_130/2022 du 07 février 2023

Droit foncier agricole; qualité pour recourir dans la LDFR; art. 83 al. 3 LDFR; 15 et 18 LAT

Qualité pour recourir concernant les décisions au sens des art. 61 ss LDFR – Aux termes de l’art. 83 al. 3 LDFR, les parties contractantes peuvent interjeter un recours devant l’autorité cantonale de recours (art. 88) contre le refus d’autorisation, alors que l’autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d’emption, du droit de préemption ou du droit à l’attribution, ont un droit de recours contre l’octroi de l’autorisation. En tant que lex specialis, cette disposition prime sur la disposition générale de légitimation de l’art. 89 al. 1 LTF. Une légitimation allant au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR n’est admise que lorsqu’il existe un intérêt digne de protection, à la lumière des objectifs de la LDFR, au maintien de la propriété de l’immeuble concerné et que cet intérêt ne peut pas être invoqué par d’autres moyens (consid. 3.2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ne disposaient pas d’un droit d’emption ou de préemption et le Tribunal fédéral constate que c’est sans arbitraire que l’instance précédente a nié l’existence d’un bail (consid. 3.3 et 3.4). Finalement, la Haute Cour confirme que la qualité pour recourir n’est pas non plus fondée, au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR, sur la qualité des recourants de parties à un contrat de vente. Si un contrat de vente avait bien été conclu entre la venderesse et l’un des recourants, cette première est décédée, sa succession a été répudiée et liquidée selon les règles de la faillite. Or l’administration de la faillite a décidé de ne pas exécuter ledit contrat, ensuite de quoi la Commune a fait usage de son droit de préemption. Contrairement à l’appel d’offres public selon l’art. 64 al. 1 let. f LDFR, la vente de gré à gré selon le droit des poursuites ne donne pas à chaque exploitant à titre personnel l’occasion de présenter une offre, mais uniquement à ceux qui sont créanciers de la masse, ce qui n’est pas le cas des recourants. C’est donc à juste titre que l’instance précédente leur a dénié la qualité pour recourir selon l’art. 83 al. 3 LDFR (consid. 4).

Droit foncier rural

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TF 5A_117/2022 du 06 février 2023

Poursuites pour dettes et faillites; contestation de l’état des charges; art. 140, 156 LP

Contestation de l’état des charges (art. 140 en lien avec l’art. 156 LP) – Rappel des principes (consid. 2). Dans le cadre d’une procédure de réalisation de gages immobiliers, la poursuivie conteste notamment le montant d’une créance comprenant des intérêts calculés selon les Conditions générales de la banque, intégrées dans les crédits immobiliers.

Intégration de conditions générales dans le contrat – Rappel des principes (consid. 3.2.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient sur le plan subjectif qu’une entreprise active et expérimentée dans le secteur de la construction a les connaissances suffisantes pour comprendre le contenu des Conditions générales signées, de sorte qu’elles ne sont pas insolites. Il renonce par conséquent à examiner, sous l’angle objectif, si les Conditions générales, en ne prévoyant notamment pas d’obligation de la banque de consolider les crédits immobiliers ou encore en prévoyant que la banque peut unilatéralement modifier le taux d’intérêt entre 5 et 10 %, étaient insolites (consid. 3.2.4.1).

LP

LP

TF 4A_553/2021 du 01 février 2023

Contrat d’entreprise; imputation des paiements en présence de plusieurs dettes; action partielle; art. 86-87 CO; 86 et 150 CPC

Imputation des paiements en présence de plusieurs dettes (art. 86 et 87 CO) – Rappel détaillé des règles en vigueur (consid. 3.1-3.1.4.3). Il résulte de cette réglementation que le débiteur doit certes prouver qu’il a effectué le paiement et qu’il supporte à cet égard le fardeau de la preuve de l’amortissement. En revanche, le fardeau de la preuve de la créance à laquelle le paiement doit être imputé ne lui incombe que dans la mesure où il invoque une imputation différente de celle de l’art. 87 CO. Lorsque le créancier ne conteste pas avoir reçu les paiements ni le fait que ceux-ci sont suffisants pour couvrir toutes les dettes, il doit démontrer que le débiteur a attribué les montants versés, lors de leur paiement, à d’autres créances que celles poursuivies en justice (art. 86 al. 1 CO) (consid. 3-2 à 3.7).

Action partielle – Ce qui précède vaut même en cas d’action partielle. Dans ce cadre également, la preuve doit être apportée non seulement sur les créances réclamées elles-mêmes, mais aussi sur tous les faits contestés pertinents (art. 150 CPC). Dans la mesure où le débiteur n’a pas attribué ses paiements non contestés soit aux créances poursuivies (auquel cas l’action devrait être rejetée), soit clairement à d’autres créances que les créances poursuivies (auquel cas l’imputation sur les créances poursuivies - pour autant qu’aucune compensation ne soit déclarée - serait exclue indépendamment de l’existence des autres créances), la question de savoir quelles sont les créances dont le créancier dispose encore contre le débiteur en plus de celles poursuivies devient juridiquement pertinente (consid. 3.3.4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

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TF 4A_603/2021 du 31 janvier 2023

Contrat mixte de vente et d’entreprise; expertise-arbitrage; garantie pour les défauts; vérification de l’ouvrage et notification des défauts; prescription; art. 367 ss CO; 189 CPC

Garantie pour les défauts (art. 367 ss CO) – Sauf convention contraire, en présence de contrats mixtes, combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d’entreprise, la garantie des défauts est soumise aux règles du contrat d’entreprise (art. 368 ss CO), en tout cas pour les défauts affectant les parties communes (consid. 3.2).

Vérification de l’ouvrage et notification des défauts – Selon l’art. 367 CO, après la livraison de l’ouvrage, le maître d’ouvrage doit, dès que la marche ordinaire des affaires le permet, en vérifier l’état et signaler les défauts à l’entrepreneur. Si les défauts ne se révèlent que plus tard, l’avis doit être donné dès leur découverte, faute de quoi l’ouvrage est réputé approuvé nonobstant les défauts (art. 370 al. 3 CO). La loi crée une fiction de réception de l’ouvrage lorsque le maître d’ouvrage ne signale pas l’existence de défauts dès qu’il en a connaissance. L’entrepreneur est libéré de sa responsabilité pour les défauts signalés tardivement (art. 370 al. 1 CO). Les circonstances du cas concret, en particulier la nature des défauts, sont déterminantes pour apprécier si le maître a agi en temps utile. L’entrepreneur peut toutefois renoncer à se prévaloir de la tardiveté de l’avis de défaut. Cette renonciation peut être expresse ou tacite. C’est par exemple le cas lorsque l’entrepreneur, conscient de la tardiveté de l’avis, entreprend la réfection de l’ouvrage ou reconnaît son obligation de remédier au défaut. Les circonstances concrètes doivent permettre de déduire clairement une renonciation tacite : le fardeau de la preuve à cet égard incombe au maître de l’ouvrage (consid. 3.3).

En l’espèce, les parties ont signé une convention d’expertise-arbitrage au sens de l’art. 189 CPC, par laquelle ils ont notamment chargé l’arbitre de définir les modalités et les coûts de réfection de chaque défaut notifié. La convention prévoyait également que l’entrepreneur indemniserait les copropriétaires pour tous les défauts qui ne leur sont pas imputables dans un délai de trois mois à compter de la réception du rapport d’expertise. L’existence d’un avis de défaut valable était ainsi une condition préalable à l’accord et a été considérée comme acquise par les parties, subsidiairement l’entrepreneur a en tout état de cause renoncé à se prévaloir de la tardiveté des annonces en signant la convention (consid. 3.4-3.5).

Interruption de la prescription (art. 135 CO) – Rappel des principes (consid. 4.3).

En s’engageant dans une convention d’expertise-arbitrage à réparer les défauts qui seraient confirmés et quantifiés par l’expert, respectivement à indemniser les maîtres de l’ouvrage pour ces défauts, l’entrepreneur a signé une reconnaissance de dette entraînant l’interruption de la prescription (consid. 4.3).

Qualité pour agir dans la PPE – Selon une jurisprudence constante, chaque propriétaire d’étage peut sur la base de son propre contrat faire valoir les droits de la garantie pour les défauts pour les parties communes. La convention d’expertise-arbitrage ne prévoit pas de règle différente en l’espèce, de sorte que l’entrepreneur ne peut rien tirer du fait que les propriétaires d’étages signataires de la convention n’ont pas tous agi (consid. 5).

Cession des droits de garantie en cas de vente d’une demi-part de PPE au cours de litige – Selon la jurisprudence, le droit à la réduction du prix, en tant que droit formateur, est en principe incessible. Toutefois, une créance en restitution partielle du prix payé peut être cédée. Après la signature de la convention d’expertise-arbitrage, ce n’est plus le droit à la réduction du prix qui est cédé en cas de vente d’une demi-part de PPE mais la créance correspondante au remboursement d’une partie du prix, laquelle est cessible (consid. 6.2). Lorsque l’un des copropriétaires d’une part vend sa demi-part à l’autre copropriétaire, lequel devient alors seul propriétaire de la part d’étage, il incombe à celui qui conteste une cession valable d’apporter la preuve que la cession n’a pas été voulue, p.ex. en démontrant l’existence d’un litige sur cette question entre les parties au contrat de vente ou en démontrant que l’ancien copropriétaire qui a vendu sa demi-part continue de réclamer à l’entrepreneur une indemnité en lien avec les défauts. Comme tel n’est pas le cas en l’espèce, il faut retenir que le propriétaire (désormais) unique de la part d’étage en question est fondé à demander la réduction intégrale du prix relatif à sa part d’étage (consid. 6.3).

Contestation d’une expertise-arbitrage (art. 189 CPC) – L’expert-arbitre au sens de l’art. 189 CPC est en principe doté de connaissances spécialisées et est chargé par les parties de constater les faits juridiquement pertinents d’une manière qui les lie. S’agissant de ces faits, le juge saisi de la cause n’est donc pas tenu d’administrer d’autres preuves. Celui qui conteste une telle expertise doit démontrer une erreur manifeste et ne peut se borner à exiger le contrôle de son contenu librement. Les résultats d’une expertise-arbitrage doivent être immédiatement contestés, faute de quoi la contestation est contraire à la bonne foi et tardive. En outre, lorsqu’une partie n’a pas fait usage du droit, prévu dans la convention d’expertise-arbitrage, de demander à l’expert d’éventuelles précisions et compléments d’information, une erreur manifeste dans le rapport d’expertise au sens de l’art. 189 al. 3 CPC n’est pas vraisemblable (consid. 7).

Répartition de la moins-value – Une répartition de la moins-value proportionnelle aux parts de PPE n’est pas arbitraire, lorsque les défauts affectent les parties communes et donc le bâtiment dans son ensemble (consid. 9.2).

Analyse de Marcel Eggler

Le compromis d’expertise-arbitrage engage la partie qui le signe

Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

PPE

PPE

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TF 4A_403/2022 du 31 janvier 2023

Garanties; interprétation du contrat; délimitation entre le porte-fort et le cautionnement; art. 18, 111 et 492 ss CO

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 6.2 et 6.3).

Lorsque le maître d’ouvrage s’engage dans un accord écrit à payer la créance résultant d’un certain nombre de contrats signés par les entrepreneurs sans limitation (« zur Zahlung der Forderung aus Verträgen »), l’on ne peut retenir, dans le cadre d’une interprétation objective, qu’il ne s’engageait qu’au paiement de l’acompte, lequel était chiffré à CHF 100’000.-. C’est en particulier le cas lorsqu’il apparaît que le but du contrat était de garantir l’achèvement des travaux du côté du maître, en contrepartie d’une garantie pour l’entier des créances auprès d’un tiers dont la solvabilité est douteuse. En outre, la créance finale était estimée dans le contrat à CHF 204’723.20 (consid. 6.3 et 6.4).

Délimitation entre le porte-fort (art. 111 CO) et le cautionnement (art. 492 ss CO) – Présentation des deux contrats (consid. 7.1.1). Le critère de délimitation prépondérant entre les deux institutions est l’accessoriété. Alors que le porte-fort correspond à une garantie indépendante, le cautionnement est accessoire, ce qui signifie qu’il partage le sort de la dette principale, en ce sens que l’obligation accessoire dépend de la dette principale et la suit en tant que droit accessoire (consid. 7.1.2). L’intérêt du promettant dans l’opération est un indice important : en cas de cautionnement, il n’y a généralement pas d’intérêt propre de la caution dans l’opération à garantir. Il est typiquement conclu pour garantir un engagement de membres de la famille ou d’amis proches et c’est aussi la raison pour laquelle il a été soumis à des prescriptions de forme particulière (consid. 7.1.3).

En l’espèce, l’intérêt propre du maître d’ouvrage qui souhaitait terminer les travaux sur son bâtiment afin de pouvoir y ouvrir un hôtel est manifeste, ce qui plaide en faveur d’une qualification de porte-fort. Le fait que la convention ne contienne pas de renonciation expresse aux exceptions et objections ne change rien à cette qualification, car une telle renonciation n’est en rien constitutive du contrat de porte-fort (consid. 7.2 et 7.3). De plus, contrairement au cautionnement, il n’est pas nécessaire de prévoir un montant garanti maximal et déterminé dans le porte-fort (consid. 7.3.1). Enfin, la présomption jurisprudentielle en faveur du cautionnement ne trouve pas application en l’espèce, car elle s’applique aux personnes privées alors que le maître est une société active dans l’immobilier. Cette présomption ne peut en outre entrer en ligne de compte que si la qualification du contrat selon le principe de la confiance n’aboutit à aucun résultat, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence (consid. 7.3.2). Le fait que les parties ait décrit l’accord comme une reprise cumulative de dette n’a pas d’effet sur la qualification juridique d’un contrat que le tribunal examine librement (consid. 7.3.3).

Garanties

Garanties

TF 5A_425/2022 du 23 janvier 2023

Arbitrage interne; droit de superficie; art. 353 ss CPC

Recours contre sentence arbitrale (art. 389 ss CPC) – Le recours contre une sentence arbitrale est en principe de nature cassatoire, raison pour laquelle seuls l’annulation de la décision attaquée et le renvoi de l’affaire au tribunal arbitral entrent en ligne de compte en cas d’admission de celui-ci. Une exception est prévue dans la loi pour le cas où la sentence arbitrale est contestée en raison d’indemnités et de frais manifestement trop élevés (art. 395 al. 4 CPC). Dans ce cas, la partie recourante doit chiffrer les indemnités et les frais qu’elle estime appropriés (consid. 1.2).

Motifs limités d’un recours contre sentence arbitrale (art. 393 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1). Exigences de motivation en cas de griefs sur les frais et indemnités (art. 393 let. f CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1).

En l’espèce, un droit de superficie prévoit la possibilité de bâtir une maison individuelle sur le fonds grevé ; il mentionne à plusieurs reprises une pluralité de bâtiments. Le propriétaire du droit a construit un pavillon en verre sur la parcelle. Le Tribunal fédéral retient qu’il n’est pas arbitraire de considérer que le contrat permet la construction de bâtiments annexes, dont le pavillon litigieux (consid. 3.3 et 3.4). Par ailleurs, le Tribunal arbitral a retenu sans arbitraire que le propriétaire du droit de superficie utilise le pavillon comme garage à vélos et motos, alors que la commune propriétaire du fonds prétend, photos à l’appui, que le pavillon a servi à une cérémonie funéraire (consid. 3.2).

En l’absence d’accord des parties sur les frais d’arbitrage (convention d’honoraires ou règlement d’arbitrage), le tribunal arbitral détermine les frais de procédure selon son appréciation. Celle-ci doit être exercée selon des critères objectivement compréhensibles. Parmi ces critères figure notamment la valeur litigieuse, car elle exprime l’intérêt des parties au litige et son importance. Il ne peut être question d’une obligation pour le tribunal arbitral, de se référer à un tarif étatique pour les frais (consid. 4.3).

Arbitrage interne

Arbitrage interne

Procédure

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Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 2C_365/2022 du 19 janvier 2023

Marchés publics; droit d’être entendu (accès au dossier); offre anormalement basse; interprétation des documents d’appel d’offres; exclusion d’une offre; règles relatives à la formation des prix; art. 29 al. 2 Cst.; AIMP

Droit d’être entendu (accès au dossier) (art. 29 al. 2 Cst.) – Le droit de consulter le dossier qui découle du droit d’être entendu n’est pas absolu et peut être limité en raison d’intérêts publics ou privés prépondérants. Une telle restriction s’applique notamment aux marchés publics. Les documents remis doivent en effet être traités de manière confidentielle dans la mesure où des secrets d’affaires ou de fabrication sont concernés, lesquels ne peuvent être utilisés, transmis ou communiqués à des tiers sans l’accord du soumissionnaire ou sans base légale. Selon la jurisprudence, il n’existe pas de droit de regard sur les offres concurrentes, mais uniquement sur les renseignements de référence sur lesquels l’adjudicateur souhaite se fonder, ce qui vaut également en procédure de recours (consid. 4.2).

Offre anormalement basse et droit d’être entendu – Selon une jurisprudence bien établie, les offres ne couvrant pas les coûts ou les sous-enchères sont autorisées. Selon l’ancien droit thurgovien applicable au cas d’espèce, l’adjudicateur « peut », en cas d’offres anormalement basses, se renseigner auprès du soumissionnaire afin de s’assurer qu’il respecte les conditions de participation et remplit les conditions du marché. Selon la jurisprudence, ce droit se transforme en obligation lorsque l’adjudicateur a des doutes sur la capacité du soumissionnaire à fournir la prestation ou sur le sérieux de l’offre et qu’il envisage d’exclure ce soumissionnaire. Dans ces cas, le soumissionnaire doit être entendu avant une éventuelle exclusion, sinon il y a violation du droit d’être entendu. Si les renseignements révèlent effectivement des lacunes ou que les doutes ne peuvent pas être levés, l’offre est donc exclue ou moins bien notée ; elle ne l’est pas en raison du prix trop bas (consid. 5.3).

Interprétation des documents d’appel d’offres – Rappel des principes (consid. 6.1).

En l’espèce, l’interprétation objective des documents d’appel d’offres permet d’arriver à la conclusion que chaque sous-poste devait indiquer le prix par unité de mesure ou par pièce et donc un prix unitaire. Ce n’est qu’ainsi que le prix total par sous-position pouvait être calculé, lequel résultait de la multiplication de la quantité et du prix unitaire (consid. 6.2).

Exclusion d’une offre – Conformément à la jurisprudence, l’adjudicateur dispose d’un certain pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’exclusion des soumissionnaires. Le motif d’exclusion doit toutefois présenter une certaine gravité, faute de quoi l’autorité adjudicatrice agit de manière disproportionnée et exagérément formaliste. Les écarts par rapport aux directives de l’appel d’offres et le non-respect des prescriptions de forme du droit des marchés publics peuvent conduire à l’exclusion d’une offre. Si de tels défauts ont un caractère secondaire et qu’ils ne portent pas sérieusement atteinte au but poursuivi par les prescriptions de forme en question, ils ne doivent toutefois pas conduire à l’exclusion d’un soumissionnaire. L’instance de recours ne peut qu’examiner si l’autorité adjudicatrice a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation au sens précité, c’est-à-dire si elle a agi de manière arbitraire. En revanche, elle ne doit pas faire preuve de la même retenue dans l’examen des règles de procédure en matière de marchés publics (consid. 7.1).

Règles relatives à la formation des prix – Les règles relatives à la formation des prix, en particulier la condition d’indiquer des prix unitaires, constituent des règles formelles. Leur but est de donner un aperçu pertinent et complet du rapport qualité-prix des offres et de permettre leur comparaison. Le non-respect de telles prescriptions entraîne l’exclusion de la procédure d’adjudication. Il y a notamment non-respect de telles prescriptions lorsque le soumissionnaire utilise des prix tellement bas, c’est-à-dire non réels, pour des postes essentiels, de sorte que l’offre n’est pas comparable avec les autres offres. L’obligation d’indiquer les prix unitaires doit justement permettre une comparaison équitable entre les offres. Par conséquent, on peut et on doit exiger que tous les postes individuels importants soient entièrement remplis avec des prix unitaires. Dans le cas contraire, le rapport qualité-prix de l’offre ne peut pas être évalué. En règle générale, une telle offre doit être exclue parce qu’elle n’est pas comparable en raison de défauts de contenu, mais aussi parce qu’elle est incomplète (consid. 7.2).

En l’espèce, l’offre de la soumissionnaire qui a utilisé des prix unitaires d’un centime au lieu de prix unitaires réels, dans quatorze positions importantes pour l’ouvrage à réaliser, doit être exclue. En effet, une évaluation pertinente de cette offre, en particulier du rapport qualité-prix, est ainsi rendue impossible. Une telle offre est en outre incomplète (consid. 7.3). Le Tribunal fédéral ajoute encore que l’adjudicataire est tenu de respecter l’égalité de traitement, ce qui ne serait pas le cas si une offre présentant de graves défauts était prise en considération. Le remplacement ultérieur des prix de substitution de l’offre litigieuse par des prix réels n’était pas non plus possible en raison du principe de l’immuabilité des offres et de l’interdiction des tours d’offres (consid. 7.4).

Analyse de Thomas P. Müller

Kreativität in der Preisbildung scheidet in Beschaffungsverfahren aus

Marchés publics

Marchés publics

TF 4A_355/2022 du 18 janvier 2023

Contrat de vente; demeure qualifiée; art. 107 et 108 CO

Demeure qualifiée (art. 107 et 108 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1).

En l’espèce, le contrat de vente prévoyait un droit d’habitation en faveur de l’une des venderesses ainsi que la réalisation de travaux de rénovation de l’immeuble par les acheteurs, à la charge de ces derniers. Le contrat de vente contenait un délai pour le dépôt de la demande de permis de construire et un autre pour le début des travaux. Les acheteurs ont déposé une demande de permis conforme aux travaux prévus par le contrat et dans le délai prévu par celui-ci. Le permis a toutefois été refusé, à la suite de quoi les parties ont échangé plusieurs missives tendant à une résolution amiable du litige ; le second délai pour le démarrage des travaux a été dépassé pendant cette période. Au cours de ces échanges, les venderesses ont indiqué que les travaux du rez-de-chaussée n’étaient pas urgents. Les venderesses ont résolu le contrat, sans toutefois avoir mis au préalable en demeure les acheteurs de s’exécuter. Suivant l’instance précédente, le Tribunal fédéral retient que la résolution du contrat n’était pas possible faute de mise en demeure au sens de l’art. 107 CO, respectivement de l’existence d’une situation prévue par l’art. 108 CO, rendant une telle mise en demeure superflue. L’attitude des acheteurs démontrait qu’ils avaient bien eu l’intention d’effectuer les travaux (art. 108 ch. 1 CO) et le second délai prévu pour le démarrage des travaux ne constituait pas un terme fixe (art. 108 ch. 3 CO), dès lors que les venderesses avaient elles-mêmes déclaré les travaux concernés comme non urgents (consid. 6.2 et 6.3).

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_422/2022 du 18 janvier 2023

Contrat d’entreprise; clause pénale; art. 160 ss CO

Clause pénale – La peine conventionnelle ou clause pénale au sens de l’art. 160 CO est la prestation que le débiteur promet au créancier en cas d’inexécution ou d’exécution imparfaite d’une obligation déterminée (obligation principale). Une telle promesse vise à protéger l’intérêt du créancier à l’exécution du contrat, en constituant une incitation supplémentaire pour le débiteur à se conformer au contrat. Elle améliore également la position juridique du créancier, qui est dispensé de prouver son dommage. Selon l’art. 160 al. 2 CO, lorsque la peine a été stipulée en vue de l’inexécution du contrat au temps ou dans le lieu convenu, le créancier peut demander à la fois que le contrat soit exécuté et la peine acquittée, s’il ne renonce expressément à ce droit ou s’il n’accepte l’exécution sans réserve (consid. 5.1).

En l’espèce, l’ouvrage a été livré le 24 avril 2017 et les retouches demandées par le maître terminées en octobre 2017. Le maître qui a signé le procès-verbal d’acceptation de l’ouvrage sans émettre de réserve a accepté tacitement l’exécution tardive et a ainsi renoncé à se prévaloir de la clause pénale au sens de l’art. 160 al. 2 CO. Par conséquent, il ne peut plus se prévaloir de la peine conventionnelle dans une demande reconventionnelle déposée dans le cadre d’une procédure en paiement, initiée par l’entrepreneur par demande du 22 mars 2019 et y invoquer la compensation (consid. 5.2 et 5.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_551/2022 du 18 janvier 2023

Poursuites pour dettes et faillites; mainlevée provisoire; gage immobilier; art. 82 LP

Mainlevée provisoire (art. 82 LP) – Rappel des principes (consid. 3.1).

Poursuite en réalisation du gage – Pour qu’il puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier poursuivant doit être le détenteur de la cédule hypothécaire. Par ailleurs, le débiteur de cette cédule doit être inscrit sur le titre produit ou, à tout le moins, faut-il qu’il reconnaisse sa qualité de débiteur de la cédule ou que cette qualité résulte de l’acte de cession de propriété de la cédule qu’il a signé. Ainsi, si la cédule hypothécaire ne comporte pas l’indication du débiteur, le créancier ne pourra obtenir la mainlevée provisoire que s’il produit une autre reconnaissance de dette, soit, par exemple, une copie légalisée de l’acte constitutif conservé au registre foncier dans lequel la dette est reconnue ou la convention de sûretés contresignée dans laquelle le poursuivi se reconnaît débiteur de la cédule cédée à titre de sûretés (consid. 3.2).

En l’espèce, la cédule ne comporte pas l’indication du débiteur et partant, ne constitue pas un titre de mainlevée. La mainlevée provisoire ne peut être accordée à la poursuivante qui n’a pas fourni d’autre pièce dans laquelle la poursuivie se reconnaissait débiteur de la cédule cédée à titre de sûretés (consid. 4). En particulier, il n’est pas possible de présumer que le débiteur de la créance abstraite est le propriétaire de l’immeuble, puisque le gage peut être constitué en faveur d’une personne qui n’est pas (ou qui n’est plus) propriétaire de l’immeuble (consid. 5).

LP

LP

TF 6B_1486/2021 du 18 janvier 2023

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; signalisation des chantiers routiers; art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP ; 4 LCR et OSR

Lésions corporelles graves par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Rappel théorique concernant ces conditions et leurs principes (consid. 3.1.1 et 3.1.2).

Signalisation des chantiers routiers – Selon l’art. 4 al. 1 LCR, les obstacles à la circulation ne doivent pas être créés sans raison impérative ; ils doivent être suffisamment signalés et éliminés le plus rapidement possible. Détails des obligations en la matière selon l’Ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR) (consid. 3.1.3).

En l’espèce, le chantier était signalé par les signaux de danger « chantier » avant la zone sur laquelle le revêtement avait été fraisé. Le Tribunal fédéral retient qu’il aurait été possible pour les cyclistes de s’engager sans danger à l’endroit fraisé, du moins à une vitesse adaptée, ce qui n’était manifestement pas le cas de la partie plaignante qui n’avait pas vu la signalisation et roulait à 57,3 km/h, malgré un périmètre de visibilité restreint et une courbe importante à l’endroit de l’accident. La Haute Cour souligne que la partie plaignante a ainsi foncé sur le lieu de l’accident à près de 60 km/h, pratiquement sans freiner. Par conséquent, la responsabilité de la partie plaignante est considérable et aurait dans tous les cas pour conséquence d’interrompre le lien de causalité adéquate. Le Tribunal fédéral laisse ainsi ouverte la question de savoir si l’instance précédente a également eu raison de considérer qu’il n’y avait pas d’obstacle à la circulation au sens de l’art. 4 LCR, ainsi que de savoir si elle pouvait partir du principe que la signalisation du chantier était suffisante et nier une violation du devoir de diligence (consid. 3.3.1 et 3.3.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_419/2021 du 12 janvier 2023

Contrat d'entreprise; défaut; art. 363 ss CO

Défaut – Lorsqu’un document contractuel prévoit expressément que le parvis réalisé permettra le transit de machines et véhicules à roues, mais que l’usage de l’ouvrage devra être limité pour les véhicules à chenilles à ceux disposant des protections adéquates, le maître qui utilise des véhicules à chenilles sans lesdites protections fait un usage au moins partiellement inapproprié de l’ouvrage et ne saurait se plaindre d’un défaut de l’ouvrage concernant le parvis en question (consid. 3 et 4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_253/2022 du 11 janvier 2023

Contrat de courtage et contrat de société; interprétation du contrat; fardeau de la preuve; relation entre droit civil et droit pénal; art. 8 CC; 18, 53 CO; 157 CPC

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 4.1).

Par l’établissement de leur volonté réelle, il faut retenir que les parties qui ont collaboré pour une vente auprès d’un acheteur envisagé – vente qui a finalement échoué – ne sont liées ni par un contrat de courtage ni par un contrat de société simple, lorsqu’aucun des échanges déposés ne laisse penser qu’elles seraient convenues de collaborer pour la vente à tout client, respectivement qu’aucun document ne laisse transparaître un animus societatis, par lequel les parties auraient cherché à unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre le but commun que serait la vente à n’importe quel acquéreur (consid. 4.2).

La réelle et commune intention des parties prend le pas sur l’interprétation objective de la volonté des parties (consid. 5).

Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.1.1).

Appréciation des preuves (art. 157 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.1.2).

Relation entre droit civil et droit pénal (art. 53 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1.3). Le fait que le Ministère public a considéré qu’un contrat existait n’a pas d’impact sur le procès civil (consid. 6.3).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Société simple

Société simple

Procédure

Procédure

TF 4A_409/2021 du 10 janvier 2023

Contrat de société simple; qualification du contrat; calcul du bénéfice de liquidation; art. 530 ss CO

Contrat de société simple (art. 530 ss CO) – La société simple se caractérise par la volonté des associés d’unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre un but commun. Lorsque des concubins agissent dans une société simple pour l’acquisition et la rénovation d’appartements, le fait que l’un des époux ne cherche pas à être inscrit comme propriétaire au registre foncier ou qu’il ne figure pas sur les prêts hypothécaires nécessaires à la réalisation du projet n’influe pas sur la volonté commune d’acquérir un immeuble, ni sur les différents apports effectués. Dès lors que le concubin a fourni des apports financiers et réalisé lui-même une partie des travaux, la qualification de société simple est retenue à juste titre (consid. 4.1).

Calcul du bénéfice de liquidation – Lorsque l’associé effectue un apport non pas en pleine propriété (quoad dominium), mais en usage (quoad usum) ou en destination (quoad sortem), ce type d’apport est repris, à la dissolution de la société, par l’associé qui en est resté propriétaire. En principe, il bénéficie seul d’une éventuelle plus-value conjoncturelle, tandis que la plus-value due à l’activité de la société simple est considérée comme un gain à partager entre les associés. Toutefois, en cas d’apport quoad sortem, toute plus-value, même conjoncturelle, entrera dans le bénéfice de la société dans la mesure où les associés auront traité l’apport, dans leurs relations internes, comme s’ils en étaient les propriétaires collectifs (consid. 5.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral cite un avis doctrinal selon lequel un immeuble acheté par un concubin pour servir de logement au couple constitue un apport quoad sortem. Il ajoute que les faits constatés par l’instance précédente montrent bien qu’à l’interne, les deux associés se sont comportés comme si les deux appartements leur appartenaient collectivement. A l’appui de cette analyse, la Haute Cour souligne que le concubin a réalisé des travaux personnellement et en a fait réaliser par des tiers dans les deux appartements, qu’il a signé la convention de réservation de l’un des appartements, qu’il a réglé la moitié des intérêts hypothécaires, qu’il a co-signé l’un des prêts hypothécaires, qu’il a représenté sa concubine en signant les baux et enfin qu’il a été identifié comme maître d’ouvrage par l’un des artisans intervenant sur le chantier (consid. 5.1).

Société simple

Société simple

TF 5A_451/2022 du 28 décembre 2022

Servitude; détermination du contenu d’une servitude; art. 730 et 738 CC

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.3.1).

En l’occurrence, une servitude de restriction de bâtir prévoit que seule une villa indépendante pour une ou deux familles (« eine freistehende Ein- oder Zweifamilienvilla mit Garage ») peut être érigée sur la parcelle litigieuse. Le terme « freistehend » signifie, selon l’usage courant, qu’une maison n’est pas construite avec une autre maison ou reliée à une autre maison. L’on ne peut toutefois s’arrêter à une interprétation littérale ; il s’agit de prendre également en compte le but de la servitude, en particulier les intérêts qui, considérés objectivement, paraissent importants en raison des besoins du fonds dominant (consid. 4.3.2 et 4.3.3).

Le Tribunal fédéral retient dans le cas d’espèce que la construction projetée, qui prévoit un seul bâtiment de deux logements, ayant les caractéristiques d’une villa, est conforme au texte de la servitude. Il précise notamment que le risque de modification non uniforme qui existe pour des maisons mitoyennes existe également pour des maisons comprenant deux logements, de sorte que les propriétaires du fonds dominant ne peuvent rien tirer de cet argument (consid. 4.3.4 et 5). Il en est de même du fait que le jardin soit strictement ou non réparti entre les logements, dès lors que l’aménagement du jardin peut en tout état de cause être réalisé selon les goûts de chaque habitant de l’immeuble. Seul est déterminant le nombre de parties qui habitent l’immeuble. Or en prévoyant deux logements, les propriétaires du fonds grevé respectent la servitude également à cet égard (consid. 5.3).

Servitude

Servitude

TF 4A_394/2022 du 27 décembre 2022

Contrat d'architecte; rémunération de l'architecte; expertise; art. 183 ss CPC

Rémunération de l’architecte – Lorsque le Tribunal ne parvient pas à déterminer précisément quels travaux l’architecte aurait effectués en lien avec une certaine entreprise, il n’est pas arbitraire de retenir que les honoraires ne sont pas dus (consid. 3.1).

Appréciation d’une expertise – Le Tribunal peut s’écarter d’une expertise en expliquant avec soin les raisons pour lesquelles celle-ci ne saurait être suivie. Si le juge doit motiver son appréciation quant à l’expertise, cette exigence n’implique pas qu’il s’épanche sur tous les détails de son raisonnement ; il peut se contenter d’en livrer les traits essentiels. En outre, le fait que le Tribunal suive l’expertise sur certains postes, et non sur d’autres, n’est pas critiquable, dès lors qu’il a exposé à satisfaction son appréciation. De la même façon, le fait que les propriétaires de l’immeuble n’ont pas requis de contre-expertise n’est pas suffisant pour admettre que le tribunal aurait dû faire siennes toutes les conclusions de l’expert (consid. 4).

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Expertise

Expertise

TF 4A_445/2022 du 22 décembre 2022

Promesse de vente; responsabilité contractuelle; maxime des débats; fardeau de la preuve; art. 2, 8 CC; 97, 151, 156, 184 CO; 55 CPC

Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1.2).

Pour prouver la pollution d’une parcelle, l’acquéresse qui n’a sollicité que l’interrogatoire des parties, ne satisfait pas aux exigences en matière de preuve, permettant de démontrer une telle pollution. Une expertise ou à tout le moins un rapport de spécialiste aurait été nécessaire sur cette question (consid. 3.3). Le fait que la venderesse ait remboursé l’acompte prévu par la promesse de vente, en application du contrat qui prévoyait une restitution à première réquisition en cas de non-réalisation des conditions résolutoires dans le délai imparti, n’apporte pas non plus la preuve nécessaire. Il en est de même de déclarations de la venderesse mentionnant des polluants, alors que les allégués de l’acquéresse avaient été contestés (consid. 3.5).

Responsabilité contractuelle (art. 97 CO) – Lorsque le contrat prévoit uniquement que la venderesse doit prendre en charge financièrement les éventuelles mesures d’assainissement des parcelles, l’acquéresse ne saurait faire valoir une violation contractuelle au motif que la venderesse n’a pas elle-même entrepris lesdites mesures (consid. 4 et 5).

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 4A_152/2021 du 20 décembre 2022

Contrat mixte de vente et d’entreprise; cession des droits de garantie pour les défauts; substitution de partie; art. 18, 172, 368 ss et 467 al. 2 CO; 83 CPC

Substitution de partie (art. 83 CPC) – En cas d’aliénation de l’objet du litige en cours d’instance, l’art. 83 al. 1 CPC permet à celui qui a acquis la légitimation (le substituant) et au plaideur qui l’a perdue (le substitué) d’obtenir, par leur volonté conjointe, que le premier remplace le second dans le procès, le consentement de la partie adverse étant sans pertinence dans ce contexte. L’objet du litige s’entend au sens large ; il peut s’agir d’un rapport de droit comme d’une chose. L’aliénation doit avoir pour conséquence un changement de légitimation pour l’un ou l’autre des plaideurs ; elle recouvre tout changement de situation juridique effectué à titre particulier et portant sur la propriété d’une chose ou sur la titularité de l’un ou l’autre côté du rapport de droit litigieux, comme par exemple une cession de créance.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral relève que l’objet du litige n’est pas la propriété de l’unité d’étage qui a été vendue en cours de procédure, mais la titularité des droits de garantie découlant du contrat de vente entre l’entrepreneur et les acheteurs initiaux. La substitution de partie supposait donc une cession de créance, laquelle n’a pas été alléguée et établie par les parties en cours d’instance (consid. 3.2).

Garantie pour les défauts (art. 368 ss CO) – Sauf convention contraire, en présence de contrats mixtes, combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d’entreprise, la garantie des défauts est soumise aux règles du contrat d’entreprise (art. 368 ss CO), en tout cas pour les défauts affectant les parties communes. Depuis l’ATF 145 III 8 (changement de jurisprudence), le droit à la réfection d’une partie commune appartient indivisiblement et pleinement à chaque propriétaire d’étage. Vu le caractère indivisible du droit à la réfection des parties communes, il faut admettre que les créances pécuniaires déduites de l’exercice du droit à la réfection sont également indivisibles. Les copropriétaires d’étages peuvent agir en consorts volontaires (consid. 4.1).

Lorsque les copropriétaires agissent en paiement d’un montant correspondant au coût d’élimination des défauts qui touchaient toutes les parties communes, ils agissent en exécution du droit (indivisible) à la réfection de toutes les parties communes et non en réduction du prix (consid. 4.2).

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 5.2.1).

Cession des droits de garantie (art. 172 et 467 al. 2 CO) – En l’occurrence, les contrats de vente immobilière contenaient tous des clauses de cession de droits de garantie. La plupart des contrats comportaient pour le surplus une clause d’exclusion de garantie de la venderesse, raison pour laquelle les instances cantonales avaient rejeté l’action à l’égard des acheteurs concernés ; l’action des deux copropriétaires dont le contrat était dépourvu d’une telle clause avait toutefois été admise.

En analysant les clauses litigieuses, le Tribunal fédéral retient qu’en l’absence d’une clause contractuelle limitant la propre obligation de garantie de la venderesse, le texte clair de la cession se comprend, selon le principe de la confiance, uniquement comme l’attribution aux acquéreurs de la possibilité d’exercer directement contre les entrepreneurs les prétentions en garantie du maître de l’ouvrage, lesquelles s’ajoutent donc à leurs droits de garantie envers la venderesse (consid. 5.2.3). Le Tribunal fédéral rappelle également qu’en matière de cession des droits de garantie, il est largement admis que le droit à la réfection du défaut est cessible, qu’il s’agisse de la prétention en suppression du défaut lui-même ou de la créance pécuniaire qui peut en découler (consid. 5.3).

Toutefois, la cession du droit de réfection intervient en vue d’exécution (art. 172 CO). En pareil cas, le cessionnaire (l’acheteur) est tenu, par application analogique de l’art. 467 al. 2 CO, de faire valoir en priorité le droit cédé, la prestation due par le cédant restant en suspens entretemps. Le cessionnaire ne doit toutefois respecter cette obligation que s’il dispose des informations suffisantes pour agir contre les entrepreneurs concernés. Au surplus, il doit uniquement faire les efforts qui peuvent être raisonnablement exigés de sa part. En particulier, il n’a pas à recourir à la voie judiciaire. De plus, comme seul le droit à la réfection peut être cédé, rien n’empêche l’acquéreur d’exercer envers le vendeur, si les conditions en sont remplies, le droit à la réduction du prix ou à la résolution du contrat, sans avoir à faire valoir préalablement le droit de réfection cédé (consid. 6.1).

En l’espèce, les acheteurs n’ont pas exercé leur droit de réfection envers les entreprises qui avaient œuvré sur les parties communes de l’immeuble affectées de défauts. De plus, les renseignements promis pour l’exercice des droits de garantie avaient été remis assez tôt aux acheteurs et il n’était pas démontré que la venderesse eut entravé les demandeurs dans l’exercice de leurs droits de garantie. Le recours de la venderesse est admis et l’action rejetée (consid. 6.2).

Analyse de Blaise Carron

PPE, défaut des parties communes et cession des droits de garantie : un besoin de réforme législative ?

Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

Procédure

TF 5A_697/2022 du 20 décembre 2022

Servitude; interprétation d'une servitude de passage pour tout véhicule; garantie constitutionnelle de la propriété; art. 738-739 CC; 26 Cst.

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.3.1.1).

En l’occurrence, l’inscription au registre foncier de la servitude se limite à indiquer l’existence d’un « passage pour tout véhicule », sans autres précisions quant à la possibilité d’utiliser à pied le passage. L’acte constitutif de la servitude est également muet à ce sujet. En l’absence de tout élément permettant de retenir que le passage à pied était exclu en l’espèce, il n’apparaît pas arbitraire de considérer, a majore ad minus, qu’un passage pour tout véhicule inclut la possibilité d’un parcours à pied. En passant à pied sur le passage litigieux plutôt qu’en véhicule, il ne fait aucun doute que les bénéficiaires de la servitude exercent celle-ci de la manière la moins dommageable au sens de l’art. 737 al. 2 CC (consid. 4.3.2).

Garantie constitutionnelle de la propriété (art. 26 Cst.) – Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales, par lesquelles l’individu est protégé contre les atteintes que d’autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels. Les propriétaires du fonds grevé ne peuvent ainsi pas directement se prévaloir, dans une cause relevant des droits réels, de la garantie constitutionnelle de la propriété (consid. 5).

Servitude

Servitude

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 4A_365/2022 du 16 décembre 2022

Contrat d’entreprise; avance de frais pour l’exécution par substitution; art. 367 ss CO

Avance de frais pour l’exécution par substitution – Le maître qui a le droit de faire réparer un défaut de l’ouvrage par un tiers aux frais de l’entrepreneur a également le droit d’obtenir une avance sur les frais d’exécution de remplacement. L’ordre de grandeur de l’avance doit être plausible, ce qui n’est pas contesté en l’espèce (consid. 3.3.2). Le maître est tenu de faire le décompte des coûts à l’issue de la réparation par le tiers et de restituer à l’entrepreneur l’éventuel excédent. Une éventuelle demande de remboursement est exclue si une décision détaillée a déjà été prise sur l’étendue des travaux de réparation. Une estimation de l’avance de frais basée sur des clarifications détaillées telles qu’une expertise n’entraîne pas en soi d’effet contraignant, mais tout au plus des exigences de motivation accrues en ce qui concerne la justification d’un écart par rapport au montant avancé. En tout état de cause, le maître doit restituer l’intégralité du montant s’il ne fait pas procéder à la réparation dans un délai raisonnable (consid. 3.3.3). En l’espèce, l’instance précédente a respecté le droit en accordant l’avance en précisant qu’un décompte devrait être effectué après l’exécution par substitution.

Contrat d'entreprise

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Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_23/2021 du 12 décembre 2022

Contrat d'entreprise; garantie pour les défauts; réduction du prix; méthode relative; art. 367 ss CO

Garanties pour les défauts (art. 367 ss CO) – Le maître de l’ouvrage peut faire valoir les droits à la garantie suivants : la réfection de l’ouvrage, la réduction du prix ou la résolution du contrat. Il s’agit de droits formateurs alternatifs ; ce choix est en principe irrévocable (consid. 3).

Action en réduction du prix – L’art. 368 al. 2 CO dispose que le prix doit être réduit « en proportion de la moins-value ». Cela étant, il faut distinguer la moins-value de l’ouvrage du montant de la réduction que le maître peut retrancher du prix plein en exerçant son droit à la réduction de prix. La moins-value a trait à l’ouvrage et le montant de la réduction au prix. Le droit à la réduction suppose une moins-value, laquelle consiste dans la différence entre la valeur objective de l’ouvrage hypothétiquement conforme au contrat et celle de l’ouvrage effectivement livré. Lorsqu’une moins-value objective est établie, le droit à la réduction existe même si la valeur de l’ouvrage avec le défaut atteint ou dépasse le prix convenu.

Pour calculer la réduction de prix « en proportion de la moins-value », la jurisprudence et la doctrine majoritaire prescrivent la méthode relative – comme en matière de réduction du prix de la chose vendue –, en fonction de la proportion qui existe entre la valeur objective de l’ouvrage avec défaut et la valeur objective de l’ouvrage sans défaut : le prix convenu est réduit dans la proportion obtenue. La réduction du prix se confond avec la moins-value si le prix convenu ou fixé pour l’ouvrage sans défaut est égal à la valeur objective de l’ouvrage sans défaut. Lorsque la valeur de l’ouvrage défectueux se révèle nulle, le prix est réduit à zéro (consid. 4, première partie).

Double présomption en matière de réduction du prix – La jurisprudence a premièrement posé comme présomption que la valeur de l’ouvrage qui aurait dû être livré (valeur objective de l’ouvrage sans défaut) est égale au prix convenu par les parties. Cette présomption se fonde sur la considération que, d’ordinaire, le prix est l’expression de la valeur marchande. Si cette présomption n’est pas renversée, la réduction du prix est simplement égale à la moins-value. Facilitant encore l’application de l’art. 368 al. 2 CO, le Tribunal fédéral a posé que la moins-value est présumée égale aux coûts de remise en état de l’ouvrage. L’application conjointe de ces deux présomptions aboutit à une réduction du prix égale au coût de l’élimination du défaut. Il appartient à celle des parties qui prétend que l’une de ces deux présomptions ne s’applique pas au cas d’espèce de l’établir (consid. 4, seconde partie).

En l’espèce, le litige porte sur le défaut de l’isolation phonique de certaines parois, pour lesquelles un accord séparé de CHF 3’877.90 avait été signé et dont l’expert judiciaire avait estimé le coût d’élimination à CHF 50’000.-. En application du calcul de la méthode relative, dès lors qu’aucune partie n’a attaqué les présomptions applicables, le Tribunal fédéral retient que la valeur objective de l’ouvrage avec défaut est nulle, de sorte que le prix s’en trouve réduit à zéro. Le maître d’ouvrage a ainsi droit à une réduction de prix de CHF 3’877.90, soit l’entier de ce qu’il a payé pour les parois en cause, et non de CHF 50’000.- comme l’autorité précédente l’avait jugé, en réduction du prix de l’ouvrage total de CHF 1,3 millions (consid. 5.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 5A_420/2022 du 08 décembre 2022

Propriété d'une source; principe de l'accession; critères pour déterminer le caractère privé ou public d'une source; art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC

Propriété d’une source (art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC) – En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe des éléments constitutifs des immeubles sur lesquels elles apparaissent. La propriété de l’immeuble s’étend donc aussi à la source qui y jaillit (consid. 3.1). Sauf preuve contraire, les eaux publiques ne rentrent pas dans le domaine privé (consid. 3.2) ; il appartient aux cantons de délimiter parmi les eaux celles qui doivent être considérées comme publiques, le droit fédéral ne précisant pas les critères de distinction (consid. 3.2.1). En dérogation au principe de l’accession, les sources des eaux publiques sont considérées comme faisant partie du cours d’eau dont elles sont à l’origine et non comme faisant partie de l’immeuble sur lequel elles se trouvent (consid. 3.2.2). Dans le canton du Valais, tous les cours d’eau sont publics, y compris leur source (consid. 3.2). Est déterminante la question de savoir si la source d’eau, indépendamment de savoir si elle jaillit en plusieurs endroits, constitue dès le départ un cours d’eau (ruisseau). Il s’agit de savoir si, en raison de l’épaisseur et de la continuité de l’écoulement, la source crée ou aurait pu créer un lit avec des rives fixes si elle n’avait pas été captée (consid. 3.3). Dans cet examen, il faut se fonder sur l’état initial de la source et non sur d’éventuelles modifications résultant de l'intervention humaine (consid. 4.3).

En l’espèce, la source jaillit en plusieurs endroits et n’a été captée que de manière rudimentaire. Aucun lit ne s’est jamais formé, y compris avant ledit captage ; au contraire, l’eau s’infiltrait dans le sol. En l’absence de tout lien avec un cours d’eau, la source est privée en application du principe de l’accession et ne saurait être considérée comme publique (consid. 4.1 et 4.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_371/2021 du 05 décembre 2022

Contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage; principe de disposition; art. 374 CO; 55 CPC

Prix de l’ouvrage (art. 374 CO) – Par le contrat d’entreprise, l’entrepreneur s’engage à réaliser un ouvrage et le mandant à verser une rémunération. Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur. La base d’une indemnisation d’après les dépenses est constituée par les dépenses objectivement nécessaires en cas d’exécution minutieuse. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail qui y ont été consacrées (consid. 3).

Principe de disposition dans le cadre de la fixation du prix – Lorsque l’entrepreneur détaille ses dépenses, produit des rapports hebdomadaires et des bons de régie, le maître qui se contente de les contester en bloc en indiquant qu’elles n’étaient pas prouvées, sans même prétendre que les travaux allégués n’avaient pas été effectués, que le matériel n’avait pas été utilisé ou que le taux de régie n’était pas approprié, ne satisfait pas aux exigences du fardeau de la contestation. Il lui incombe notamment de détailler quelles dépenses et quelles heures de travail sont contestées et pour quelle raison (consid. 5).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Procédure

Procédure

TF 4D_44/2022 du 01 décembre 2022

Contrat d'architecte; arbitraire dans la constatation des faits; art. 9 Cst.

Arbitraire dans la constatation des faits (art. 9 Cst.) – Lorsque le contrat prévoit que l’architecte est en charge de la direction des travaux, il n’est pas arbitraire de retenir que le maître d’ouvrage assurait toutefois seul cette mission pour les travaux de démolition, dès lors que ces travaux ont commencé pendant les vacances de l’architecte, à une date fixée par le maître et que le maître avait communiqué aux entreprises chargées des travaux qu’il serait leur seul interlocuteur (consid. 4).

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 5D_127/2022 du 29 novembre 2022

Mise à ban; action possessoire: principe de disposition; art. 58, 258 ss CPC; 928 CC

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Le principe n’est pas violé lorsque le Tribunal constate que la mise à ban est opposable à l’intéressé, en présence de conclusions visant à la validation de la mise à ban, à la levée de l’opposition formulée par le recourant ainsi qu’au prononcé envers l’intéressé d’une interdiction de stationner sur les places de parc en question (consid. 3.1 et 3.2).

Mise à ban (art. 258 ss CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2). A la suite d’une opposition à la mise à ban au sens de l’art. 260 CPC, laquelle s’apparente à l’opposition en cas de poursuite, le bénéficiaire de la mise à ban qui souhaite qu’elle s’applique également à l’égard de l’opposant doit déposer une action en reconnaissance de droit. Celle-ci peut prendre la forme d’une action en raison du trouble de la possession (consid. 4.2-4.3).

Trouble de la possession (art. 928 CC) – Il y a trouble de la possession, lorsqu’un locataire admet se parquer où bon lui semble, alors qu’il n’y est autorisé que sur certaines places de stationnement par le contrat de bail (consid. 5).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Procédure

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TF 6B_375/2022 du 28 novembre 2022

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP; OPA; aOTConst

Lésions corporelles graves par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Cette infraction suppose la réalisation de trois conditions, à savoir une négligence, une atteinte à l’intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Rappel théorique concernant ces conditions et leurs principes (consid. 3.1.1).

Règles concernant la prévention des accidents pour les travaux de construction (OPA et aOTConst) – Mention des règles applicables (consid. 3.1.2).

En l’espèce, l’entrepreneur a manqué à son devoir de prudence, déduit des art. 21 OPA, 15 al. 1, 16 et 19 al. 1 aOTConst, en n’installant pas une protection et en ne prenant ainsi pas les mesures nécessaires pour prévenir les chutes (consid. 3.3.4, 3.3.5, 3.4.2).

Interruption de causalité – La Cour cantonale avait toutefois retenu que l’employé accidenté et souffrant désormais de tétraplégie incomplète avait interrompu le lien de causalité adéquate par son comportement, dès lors qu’il n’avait pas chuté de l’ouverture restée sans protection, mais s’était volontairement approché de celle-ci, alors même qu’il n’était pas affairé auprès d’elle, pour s’élancer sur l’échafaudage mobile situé en contrebas (consid. 3.4.1).

Pour le Tribunal fédéral, il convient de se poser la question de savoir si l’installation par l’entrepreneur de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité que l’employé emprunte volontairement ce passage et, conséquemment, chute. Les normes en la matière visent en effet à prévenir tant les chutes involontaires que le passage de personnes pouvant chuter, afin de tenir compte du caractère éminemment dangereux de toute activité de construction et de la propension naturelle de toute personne y travaillant de prendre occasionnellement des risques, volontairement ou non, pour autant que ces risques n’apparaissent pas à ce point extraordinaires et inattendus qu’ils justifient l’interruption du lien de causalité adéquate. Par conséquent, le Tribunal fédéral admet la causalité adéquate, puisque la simple présence de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, à tout le moins, eu pour effet de porter l’attention de l’employé sur les risques inhérents à la manœuvre envisagée et l’aurait très vraisemblablement décidé à emprunter la sortie réglementaire. Une interruption de la causalité ne peut être retenue, notamment parce qu’il n’y a rien de surprenant à ce qu’un ouvrier, pour gagner du temps ou pour toute autre raison, prenne des risques pouvant conduire à une chute involontaire. Le comportement d’espèce était d’autant moins inattendu que la voie d’accès prescrite impliquait un détour (consid. 3.4.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4F_16/2022 du 25 novembre 2022

Révision; qualité pour déposer une révision; arbitrage; droit d’emption; art. 76, 99, et 121 ss LTF; 393 et 395 CPC

Qualité pour former une révision (art. 76 LTF en lien avec les art. 121 ss LTF) – Selon la jurisprudence, la qualité pour former une révision correspond à la qualité pour recourir. Selon l’art. 76 LTF, ce sont avant tout les parties au procès qui ont la qualité pour recourir, à l’exclusion de l’instance inférieure désavouée (consid. 1.2.2). Ce principe connaît toutefois une exception, lorsque le Tribunal fédéral, en admettant un grief selon l’art. 393 let. f CPC, réduit les honoraires de l’arbitre sur la base de l’art. 395 al. 4 CPC. Dans cette hypothèse, l’arbitre est directement lésé dans ses intérêts financiers par la réduction d’honoraires. Cela correspond à un intérêt digne de protection au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LTF qui permet à l’arbitre de former une demande de révision (consid. 1.2.3).

Révision fondée sur des faits découverts ultérieurement (art. 123 al. 2 let. a LTF) – Rappel des principes. Il n’est tenu compte des faits qui ne se produisent qu’au cours de la procédure devant le Tribunal fédéral qu’aux conditions de l’art. 99 LTF. En application de cette dernière disposition, il est concevable qu’un demandeur en révision invoque, dans la procédure de recours du Tribunal fédéral, un fait qui s’est produit après l’arrêt attaqué, afin de démontrer que l’intérêt actuel du recourant à la protection juridique est tombé en désuétude au cours de la procédure de recours du Tribunal fédéral, ce qui aurait conduit le Tribunal fédéral – s’il en avait eu connaissance à temps – à classer la procédure de recours. Les faits qui se sont produits après l’arrêt du Tribunal fédéral à réviser sont en revanche exclus sous cet aspect également (consid. 2.2).

En l’espèce, l’arbitre prétend que l’intérêt au recours portant sur les frais d’arbitrage aurait dû être nié, dès lors que ces frais avaient déjà été réglés par une société proche de la partie recourante et qu’une réduction des frais aurait donné lieu à un remboursement à la partie recourante et constitué un avantage illicite. Le Tribunal fédéral ne suit pas cet argumentaire, au motif que cette explication ne constitue pas un fait nouveau, mais uniquement une interprétation des faits. En outre, le fait que le paiement ait été effectué par une société tierce ne suffit pas à retenir un comportement contraire à la bonne foi ou la présence d’un avantage illicite (consid. 2.4-2.5).

Révision fondée sur une inadvertance du Tribunal (art. 121 let. d LTF) – Rappel des principes (consid. 3.2). Un fait qui fait certes partie du dossier d’arbitrage, mais dont le Tribunal fédéral n’a pas pu tenir compte dans la procédure de recours, car il n’avait pas été constaté dans la sentence arbitrale et ne constitue pas un fait exceptionnellement admissible devant le TF ne peut pas être invoqué dans le cadre de la révision fondée sur l’art. 121 let. d LTF.

Révision fondée sur une violation du principe de disposition (art. 121 let. b LTF) – Rappel des principes (consid. 4.2). L’arbitre qui prétend que la demande de réduction des frais de procédure ne portait que sur les honoraires de l’arbitre et non sur l’ensemble des frais de procédure ne remplit pas les conditions d’une révision. Il s’agit d’un argument qu’il aurait pu développer dans la procédure de recours (consid. 4.4).

Procédure

Procédure

Arbitrage interne

Arbitrage interne

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_510/2021 du 24 novembre 2022

Contrat de courtage; transfert du contrat; constatation arbitraire des faits; art. 18 C0; 95 et 105 LTF

Constatation arbitraire des faits (art. 9 Cst. ; art. 95 et 105 LTF) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Transfert d’un contrat de courtage – La détermination de la volonté réelle et commune des parties contractantes au sens de l’art. 18 al. 1 CO, c’est-à-dire procéder à l’interprétation subjective du contrat, est une question de fait. Une telle interprétation ne peut par conséquent être remise en cause devant le Tribunal fédéral qu’en démontrant son caractère arbitraire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 5.1).

En l’espèce le contrat contenait une clause prévoyant que les prestations de sociétés tierces ne pourraient être facturées que si ces sociétés disposaient des licences, permis et autorisations nécessaires à l’activité de courtage. Tel n’était toutefois pas le cas de la société qui alléguait s’être substituée au courtier dans le contrat. En outre, le contrat prévoyait également que toute modification devait se faire par écrit, de sorte que la thèse d’un transfert du contrat par actes concluants pouvait être rejetée sans arbitraire (consid. 5.2).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Procédure

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TF 4A_610/2022 du 24 novembre 2022

Contrat de société simple; apport dans la société simple; dénonciation du contrat; droit applicable au contrat; art. 530 ss CO; 117 LDIP

Contrat de société simple (art. 530 ss CO) – Le couple qui, après avoir réalisé qu’il n’était pas en mesure d’acquérir lui-même l’immeuble qui l’intéressait, met à disposition des fonds à un tiers apte à l’acquérir, à condition que ces fonds lui soient restitués et que la jouissance de l’immeuble soit partagée entre le couple et le tiers, conclut avec ce tiers un contrat de société simple. L’économie du contrat se résume ainsi à une mise en commun de certaines ressources et capacités (liquidités d’une part ; capacité à acquérir un bien immobilier d’autre part) dans l’optique d’un but commun (partage de la jouissance du bien immobilier). La mise à disposition de la capacité à acquérir un immeuble peut constituer un apport au sens de l’art. 531 CO. En effet, la notion juridique est relativement large et  appréhende toute prestation susceptible de favoriser la réalisation du but social. En l’absence d’une clause permettant au couple d’exiger de se faire remettre la propriété du bien à première réquisition, une acquisition à titre fiduciaire par le tiers est exclue (consid. 4).

Droit applicable (art. 117 LDIP) – Le droit suisse est applicable à la société simple, nonobstant le domicile étranger du couple partie au contrat. Le but de la société simple était d’acquérir, puis de jouir d’un immeuble en Suisse. L’associé chargé de gérer l’immeuble était domicilié en Suisse. Le centre de gravité de la société simple se trouvait ainsi en Suisse, lieu de situation de l’immeuble et lieu de l’administration effective de la société simple (consid. 3.2 et 5).

Dénonciation du contrat de société simple (art. 546 CO) – Le fait que les instances cantonales ont considéré la demande de remboursement orale du couple comme une dénonciation du contrat de société simple ne prête pas le flanc à la critique, la forme écrite n’étant pas exigée (consid. 6.2).

Société simple

Société simple

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TF 4A_325/2022 du 22 novembre 2022

Droit d’emption et donation; cas clair; promesse de donation; révocation; art. 216a, 239 ss CO; 959 CC; 257 CPC

Cas clair (art. 257 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1). Le TF doit se pencher sur la possibilité de trancher par la voie du cas clair l’attribution de la propriété au bénéficiaire d’un pacte d’emption portant sur une vraisemblable donation mixte.

Droit d’emption – Rappel des principes. Les droits d’emption sur des immeubles peuvent être annotés au registre foncier (art. 216a CO ; art. 959 CC) (consid. 4.2). Le droit d’emption en tant que tel peut être octroyé à titre onéreux ou gratuit. La rémunération (le prix du droit d’emption) constitue la contrepartie de l’engagement de la propriétaire et de son obligation de s’abstenir, pendant la durée du droit d’emption, de tout acte susceptible d’empêcher un achat. Cette question est indépendante de celle de savoir si le contrat de vente envisagé constitue une vente ou une donation mixte (consid. 6.3.1 et 6.3.2).

Donation immobilière – Est considérée comme une donation toute attribution entre vifs par laquelle une personne enrichit une autre personne de son patrimoine sans contrepartie correspondante (art. 239 al. 1 CO). L’art. 242 CO régit la donation de main à main, sachant qu’en cas de propriété foncière, une donation n’est réalisée qu’avec l’inscription au registre foncier (al. 2). Cette inscription présuppose une promesse de donation valable (al. 3). Selon l’art. 243 al. 1 CO, la promesse de donation doit revêtir la forme écrite pour être valable. Si des immeubles font l’objet de la donation, la validité de celle-ci requiert, selon l’art. 243 al. 2 CO, l’établissement d’un acte authentique (consid. 4.3).

Révocation d’une promesse de donation – Une promesse de donation peut en général – et également en ce qui concerne les immeubles – être révoquée si l’une des conditions des art. 249 et 250 CO est réalisée. Si la promesse de donation a déjà été exécutée, la donatrice est limitée aux motifs de révocation décrits à l’art. 249 CO. La révocation peut intervenir pendant une année à compter du moment où la donatrice a eu connaissance du motif de révocation (art. 251 al. 1 CO) (consid. 4.3).

En l’espèce, le fait que le droit d’emption, accordé à titre gratuit, ait été exécuté et annoté au registre foncier ne rend pas la situation claire au sens de l’art. 257 CPC. En effet, il convient notamment de déterminer si le contrat de vente envisagé dans la promesse constitue bien une donation mixte et si les motifs de la révocation de l’art. 250 CO peuvent encore être invoqués, alors que le transfert de propriété n’a pas encore été inscrit au registre foncier, mais le pacte d’emption l’a bien été (consid. 6.3.3).

Donation

Donation

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 4A_115/2021 du 22 novembre 2022

Contrat de courtage; rémunération du courtier; conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée; motivation de l'appel; art. 413 CO; 311 al. 1 CPC

Rémunération du courtier (art. 413 CO) – Selon cette disposition, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. Le droit au salaire du courtier suppose un lien de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion effective du contrat principal ; un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers est toutefois en principe suffisant. Le lien psychologique peut exister même si les négociations ont été rompues entre-temps, respectivement même si le courtier n’a pas été impliqué jusqu’à la conclusion du contrat ou encore si un autre courtier est intervenu entre-temps. Le lien psychologique est toutefois rompu, lorsque l’activité du courtier n’a pas abouti à un résultat, que les négociations ont été définitivement rompues et que la vente a finalement été conclue sur une toute nouvelle base (consid. 3, première partie).

Conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée – Le courtier a également droit aux honoraires, lorsque le contrat de vente est finalement conclu avec une personne proche de la partie initiale acquéresse que le courtier avait amenée dans un premier temps. Un tel cas se présente lorsqu’il existe une relation économique ou socio-personnelle si étroite entre l’acheteur final et la partie initiale qu’ils forment en quelque sorte une unité. Cette condition est remplie lorsque, au lieu de la partie initiale, une société à laquelle elle participe conclut le contrat ou si elle et le tiers acquéreur appartiennent au même ménage ou à la même famille. Dans de telles circonstances, on peut supposer, sur la base de l’expérience générale de la vie, qu’en raison des liens économiques ou personnels existant entre l’intéressé initial et l’acquéreur final, l’activité du courtier a également influencé ce dernier (consid. 3, deuxième partie).

En l’espèce, le bien a finalement été acheté par une société dont l’intéressé initial détenait 34 % et le concubin de celui-ci quelque 33 %, de sorte qu’il n’est pas arbitraire de retenir que le lien de causalité psychologique n’a pas été rompu et que le salaire du courtier est dû (consid. 5).

Obligation de motivation de l’appel (art. 311 al. 1 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.3).

Reprise de la dette du salaire du courtier – Le courtier peut diriger son action en paiement du salaire envers l’intéressée initiale, lorsque celle-ci a accepté de payer la commission en libérant les vendeurs (consid. 7 et 8).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Procédure

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TF 5A_378/2022 du 17 novembre 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; droit à l’inscription après la résiliation du contrat; art. 839 al. 1 CC

Droit à l’inscription d’une HLAE (art. 839 al. 1 CC) – L’hypothèque des artisans et des entrepreneurs peut être inscrite à partir du jour où ceux-ci se sont obligés à exécuter le travail ou les ouvrages promis. Le droit à l’inscription de l’hypothèque ne dépend donc pas du fait que l’artisan ou l’entrepreneur a effectivement exécuté sa prestation ou commencé à l’exécuter. L’objet de l’action en inscription de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n’est en effet pas de fixer la créance en paiement de ceux-ci en tant que telle, mais uniquement le montant à concurrence duquel l’immeuble devra répondre, à savoir le montant du gage ou, en d’autres termes, l’étendue de la garantie hypothécaire. Le montant de la rémunération convenue contractuellement est ainsi susceptible d’être inscrit à ce titre au registre foncier, que les travaux aient été exécutés ou qu’ils doivent l’être n’étant déterminant que sous l’angle de l’exécution du gage lui-même.

La garantie relative aux travaux qui doivent encore être exécutés ne peut en revanche être inscrite qu’aussi longtemps que ceux-ci sont encore dus. A supposer ainsi que l’obligation d’exécution de l’artisan ou l’entrepreneur prenne fin (p. ex. en raison d’une résiliation anticipée du contrat), son travail n’est plus dû et ne sera définitivement plus exécuté ; la garantie hypothécaire couvrant celui-ci ne se justifie donc plus (consid. 3.3).

En l’espèce, vu la résiliation anticipée du contrat d’entreprise, la garantie hypothécaire sollicitée ne peut porter que sur les travaux effectués antérieurement à ladite résiliation (consid. 3.4).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_79/2022 du 16 novembre 2022

Propriété par étages; droit de veto concernant des travaux de construction; art. 647d, 712g CC

Travaux de construction dans une PPE (art. 712g en lien avec 647d CC) – Rappel des principes. Les travaux de réfection et de transformation destinés à augmenter la valeur de la chose ou à améliorer son rendement ou son utilité sont décidés à la majorité de tous les copropriétaires représentant en outre, leurs parts réunies, plus de la moitié de la chose. Les modifications ayant pour effet de gêner notablement et durablement, pour un copropriétaire, l’usage ou la jouissance de la chose selon sa destination actuelle ou qui en compromettent le rendement ne peuvent pas être exécutées sans son consentement (art. 647d al. 2 CC). Cette disposition est de nature impérative, de sorte que le copropriétaire ou le propriétaire par étage dispose ainsi d’un droit de veto lui permettant de s’opposer à des charges qui sont excessives par rapport à celles des autres membres de la communauté. Ces charges notables et durables doivent être objectives et ressenties comme telles par un être humain moyen. Il faut en particulier tenir compte des situations dans lesquelles l’usage ou l’utilisation de la chose aux fins prévues jusqu’alors deviennent non rentable, c'est-à-dire que les travaux envisagés détériorent la possibilité de louer un appartement ou de le revendre (consid. 3.1, y compris in fine une casuistique dans la jurisprudence fédérale et cantonale).

En l’espèce, le propriétaire d’étage d’un appartement au rez-de-chaussée était fondé à faire usage de son droit de véto au sens de l’art. 647d al. 2 CC concernant un projet de construction d’une nouvelle entrée de l’immeuble et d’un ascenseur. En effet, la construction de cette entrée impliquait un nouveau passage donnant directement sur la cuisine et la salle à manger de l’appartement du rez-de-chaussée et engendrait ainsi une perte d’intimité, des nuisances sonores supplémentaires, la perte d’une vue dégagée ainsi qu’une perte de lumière naturelle. Il ne fait en outre aucun doute que le propriétaire concerné était nettement plus touché que les propriétaires des autres unités d’étages. Le fait que le projet de construction constitue la seule possibilité architecturale pour l’installation d’une entrée avec ascenseur n’est pas pertinent (consid. 3.2 et 3.5.2).

PPE

PPE

TF 2C_249/2022 du 15 novembre 2022

Assurance immobilière; droit d’être entendu; arbitraire; art. 9 et 29 al. 2 Cst.

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) – Rappel des principes (consid. 3.1).

En présence d’un toit qui ne présente pas de traces de grêle, l’établissement public d’assurances ne viole pas le droit d’être entendu du propriétaire en renonçant, dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves, à une expertise visant à établir le lien entre l’évènement naturel et le dommage invoqué (consid. 3.2).

Arbitraire dans l’établissement des faits ou l’appréciation des preuves (art. 9 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2).

En l’espèce, il n’est pas arbitraire de retenir que des griffures blanches sur le toit, respectivement des stries blanches ne sont pas des signes de grêle. De plus, il n’est pas non plus arbitraire de considérer que des infiltrations d’eau au niveau des fenêtres ne sont pas le fait d’une tempête, lorsqu’aucun dommage n’a été constaté sur le toit (consid. 4.3.3 et 4.4).

Assurance immobilière

Assurance immobilière

TF 5A_525/2020 du 14 novembre 2022

Servitude; libération judiciaire; Art. 736-738 CC; 18 CO

Libération judiciaire pour perte d’intérêt (art. 736 CC) – Rappel des principes (consid. 2.1).

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC en relation avec les art. 18 CO et 973 al. 1 CC) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral se penche sur l’utilité actuelle d’une servitude de 1913 prévoyant un droit d’usage d’un quai avec deux places pour les bateaux, au bord du lac de Lugano. Alors que le fond servant est resté inchangé depuis l’inscription, le fonds dominant a été divisé. La parcelle ayant accès au quai ne comporte plus d’habitation, cette dernière ayant été intégrée à une parcelle voisine. Si le Tribunal fédéral concède qu’une servitude d’utilisation d’un quai peut exister au profit d’une parcelle vierge d’habitation, il constate, dans le cadre d’une interprétation subjective du contrat de servitude, qu’il est expressément précisé que celle-ci est concédée pour permettre la desserte de la maison du fonds dominant. Par conséquent, la servitude a perdu toute utilité pour le fonds dominant qui est désormais vierge d’habitation et doit être radiée (consid. 3.5).

Servitude

Servitude

TF 5A_311/2022, 5A_437/2022 du 09 novembre 2022

Propriété par étages; décision de nomination d’un représentant de la communauté des propriétaires d’étages; incapacité de postuler; art. 93 LTF; 12 LLCA

Décision incidente (art. 93 LTF) – La décision de nommer un représentant de la communauté des propriétaires d’étage doit être qualifiée d’incidente au sens de l’art. 93 LTF (consid. 2.1.2).

Recours contre une décision incidente – Rappel des principes (consid. 2.2.1).

Décision sur incapacité de postuler – Lorsque la décision incidente interdit à l’avocat mandaté par une partie de procéder en tant que représentant de celle-ci, elle cause un préjudice irréparable au mandant de l’avocat. Cette partie est en effet privée du droit de faire défendre ses intérêts par l’avocat de son choix. L’avocat évincé peut aussi former un recours immédiat. A l’inverse, le recours n’est en principe pas ouvert lorsque l’exception tirée de l’incapacité de postuler est rejetée (consid. 2.2.2).

En l’occurrence, l’avocat a été nommé représentant de la communauté des propriétaires d’étages, pour la représenter dans le cadre de procédures en annulation de décisions de PPE et défendait par ailleurs les autres propriétaires individuellement. Or, le propriétaire d’étage, partie adverse dans ces procédures, qui soulevait l’exception d’incapacité de postuler, ne parvenait ni à démontrer l’existence d’intérêts divergents entre la communauté et les autres propriétaires représentés, ni en quoi un tel conflit lui porterait atteinte. Le rôle de l’avocat ainsi nommé est de soutenir la position procédurale de la communauté à l’encontre du propriétaire d’étage qui a lancé les procédures en annulation de certaines décisions de la PPE. Cela a pour conséquence qu’il ne peut adopter une position neutre et impartiale à l’égard de l’ensemble des propriétaires d’étages, et en particulier à l’égard du propriétaire d’étage opposé à la communauté dans les procédures susmentionnées (consid. 2.4).

PPE

PPE

Procédure

Procédure

TF 5A_719/2022 du 03 novembre 2022

Droits de voisinage; distance en matière de plantations; art. 5, 684, 688 CC

Distances en matière de plantations (art. 688 CC) – Selon l’art. 688 CC, la législation cantonale peut déterminer la distance que les propriétaires sont tenus d’observer dans leurs plantations selon les diverses espèces de plantes et d’immeubles. Il s’agit d’une réserve expresse de compétence cantonale au sens de l’art. 5 CC. Si les plantations ne respectent pas les distances prévues par le droit cantonal, leur élimination peut être exigée sans qu’il soit nécessaire de prouver des atteintes excessives au sens de l’art. 684 CC. Le droit cantonal peut, mais ne doit pas limiter dans le temps les prétentions en suppression de plantations, en les soumettant à un délai de prescription (consid. 3.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le canton de Thurgovie a fait usage de la possibilité de légiférer offerte par l’art. 688 CC et que cette législation ne limite pas les possibilités d’agir par un délai de prescription. Dans de telles circonstances, l’ordre d’élagage obtenu par les voisins sur la base de la législation cantonale ne peut être attaqué que sous l’angle de l’abus de droit. Or, il n’est pas arbitraire de retenir l’absence de tout comportement de mauvaise foi, lorsque les voisins ont toléré les plantations pendant de nombreuses années, avant de finalement exiger leur élagage, cette durée ne créant pas d’attente légitime chez le propriétaire des plantations concernées. Seul un réel comportement contradictoire et donc des circonstances particulières auraient pu empêcher les voisins de faire valoir leurs droits (consid. 4.3).

Nuisances

Nuisances

TF 4D_73/2021 du 02 novembre 2022

Contrat de vente; défauts; prescription; principe de disposition; art. 210 et 219 CO; 58 CPC

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Le grief de violation du principe de disposition est irrecevable dans le cadre d’un recours constitutionnel subsidiaire, puisque ce principe n’est pas un droit constitutionnel (consid. 4.2.1).

Prescription de l’action en garantie des défauts (art. 219 al. 3 CO) – L’action en garantie pour les défauts d’un bâtiment se prescrit par cinq ans à compter du transfert de propriété. Le vendeur ne peut invoquer la prescription s’il est prouvé qu’il a induit l’acheteur en erreur intentionnellement (art. 210 al. 6 CO). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de dol, les droits à la garantie sont soumis à la prescription décennale de l’art. 127 CO (consid. 5.1 et 5.1.1).

Dol – L’intention frauduleuse est admise lorsque le vendeur a sciemment omis de révéler l’existence d’un défaut à l’acheteur, qui l’ignorait et n’aurait pas pu le découvrir en raison de sa nature cachée, alors que le vendeur savait que ce défaut était important pour l’acheteur. La dissimulation doit être intentionnelle, le dol éventuel suffit. Le vendeur doit avoir eu effectivement connaissance du défaut ; l’ignorance, même lorsqu’elle résulte d’une négligence grave, doit être prise en compte (consid. 5.1.2-5.1.3).

En l’espèce, le vendeur de terres agricoles s’est fondé sur les données du registre foncier pour remplir la rubrique du formulaire destiné à la Commission foncière agricole relative à la surface agricole utile (SAU) au sens de l’art. 14 de L’Ordonnance sur la terminologie agricole (OTerm). Bien qu’il est admis que la SAU ne corresponde pas toujours à ce qui est inscrit au RF, cela ne suffit pas à prouver que le vendeur aurait eu conscience et volonté de tromper l’acheteur (consid. 5.3.1.1 à 5.3.2).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

Procédure

TF 5D_78/2022, 5D_79/2022 du 31 octobre 2022

Revendication; nullité d’une décision rendue contre des parties indéterminées ; répartition des frais judiciaires; art. 641 al. 2 CC; 59, 66, 106 ss CPC

Nullité d’une décision – La nullité absolue d’une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d’office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables ; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire. Une décision d’emblée inexécutable est frappée de nullité.

Il existe une grande diversité de situations dans lesquelles une décision nulle peut influer sur la validité de décisions postérieures relevant d’autres autorités. On ne peut donc pas énumérer toutes les autorités qui, amenées à rendre une décision ultérieure (par exemple une décision d’exécution), pourront constater à titre préjudiciel que la décision initiale est affectée d’un tel vice. La théorie de la nullité n’implique toutefois pas que n’importe quelle autorité est compétente pour constater la nullité, au mépris des règles gouvernant sa saisine (consid. 3.1).

Décision rendue contre des parties indéterminées dans une action en revendication – Dans le cadre d’une action en revendication au sens de l’art. 641 al. 2 CC, le Tribunal fédéral a considéré que l’opposabilité de l’exécution forcée à des occupants sans droit qui ne seraient pas parties à la procédure civile ne paraît pas d’emblée exclue. Il n’en demeure pas moins que l’action en revendication en tant que telle ne peut être intentée que contre celui qui possède la chose au moment de l’ouverture de l’action, soit une personne déterminée. En droit du bail également, le Tribunal fédéral a considéré que la notion de dépendance de tiers à expulser doit se déterminer en fonction d’une partie défenderesse déterminée. Admettre le contraire conduirait à passer outre l’examen d’une condition tant de recevabilité que matérielle de l’action, le juge ne pouvant contrôler ni la capacité d’être partie ni la légitimation des personnes en cause. Une décision qui serait rendue à l’encontre d’une partie défenderesse indéterminée est inexécutable et le but du procès civil n’est pas réalisable. Une telle décision est donc frappée de nullité (consid. 3.2).

En l’espèce, une décision rendue contre un « collectif » qui n’est pas une personne morale et dont l’identité des personnes physiques reste inconnue est nulle ; elle viole l’essence même du procès civil.

Répartition des frais (art. 106 ss CPC) – L’art. 107 al. 1 CPC ne règle la répartition des frais, en dérogeant au principe prévu par l’art. 106 CPC, qu’entre les parties au procès. Cette disposition dérogatoire ne peut pas être appliquée pour mettre les frais à la charge d’un tiers. Un avocat ne peut se voir imposer des frais en application de cette disposition (consid. 3.3.2).

Frais inutiles (art. 108 CPC) – Les frais causés inutilement sont mis à la charge de la personne – y compris les tiers qui ne sont pas parties – qui les a engendrés, indépendamment du sort de la cause. Sont inutiles les frais qui ne servent aucunement à la résolution du litige ou occasionnés de manière contraire au principe d’économie de la procédure. Il s’agit en premier lieu de ceux qui, par le comportement d’une partie ou d’un tiers pendant le procès, viennent s’ajouter aux frais usuels ou qui seraient de toute façon encourus. Ainsi, les frais engendrés dans une procédure qui a été menée par un falsus procurator pour une partie qui ne l’a pas mandaté sont à la charge du représentant sans pouvoirs. Seuls les frais que celui-ci a inutilement causés peuvent être mis à sa charge, au sens de l’art. 108 CPC.

En l’espèce, même si le premier juge avait, au moment de rendre sa décision, retenu l’irrecevabilité de la requête, aucuns frais n’auraient pu être mis à la charge des avocats. En effet, la requête engagée sans connaître l’identité de la partie intimée et l’instruction menée par le premier juge contre des personnes inconnues – la citation à comparaître ne comportait aucun nom et ce magistrat n’a nullement signifié aux recourants que, leur procuration ne mentionnant pas les noms des personnes représentées, il n’accepterait pas qu’ils procèdent et ne prendrait pas en considération leurs déterminations – relèguent à l’arrière-plan le comportement des recourants, qui se sont du reste limités à comparaître à l’audience déjà prévue et à déposer des déterminations sur la requête. On ne voit dès lors pas quels frais causés inutilement doivent être imputés aux recourants, étant précisé que la causalité ne peut se juger que par rapport à leur propre comportement de représenter une partie qui ne veut pas dévoiler son identité, et non par rapport au comportement illicite de la partie qui a donné lieu à la procédure d’évacuation, l’art. 108 CPC n’ayant nullement vocation à protéger le justiciable des difficultés de recouvrement contre sa partie adverse.

Analyse de François Bohnet , Simon Varin

La nullité d’une décision rendue contre un « collectif » et des personnes indéterminées et l’imputation des frais de procédure à leurs mandataires

Procédure

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Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_323/2022 du 27 octobre 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; sûretés suffisantes; art. 839 al. 3 CC

Sûretés suffisantes (art. 839 al. 3 CC) – Le propriétaire foncier peut empêcher l’inscription provisoire ou définitive d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s’il fournit des sûretés suffisantes au sens de l’art. 839 al. 3 CC. Ces sûretés peuvent être personnelles (garantie bancaire, cautionnement, autre garantie fondée sur le droit des obligations) ou réelles (consignation d’un montant ou nantissement d’autres valeurs). Pour être « suffisantes », les sûretés qui tiennent lieu d’inscription d’une hypothèque légale doivent garantir pleinement la créance : elles doivent ainsi offrir qualitativement et quantitativement la même couverture que l’hypothèque des artisans ou entrepreneurs. Du point de vue quantitatif, l’hypothèque légale des artisans ou entrepreneurs offre au créancier une sécurité pour le capital et les intérêts moratoires et, le cas échéant, pour les intérêts contractuels. En tant que les intérêts moratoires ne sont pas limités dans le temps, la jurisprudence retient que les sûretés tenant lieu d’inscription d’une hypothèque doivent également offrir une sécurité illimitée pour les intérêts moratoires (cf. ATF 142 III 738) (consid. 3.3 – 3.3.2).

Critiquée en doctrine, cette jurisprudence a donné lieu à une procédure de révision législative, laquelle limite à dix ans les intérêts moratoires compris dans les sûretés prévues à l’art. 839 al. 3 CC (consid. 3.3.2.2). La jurisprudence admet que, dans certains cas, une révision législative en cours peut être prise en compte lors de l’interprétation d’une norme (consid. 3.3.3).

Dans le cas d’espèce, le montant des sûretés consignées par les propriétaires comprend les intérêts moratoires sur une durée de dix ans. Le comportement de l’entrepreneur qui se fonde sur la jurisprudence publiée précitée pour invoquer l’insuffisance des sûretés versées et solliciter ainsi le maintien de l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut pas être constitutif d’abus de droit. Toutefois, la cour cantonale pouvait se référer au projet législatif en cours pour s’écarter de la jurisprudence fédérale et considérer, sans arbitraire, que les sûretés garantissant ici la créance de l’entrepreneur ainsi que les intérêts moratoires sur dix ans étaient suffisantes (consid. 3.4).

Analyse de Carol Simona Rothenfluh

Quantifizierung der « hinreichenden Sicherheit » gemäss Art. 839 Abs. 3 ZGB bezüglich Verzugszinse, Besprechung des Urteils 5A_323/2022 des Bundesgerichts

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_342/2022 du 26 octobre 2022

Responsabilité civile; caractère réformatoire de l’appel et conclusions de l’appel; art. 311 ss CPC

Conditions de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1.1). Caractère réformatoire de l’appel (art. 316 et 318 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1.2 et 4.3-4.4). Formalisme excessif – Rappel des principes (consid. 2.1.3). Formalisme excessif en matière de conclusions de l’appel – Casuistique (consid. 2.1.3.1 et 2.1.3.2).

En l’espèce, l’appelant a uniquement conclu, au stade de l’appel, à l’admission de sa demande de première instance, en violation de l’obligation de prendre des conclusions réformatoires qui puissent être reprises dans le dispositif du jugement d’appel. Toutefois, une interprétation selon les règles de la bonne foi, respectivement sans formalisme excessif, permettait de déterminer sans difficulté ce que le recourant visait par son appel, à savoir l’obligation de l’intimé de verser le montant chiffré dans la demande présentée devant la première instance. Par conséquent, le Tribunal cantonal ne pouvait pas refuser d’entrer en matière sur cet appel (consid. 3.2).

Procédure

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Responsabilité civile

Responsabilité civile

TF 4A_220/2022 du 19 octobre 2022

Convention collective de travail; assujettissement d’un employé à une convention collective de travail; art. 357 CO; CCT-SOR

Interprétation d’une CCT (art. 357 CO) – Rappel des principes. Les clauses relatives à la conclusion, au contenu et à l’extinction des contrats individuels de travail ont, pour la durée de la convention, un effet direct et impératif envers les employeurs et travailleurs qu’elles lient. Elles sont appelées clauses normatives. Elles doivent être interprétées de la même manière qu’une loi (consid. 3.1.1).

Application à un employé de la Convention collective de travail du second œuvre romand (CCT–SOR) – Une société, active dans un domaine visé par la CCT-SOR, soit celui de la menuiserie et de l’ébénisterie, engage un travailleur qualifié de manœuvre pour des tâches de nettoyage et d’entretien, de gestion des stocks de matériel, de livraisons, de contrôle de fermeture des portes d’accès, etc.

Le terme « personnel d’exploitation » est utilisé par opposition au personnel administratif ou de bureau. Ainsi, l’argumentation de la société, selon laquelle l’intimé n’était pas soumis à la CCT-SOR parce qu’il n’effectuait pas de travail de menuiserie et qu’il n’effectuait qu’exceptionnellement des livraisons d’éléments devant ensuite être montés par d’autres employés, ne saurait être suivie. L’art. 18 CCT-SOR vise notamment les manœuvres, soit les travailleurs effectuant des tâches ne nécessitant pas de formation. La régularité de la présence de l’employé sur les chantiers n’est dès lors pas déterminante. En raison des livraisons effectuées par l’employé, celui-ci n’était pas exclusivement actif dans les parties technique et commerciale de la société, étant précisé que la CCT-SOR ne prescrit pas de déterminer l’activité prépondérante du travailleur. C’est dès lors à bon droit et sans arbitraire que la cour cantonale a considéré que le rapport de travail litigieux était soumis à la CCT-SOR (consid. 3.4).

Convention collective de travail (CCT)

Convention collective de travail (CCT)

TF 5A_163/2022 du 14 octobre 2022

Servitude d’empiétement; conditions pour l’inscription d’une servitude d’empiétement; décision sur indemnité équitable; art. 674 CC

Décision sur indemnité équitable – Une décision réformatrice du TF n’entre en ligne de compte pour l’octroi d’une indemnité équitable en contrepartie de l’inscription d’une servitude que si l’instance précédente s’est penchée sur la question de l’indemnisation. Par ailleurs, les demandes en justice portant sur une somme d’argent doivent être chiffrées ; une demande de fixation d’une indemnité équitable ne suffit pas (consid. 1.4).

Servitude d’empiètement (art. 674 al. 1 et 3) – Rappel des principes. Le propriétaire d’un ouvrage se trouvant sur le fonds d’autrui doit se laisser imputer la connaissance de l’illégalité, c’est-à-dire l’absence de bonne foi de son prédécesseur qui a construit l’ouvrage, dès lors que les droits issus de l’art. 674 al. 3 sont de nature propter rem (consid. 3.2).

De plus, les circonstances du cas d’espèce ne justifient pas que le propriétaire du fonds lésé accorde une servitude pour assurer la pérennité de l’escalier construit par le voisin sur son fonds. En particulier, cette structure n’est pas absolument nécessaire, puisque que le voisin dispose d’un escalier intérieur, respectivement qu’il pourrait aussi, le cas échéant, construire un escalier sur le côté nord de sa parcelle (consid. 3.2 et 3.4).

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 5A_650/2022 du 13 octobre 2022

Droit foncier rural; poursuite en réalisation du gage; notification du commandement de payer; entreprise agricole exploitée en commun par les époux; art. 40 LDFR; 153 LP; 169 CC; 14 LPart

Notification du commandement de payer dans la poursuite en réalisation du gage – L’art. 153 al. 2 let. b LP ne comporte aucune lacune, en ne mentionnant pas l’art. 40 LDFR concernant l’aliénation de l’entreprise agricole exploitée en commun par les époux. Les formes de communauté d’intérêts entre époux, notamment économiques, ne bénéficient pas de la protection réservée au logement de famille au sens des art. 169 CC et 14 LPart. Ainsi, le commandement de payer ne doit être notifié à l’époux que si l’entreprise agricole grevée coïncide avec le logement de famille (consid. 3.3).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

LP

LP

Publication prévue

Publication prévue

TF 2C_601/2021 du 11 octobre 2022

Droit foncier agricole; autorisation d’acquérir un immeuble agricole; art. 61 ss LDFR

Autorisation d’acquérir un immeuble agricole (art. 61 ss LDFR) – Rappel des principes (consid. 4.1). Selon l’art. 64 al. 1 LDFR, lorsque l’acquéreur n’est pas personnellement exploitant, l’autorisation lui est accordée s’il prouve qu’il y a un juste motif pour le faire. Il s’agit là d’une notion juridique indéterminée, qui doit être concrétisée en tenant compte des circonstances du cas particulier et des objectifs de politique agricole du droit foncier rural (consid. 4.2). Si les cas de figure présentés à l’art. 64 al. 1 LDFR sont réalisés, l’autorisation doit être accordée. L’autorité compétente ne dispose d’aucune marge d’appréciation à cet égard (consid. 4.4).

En l’espèce, les parcelles en cause constituent des immeubles agricoles et sont exploitées en la forme agricole, puisque les équidés d’une fondation y paissent. Les animaux dont s’occupe cette fondation ont ceci de particulier qu’ils ne relèvent ni de l’élevage ni de la garde puisqu’il s’agit d’équidés recueillis, âgés ou handicapés ou placés à la Fondation à la suite de séquestres effectués par les autorités compétentes en raison de maltraitance, de négligence ou en l’absence de mise en conformité d’installations avec la législation sur la protection des animaux. Or, il faut considérer que l’utilité publique de la Fondation, reconnue au sens du droit fiscal, est pertinente dans le cadre de l’examen et qu’une telle reconnaissance peut constituer un juste motif au sens de l’art. 64 al. 1 LDFR (consid. 4.5). Cette solution est renforcée par le fait que les écuries de la fondation jouxtent les parcelles concernées et que la fondation dispose d’une base fourragère importante (consid. 4.6).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

TF 2C_654/2022 du 28 septembre 2022

Marchés publics; délai de recours au Tribunal fédéral; art. 46 et 132 LTF

Délai de recours au TF (art. 46 al. 2 let. e et 132 LTF) – Selon l’art. 46 al. 2 let. e LTF, les délais ne sont pas suspendus pendant les féries, en matière de marchés publics. Conformément à l’art. 132 al. 1 LTF, cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, s’applique à toutes les procédures d’adjudication de la Confédération si la décision attaquée a été rendue après cette date, indépendamment du fait que les procédures ont été engagées sous l’empire de l’ancienne LMP ou de la LMP totalement révisée (consid. 3 et 4).

Procédure

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Marchés publics

Marchés publics

TF 4A_473/2021 du 27 septembre 2022

Contrat d’entreprise; livraison de l’ouvrage; représentation du maître de l’ouvrage; Norme SIA; compensation; art. 33, 120 et 372 CO; 33 al. 2 Norme SIA 118

Livraison de l’ouvrage (art. 372 CO) – Sous réserve d'un accord contraire, le client doit payer la rémunération à la livraison de l’ouvrage. La livraison présuppose que l’ouvrage est achevé. C’est le cas lorsque l’entrepreneur a exécuté tous les travaux convenus, c’est-à-dire lorsque l’ouvrage est achevé. Le fait qu’il soit exempt de défauts ne joue en revanche aucun rôle. L’ouvrage est livré par sa remise ou par la communication expresse ou tacite de l’entrepreneur selon laquelle il est achevé. La livraison correspond, du point de vue de l’acheteur, à la réception de l’ouvrage. Une volonté particulière de réception de l’acheteur ou de son représentant n’est pas nécessaire. Si l’acheteur met l’ouvrage en service, celui-ci est considéré comme livré. En outre, en cas de fin anticipée du contrat, que ce soit à la suite d’une résiliation ou d’une annulation d’un commun accord, l’ouvrage est réputé livré en l’état, ce qui déclenche les conséquences juridiques liées à la livraison (consid. 3.2.1).

Interprétation d’un contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.2.2).

En l’espèce, le maître de l’ouvrage a envoyé une confirmation de commande pour une certaine qualité de vitrage sur la base d’une offre qui spécifiait expressément ladite qualité. Par conséquent, on ne peut pas retenir que le contrat aurait été conclu pour une qualité supérieure en raison d’offres antérieures. Selon les règles de la bonne foi, il incombe au maître, représenté par un architecte, d’examiner les offres sur les points essentiels, en particulier s’agissant du respect des standards Minergie, respectivement de demander des renseignements en cas de doutes (consid. 3.3.2). Puisque le contrat a été exécuté de manière conforme, il n’y a pas de défaut et le maître n’était pas fondé à empêcher la fin des travaux, respectivement à les faire terminer par un tiers (consid. 3.4).

Représentation (art. 33 al. 2 Norme SIA 118 et art. 33 al. 3 CO) – Lorsque la norme SIA 118 s’applique, l’art. 33 al. 2 de cette norme prévoit que toutes les déclarations de volonté de la direction des travaux concernant l’ouvrage sont juridiquement contraignantes pour le maître d’ouvrage, notamment les commandes et la conclusion du contrat d’entreprise. En l’espèce, l’argumentaire du maître de l’ouvrage selon lequel le pouvoir de représentation était limité au contrôle des entrepreneurs est ainsi contredit. De plus, les tâches effectuées par la direction des travaux allaient bien au-delà de ce contrôle et correspondent à une communication du pourvoir de représentation implicite au sens de l’art. 33 al. 3 CO (consid. 3.3.3).

Compensation (art. 120 CO) – Rappel des principes (consid. 4.1). Les prétendues créances compensatrices de maître se fondent en l’espèce sur l’hypothèse de l’existence d’un défaut, lequel n’existe pas, de sorte que l’exception de compensation doit être rejetée (consid. 4.3).

Contrat d'entreprise

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Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Normes SIA

Normes SIA

TF 4A_161/2021 du 27 septembre 2022

Responsabilité civile; maxime des débats et principe de disposition; art. 55 et 58 CPC

Maxime des débats et principe de disposition (art. 55 et 58 CPC) – Rappel des principes (consid. 3).

En l’occurrence, une importante coulée de boue et de débris entreposés sur les parcelles en amont a causé des dommages sur une parcelle en contrebas. Or, le simple fait qu’il est admis que l’assurance des propriétaires de la parcelle endommagée applique une franchise de CHF 10'000.- ne suffit pas à lui seul à prouver un préjudice dont les propriétaires des parcelles supérieures seraient responsables (consid. 4.1). De même, l’on ne peut se fonder exclusivement sur la consommation d’électricité de l’année précédente pour prouver un dommage à cet égard (consid. 4.3).

Procédure

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Responsabilité civile

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TF 2C_783/2021 du 07 septembre 2022

Droit foncier rural; droit d’être entendu; fait nouveau inadmissible; révocation d’une autorisation d’acquérir; art. 29 Cst.; 99 LTF; 61 ss, 71 LDFR

Droit d’être entendu (art. 29 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2). Lorsqu’un contrat de vente est nul au sens de l’art. 70 LDFR, celui qui a perdu la propriété des parcelles n’a plus d’intérêt légitime à demander une décision relative à l’assujettissement des parcelles à la Loi sur le droit foncier rural. Partant, l’autorité précédente n’avait donc pas à se prononcer sur le point de la soustraction des parcelles au champ d’application de cette loi, de sorte que le droit d’être entendu de celui qui a perdu la propriété n’a pas été violé (consid. 4.4).

Fait nouveau inadmissible (art. 99 LTF) – Le grief relatif à l’art. 71 al. 2 LDFR, reposant sur un fait qui n’a pas été constaté par les juges précédents, à savoir la date de l’inscription de l’acte au registre foncier, et pour lequel aucune constatation manifestement inexacte ou incomplète des faits n’a été invoquée, il n’est pas entré en matière sur celui-ci (consid. 5).

Révocation de l’autorisation d’acquérir un bâtiment agricole (art. 71 al. 1 LDFR) – La révocation est soumise à deux conditions cumulatives. La première est une condition objective : l’acquéreur doit avoir donné de fausses indications sur des faits juridiquement déterminants pour l’octroi de l’autorisation. Ces fausses indications doivent avoir été causales, en ce sens que l’autorisation aurait dû être refusée si l’autorité compétente avait connu la situation objectivement exacte. La seconde condition est subjective : l’autorisation doit avoir été « captée » (« erschlichen »). Il y a captation lorsque l’intéressé connaît ou doit connaître l’inexactitude de ses indications et qu’il les fait dans le dessein d’obtenir une autorisation qui lui serait sinon refusée. Si, au moment de l’octroi de l’autorisation, l’acheteur sait déjà qu’il n’exploitera pas lui-même l’entreprise ou les immeubles concernés, ou qu’il ne les exploitera que pendant une courte période, et qu’il dissimule ce fait au cours de la procédure d’autorisation, il induit l’autorité chargée de délivrer l’autorisation en erreur au sens de l’art. 71 al. 1 LDFR (consid. 6.2.3).

En l’espèce, non seulement l’acquéreur n’a jamais cultivé les biens-fonds qu’il a achetés, mais il n’a jamais eu l’intention de le faire, puisqu’il les a affermés le jour même de la vente. En outre, il a lui-même déclaré, durant l’instruction de la cause devant la Commission foncière agricole, qu’il n’avait jamais voulu exploiter ces terres et les faits de l’affaire démontrent qu’il a donné ces fausses indications afin d’obtenir l’autorisation litigieuse (consid. 6.4).

Droit foncier rural

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Procédure

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TF 4A_137/2022 du 30 août 2022

Contrat d’entreprise; représentation; Norme SIA 118; dénonciation d’instance; art. 32 ss CO; Norme SIA 118; art. 78 et 79 CPC

Représentation civile (art. 32 ss CO) – Rappel des principes (consid. 4).

Procuration apparente (art. 33 al. 3 CO) – En l’absence de pouvoirs internes du représentant, le tiers cocontractant est protégé exceptionnellement lorsque le représenté a porté (expressément ou tacitement) à sa connaissance une procuration (externe) qui va au-delà des pouvoirs qu’il a effectivement conférés au représentant (procuration interne) et que, se fiant à cette communication, le tiers a cru de bonne foi à l’existence des pouvoirs de celui-ci. Le représenté qui a créé l’apparence d’un rapport de représentation ou laissé s’en créer un doit souffrir, en vertu du principe de la confiance (ou de l’apparence efficace), que le tiers de bonne foi lui impute tous les effets des actes accomplis en son nom (consid. 4.1). La communication de la procuration par le représenté au tiers peut être tacite. Il faut que l’attitude du représenté puisse être objectivement comprise comme la communication de pouvoirs au tiers mais il n’est pas nécessaire que le représenté ait conscience de faire une communication, pourvu qu’elle lui soit objectivement imputable en raison des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (consid. 4.3.1).

Selon la jurisprudence, le tiers peut également être protégé en cas de communication externe tacite des pouvoirs par tolérance (Duldung) ou en raison d’une apparence (Anschein). Il y a tolérance lorsque le représenté est au courant des actes du représentant, le laisse agir en tant que tel, ne faisant rien pour l’en empêcher, de sorte qu’il adresse ainsi au tiers une communication de pouvoirs. Il y a apparence, c’est-à-dire procuration externe apparente, lorsque le représenté n’avait pas connaissance qu’une personne agissait en son nom, mais qu’ayant porté l’existence de pouvoirs à la connaissance du tiers, il aurait pu et dû le savoir s’il avait fait preuve de l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui et qu’il aurait dû réagir (consid. 4.3.1).

En l’espèce, les conditions de l’art. 33 al. 3 CO sont remplies. En effet, la qualité de maître de l’ouvrage du représenté apparaissait sur de nombreux documents (une offre contractuelle, plusieurs avis et ordres de paiement et le contrat litigieux lui-même). Ainsi, le représenté ne peut rien déduire du fait qu’il n’a pas contresigné le contrat litigieux, dès lors que l’entrepreneur pouvait objectivement comprendre qu’une signature du représenté n’était pas nécessaire, puisqu’il était explicitement indiqué que le représentant agissait en tant que tel sur le contrat. Pour cette même raison, il ne peut rien tirer du fait et que les contacts directs et réciproques entre le représenté et le tiers ont été très limités. De plus, le représenté n’a pas réagi à plusieurs courriers contenant une facture dont il estime qu’elle lui a été adressée à tort, n’étant pas lié par le contrat d’entreprise litigieux. Dans ces circonstances, le représenté ne s’est pas montré suffisamment attentif au vu des circonstances. Ainsi, il faut retenir une communication de pouvoirs par le représenté, même si celle-ci n’a jamais été expresse (consid. 4.6).

Intégration Norme SIA 118 – Les parties qui n’évoquent la norme SIA 118 qu’au stade des plaidoiries finales ne l’allèguent que de manière tardive, de sorte qu’il ne peut en être tenu compte (consid. 5).

Dénonciation d’instance (art. 78 et 79 CPC) – Une partie peut dénoncer l’instance à un tiers lorsqu’elle estime, pour le cas où elle succomberait, qu’elle pourrait faire valoir des prétentions contre lui ou être l’objet de prétentions de sa part. Le tribunal n’a pas à vérifier le bien-fondé de la dénonciation. Si le dénoncé refuse d’intervenir ou ne donne pas suite à la dénonciation, le procès suit son cours (consid. 7.1).

En l’espèce, le représentant a choisi de ne pas participer au procès alors que les différentes écritures lui ont été transmises (en appel), de sorte qu’il n’est pas revenu sur le rejet implicite de la dénonciation intervenue en première instance. La dénonciation n’est au surplus pas admissible devant le Tribunal fédéral (consid. 7.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

Procédure

TF 4A_53/2022 du 30 août 2022

Convention collective de travail; assujettissement d’une société à une convention collective de travail; art. 1 et 7 LECCT

Extension du champ d’application d’une CCT (art. 1 et 7 LECCT) – Le Conseil fédéral a la faculté d’étendre le champ d’application d’une convention collective de travail à tous les employeurs et travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée par la convention, mais ne sont pas liés par celle-ci. Le but est d’éviter qu’une entreprise puisse obtenir un avantage concurrentiel en accordant à ses employés de moins bonnes conditions. Font partie de la même branche économique les entreprises qui se trouvent dans un rapport de concurrence direct avec celles qui sont parties à la convention, en ce sens qu’elles offrent des biens ou services de même nature. Pour savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession concernée et entre dans le champ d’application de la convention étendue, il faut déterminer concrètement l’activité généralement déployée par l’entreprise en cause. Est décisive l’activité généralement exercée par l’employeur en question, c’est-à-dire celle qui caractérise son entreprise (consid. 4.1.1).

En l’espèce, se pose la question de l’assujettissement à la convention collective de travail du second œuvre romand d’une société active dans l’agencement de vitrines de magasins. La Commission paritaire des métiers du bâtiment Second œuvre Genève, qui avait qualifié les travailleurs concernés de polydesigners 3D, avait nié un tel assujettissement. Au contraire, la Cour cantonale les a qualifiés de décorateurs et de peintres-décorateurs et a retenu que l’activité concernée susmentionnée était soumise à la CCT. Examiné sous l’angle de l’arbitraire, le TF rejette le recours, dès lors que la société ne conteste pas avoir procédé au démontage et à la pose de décors de vitrine et qu’il n’est pas contesté qu’une telle activité est soumise à la CCT. Le TF ajoute que la société n’a ni allégué ni démontré que le chantier litigieux ne serait pas représentatif de l’activité qu’elle déploie généralement, ce qui en fait bel et bien une concurrente directe des autres entreprises du second œuvre actives dans l’installation d’agencements de vitrines (consid. 4.5).

Convention collective de travail (CCT)

Convention collective de travail (CCT)

TF 5A_89/2021 du 29 août 2022

Propriété par étages; répartition des frais judiciaires dans une PPE; transaction judiciaire; motivation de l’appel; art. 311 CPC; 712h CCn; 18 CO

Obligation de motiver un appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3). En substance, la Cour cantonale n’a pas reproché à la recourante de ne pas avoir attaqué suffisamment le jugement de première instance, mais plutôt que l’acte d’appel n’était pas compréhensible, constatation que la recourante ne remet pas en cause de manière motivée auprès du Tribunal fédéral (consid. 3.4-3.5).

Répartition des frais judiciaires dans une PPE – Selon l’art. 712h CC, les propriétaires par étages doivent contribuer aux charges de la propriété commune et aux frais de l’administration commune en fonction de leur quote-part de valeur. Il s’agit d’une disposition de nature dispositive à laquelle les parties peuvent déroger. En l’espèce, dans le cadre d’une procédure judiciaire opposant la communauté des propriétaires d’étages d’une part et certains des propriétaires d’étages d’autre part, un accord transactionnel est signé, lequel prévoit une répartition des frais judiciaires par moitié. Par la suite, la communauté répartit entre tous les copropriétaires, y compris ceux qui étaient parties adverses à la procédure, les frais judiciaires qu’elle supporte à la suite de l’accord, suivant la règle de l’art. 712h.

Pour le TF, les parties ayant réglé les frais litigieux de manière autonome par transaction du 24 avril 2013, c’est à celle-ci qu’il convient de se référer et non simplement à la répartition ordinaire selon l’art. 712h CC (consid. 5.5 et 5.6).

Interprétation d’une transaction judiciaire (art. 18 CO) – Rappel des principes. Lorsque, comme en l’espèce, la convention a été négociée et signée par les parties et leurs représentants légaux, il faut admettre qu’ils ont utilisé les termes techniques employés dans leur sens juridiquement technique. En outre, l’objectif de mettre fin à un litige ne peut régulièrement être atteint que si toutes les questions liées au litige sont réglées. Cette préoccupation doit être prise en compte dans l’interprétation, de sorte que, si des questions étroitement liées aux divergences réglées de manière transactionnelle et dont la réponse s’impose pour résoudre le litige ne sont pas expressément réglées, on peut généralement considérer que les parties n’ont pas voulu les exclure de la transaction, à tout le moins en l’absence de réserve expresse (consid. 5.6.2). Ainsi, d’un point de vue objectif, on ne peut pas partir du principe qu’une partie qui, dans le cadre d’un règlement de litige, s’engage à payer la moitié des frais de justice et ses propres frais d’avocat, souhaite également participer proportionnellement aux frais de la partie adverse. La position défendue par la communauté des propriétaires d’étages apparaît ainsi de mauvaise foi, puisqu’elle tente en fin de compte d’imposer aux parties adverses une charge allant au-delà du règlement transactionnel et donc de leur propre concession antérieure, qui plus est en l’absence de toute réserve expresse sur ce point dans l’accord signé (consid. 5.6.3).

PPE

PPE

Procédure

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TF 4A_576/2021 du 26 août 2022

Contrat d'entreprise; travaux hors soumissions; contestation d'une expertise; hypothèque légale des artisans et entrepreneurs après division des parcelles; art. 798 et 833 CC; 363 ss CO; 45 Norme SIA 118; 52 CPC

Contestation d’une expertise et bonne foi en procédure (art. 52 CPC) – En attendant l’appel pour se prévaloir de manquements de l’expert judiciaire, le maître de l’ouvrage enfreint le principe de la bonne foi en procédure et les griefs formulés au stade de l’appel sont irrecevables (consid. 6.1 et 6.2).

Travaux hors soumission (art. 45 Norme SIA 118) – Les travaux consécutifs à un glissement de terrain constituent des travaux urgents pour prévenir un dommage au sens de l’art. 45 al. 2 Norme SIA 118. En l’espèce, ils ont été signalés au maître d’ouvrage qui n’a pas exigé leur interruption, de sorte que leur coût est dû (consid. 8.2.1).

Le maître, architecte de formation, qui a suivi le chantier et qui a eu connaissance des travaux exécutés et ne les a pas refusés, ne saurait refuser le paiement en invoquant que le contrat prévoyait que toute prestation hors contrat devait être précédée d’un devis adressé à la direction des travaux (consid. 9).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (modification de la demande, art. 227 et 230 CPC) – La parcelle sur laquelle le gage avait été inscrit à titre provisoire a été divisée en quatre en 2013. En 2019, l’entrepreneur a modifié sa demande en ce sens que l’hypothèque grève les parcelles 1, 2, 3 et 4 au prorata de leur surface respective. En gardant à l’esprit que les conclusions s’interprètent à la lumière de la motivation qui les sous-tend, le Tribunal fédéral confirme la solution cantonale selon laquelle la demande en inscription définitive est recevable à l’égard de la parcelle ayant conservé le numéro de la parcelle d’origine avant division et irrecevable à l’égard des trois parcelles nouvellement créées (consid. 10.1).

Répartition du gage après division parcellaire (art. 798 CC) – Le Tribunal fédéral confirme également la répartition schématique de l’hypothèque à parts égales sur les quatre parcelles, opérée par l’instance précédente. En effet, bien que l’hypothèque doive en principe être demandée sous la forme de droits de gage partiels, grevant chaque immeuble pour la partie de créance relative à celui-ci (art. 798 al. 2 CC), la situation est autre lorsque les travaux ont été effectués sur un seul fonds qui a été divisé postérieurement. On distingue alors deux hypothèses : soit la division est suivie de l’aliénation d’une (ou plusieurs) des parcelles nouvellement créées, auquel cas la garantie est répartie proportionnellement à la valeur estimative des divers immeubles (art. 833 al. 1 CC), soit les biens-fonds issus de la division restent en mains du même propriétaire, et le gage est alors reporté en son entier sur tous les nouveaux immeubles en tant que gage collectif (consid. 10.2).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Normes SIA

Normes SIA

Expertise

Expertise

Procédure

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TF 4A_296/2022 du 22 août 2022

Contrat d’entreprise et de vente; recevabilité du recours au Tribunal fédéral; art. 42, 105, 106 LTF; 18 CO

Recevabilité du recours au TF – Motivation du recours au Tribunal fédéral (art. 42 al. 2, 105 et 106 al. 2 LTF), rappel des principes (consid. 2.1-2.2). Il est indispensable que le recours aborde la motivation de la décision attaquée et démontre en détail en quoi consiste une violation du droit. Dans l’acte de recours, la partie recourante ne doit pas se contenter de réaffirmer les positions juridiques qu’elle a adoptées dans la procédure de première instance, mais elle doit commencer sa critique par les considérants de l’instance précédente qu’elle considère comme erronés en droit (consid. 2.1).

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.2). En l’espèce, le contrat contenait un prix forfaitaire et la mention « TVA de 7,7% incluse ». Après avoir payé le prix forfaitaire, la demanderesse constate que la TVA n’était pas due et réclame le remboursement du montant qu’elle a prétendument payé pour la TVA. L’instance précédente a interprété le contrat selon son libellé, sa genèse (en tenant compte d’un contrat de réservation conclu antérieurement) et en tenant compte du comportement ultérieur des parties ainsi que du but du contrat et des intérêts des parties. Elle a finalement retenu que le prix forfaitaire était dû, indépendamment de la composition exacte de ce montant, des taxes et impôts que la défenderesse devait payer sur ce montant et de l’assujettissement ou non de l’acte juridique à la TVA (consid. 3.1-3.3). Dans son recours au TF, la demanderesse s’est contentée d’une motivation appellatoire, sans expliquer en quoi la décision de l’autorité précédente violait le droit fédéral, de sorte que le recours est irrecevable (consid. 3.4-5).

Procédure

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Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_182/2022 du 10 août 2022

Servitude; contenu d’une servitude, action en rectification du registre foncier; art. 8, 738, 975 CC; 9 Cst.

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1). Action en rectification du registre foncier (art. 975 CC) – Rappel des principes (consid. 3.2).

Caractère recevable d’une conclusion – Une conclusion renvoyant pour le tracé d’une servitude à une pièce est claire, quand bien même le détenteur de la servitude a parfois indiqué souhaiter qu’elle s’exerce selon le tracé provisoire existant (consid. 5).

Fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.2).

Constatation manifestement arbitraire des faits (art. 9 Cst.) – En l’espèce, les explications essentiellement appellatoires du détenteur du fonds servant ne suffisent pas à remettre en cause la constatation de la cour cantonale selon laquelle, en l’absence de la mention d’un mur, il n’était pas possible, à la lecture du plan litigieux, de comprendre que le tracé de la route empiète sur un ouvrage de soutènement et nécessite ainsi le déplacement de celui-ci (consid. 7.1.2).

Servitude

Servitude

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TF 4A_429/2021 du 27 juillet 2022

Contrat d’architecte; montant des honoraires; contrat avec soi-même; art. 18 et 718b CO

Interprétation de la volonté commune et réelle des parties (art. 18 CO) – La demande de l’architecte, dont les honoraires avaient été fixés à un montant forfaitaire de CHF 85’000.- dans le devis initial, et qui en demande CHF 196’848.- dans sa facture finale, est rejetée. Une série d’indices de la volonté réelle des parties parle en ce sens : a) un devis initial, annexé au seul document signé, mentionnait le montant de CHF 85’000.- ; b) l’ingénieur a été rémunéré de manière forfaitaire de la même manière ; c) le crédit de construction a été bouclé en 2012 pour un montant qui n’aurait pas permis de financer la facture finale de l’architecte ; d) entre professionnels de l’immobilier, une telle hausse des honoraires n’est pas crédible ; e) les honoraires initiaux représentaient 9,4% de la facture finale alors qu’ils passeraient à 17% sans raison objective, ce qui semble hors proportion avec l’augmentation des coûts des travaux ; f) les bons de paiement transmis à la banque au cours des travaux se rapprochaient du montant du devis et on ne trouve plus trace d’une prétendue seconde version dans les archives de la banque.

Contrat avec soi-même (art. 718b CO) – L’augmentation des honoraires revendiquée par l’architecte aurait dû revêtir la forme écrite, dans la mesure où l’architecte était alors en situation de passer un contrat avec lui-même, ce qui n’a pas été fait. Pour cette raison, sa demande doit également être rejetée, ce que l’architecte n’a pas critiqué dans son recours.

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 4A_411/2021 du 27 juillet 2022

Contrat de courtage; conclusion du contrat par actes concluants; représentation; art. 32, 33, 38 et 412 C0

Forme et conclusion d’un contrat de courtage – Sauf convention spéciale, la conclusion d’un contrat de courtage n’est soumise à aucune exigence de forme. Elle peut résulter de déclarations expresses des parties ou d’actes concluants. La question de savoir si un contrat de courtage a été valablement conclu par actes concluants dépend des circonstances, dont on doit pouvoir déduire que les parties se sont accordées sur les essentialia de ce contrat, en particulier sur le fait que le mandant s’est engagé envers le courtier à lui verser un salaire. Une retenue est de mise lorsqu’il s’agit d’admettre la conclusion d’un tel contrat par actes concluants. Le seul fait de laisser agir le courtier ne conduit pas nécessairement à admettre la conclusion d’un contrat par actes concluants. Il faut que le mandant tolère sciemment l’activité du courtier, sans s’y opposer, ou bien qu’il l’accepte tacitement par une autre forme. Il faut aussi que l’activité du courtier, par sa durée ou par son importance, soit suffisamment nette et caractérisée pour que l’absence d’opposition puisse être interprétée comme une volonté de conclure un contrat de courtage. L’interprétation de la volonté des parties se fait selon les principes généraux (consid. 5.1).

En l’occurrence, l’envoi d’un contrat écrit peu avant la vente constitue un indice que le contrat n’a pas été conclu par actes concluants auparavant (consid. 5.2). Il en est de même du fait que le courtier et la venderesse n’avaient jamais eu de contact direct avant le jour de la stipulation de la vente (consid. 5.3).

Représentation (art. 32 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1).

Le courtier qui, pendant les dix mois de négociation, n’a jamais contacté la réelle propriétaire, ni pour clarifier la position d’une société servant d’intermédiaire, ni pour s’assurer pour elle-même un contrat de courtage, tout en admettant ne pas connaître la relation exacte entre la propriétaire et l’intermédiaire, ne peut en déduire que cet intermédiaire agit en tant que représentant, ayant la faculté de conclure un contrat de courtage au nom de la propriétaire, qui plus est lorsque l’intermédiaire n’a jamais manifesté la volonté de conclure un tel contrat (consid. 6.2 et 6.3.1).

En outre, la société servant d’intermédiaire n’ayant pas manifesté vouloir conclure un contrat de courtage entre la venderesse et la demanderesse, la question de l’application des art. 33 et 38 CO ne se pose tout simplement pas (consid. 6.3.2-6.3.4).

Administration anticipée des preuves – Dans le contexte susmentionné, l’instance précédente pouvait refuser le témoignage des représentants de l’acheteuse et du notaire censés apporter la preuve de l’existence d’un contrat oral (consid. 7).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Procédure

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TF 2D_8/2021 du 07 juillet 2022

Marchés publics; interdiction de la sous-traitance; publication des sanctions administratives; droit d’être entendu; publication prévue; art. 13, 27, 29 al. 2 et 36 Cst.

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) – La simple violation d’une exigence prévue dans l’avis de marché suffit pour permettre au pouvoir adjudicateur de prendre les sanctions administratives prévues par la loi. Les juridictions cantonales pouvaient ainsi, sans violer le droit d’être entendu de l’adjudicataire, renoncer à procéder à des investigations complémentaires sur les prétendus retards d’autres artisans (consid. 2.3), renoncer à examiner si le fait de recourir à une entreprise non autorisée pour l’élimination des déchets de chantier contenant de l’amiante avait effectivement mis en danger les travailleurs sur le chantier ou encore renoncer à donner à l’adjudicataire l’occasion de prouver que le démontage des fenêtres et leur stockage dans des seaux avaient été effectués selon les règles de l’art (consid. 2.4).

Gravité de la violation d’une règle de l’appel d’offre – En droit des marchés publics, s’agissant de la violation d’interdiction de la sous-traitance, ce n’est pas tant l’éventuelle acceptation tacite par le représentant du maître de l’ouvrage de la présence de travailleurs d’entreprises tierces sur le chantier ou une éventuelle autorisation a posteriori qui est déterminante, mais plutôt le non-respect des obligations d’annonce formelle, à la lumière des principes d'égalité de traitement de tous les soumissionnaires et de concurrence effective et loyale, ainsi que de la nécessité impérative d’assurer le respect par tous les soumissionnaires, y compris les sous-traitants, des règles de protection sociale et du travail. Cette omission, en plus de fausser le marché et de mettre en péril le contrôle de la qualité de l’exécution des travaux, n’a pas permis au pouvoir adjudicateur d'effectuer les vérifications nécessaires sur le respect par le sous-traitant des obligations légales et des documents d'appel d'offres, doit donc être considérée comme une violation grave (consid. 3.4).

Sanction violant la liberté économique (art. 27 et 36 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2). La publication d’une sanction dans la Feuille officielle et sur le site internet de l’Office des travaux et marchés subventionnés ne viole pas la liberté économique. La publication d’une sanction peut avoir un effet dissuasif et préventif général, qui est parfois même plus fort que la sanction elle-même, dans la mesure où, comme en l’espèce, elle informe les mandants et les concurrents, et le public en général, des comportements répréhensibles de certains concurrents qui resteraient autrement inconnus (consid. 4).

Sanction violant la protection de la sphère privée (art. 13 et 36 Cst.) – Protection de la sphère privée, rappel des principes (consid. 5.2) ; la divulgation d’une sanction par le biais de la Feuille officielle et d’un site Internet entraîne une ingérence dans la garantie de protection de la sphère privée de l’adjudicataire, pour laquelle il convient donc d’examiner si les conditions de l’article 36 Cst. sont réunies (consid. 5.3.1). La publication des sanctions en matière de marchés publics repose sur une base légale formelle au Tessin et répond à un intérêt public (consid. 5.3.2).

S’agissant de la proportionnalité de la sanction, le Tribunal fédéral retient que la publication sur un site Internet est limitée à la période pendant laquelle l’exclusion de l’adjudicataire des marchés publics cantonaux est effective. Toutefois, la situation est très différente pour la publication dans la Feuille officielle. Bien que la durée de l’exclusion y soit également indiquée, la Feuille officielle reste disponible dans les archives sur le site du canton du Tessin et peut être librement consultée par toute personne, même plusieurs années plus tard, notamment suite à sa récente numérisation complète et à son inclusion dans la plateforme centrale gérée par la Confédération (www.amtsblattportal.ch). Dans ces conditions, il faut retenir qu’il existe un risque réel que les inconvénients et les conséquences irréparables de la publication aillent bien au-delà de l’absence de prise en compte de l’entreprise dans le cadre d’un marché public. Le risque réputationnel est alors encore plus élevé si l’on considère que faire connaître l’exclusion est non seulement nécessaire pour les donneurs d’ordre et les autorités de surveillance et de contrôle, mais aussi pour les soumissionnaires eux-mêmes pour leur évaluation préalable en matière de consortiums et de sous-traitance. Par conséquent, les intérêts de l’adjudicataire quant à la protection de sa réputation l’emportent sur l’intérêt poursuivi par la publication de la sanction dans la Feuille officielle, de sorte que celle-ci n’est pas proportionnelle et doit être annulée (consid. 5.3.3 et 5.3.5).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

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Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_188/2022 du 04 juillet 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; recevabilité du recours au Tribunal fédéral; maxime des débats; art. 55 CPC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 2.1).

Arbitraire (art. 9 Cst.) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Lorsque le Tribunal cantonal rejette une inscription provisoire d’une hypothèque légale au motif que la recourante n’a pas suffisamment étayé la nature et la durée des travaux (consid. 3.1), cette dernière ne peut pas se contenter d’attaquer cette décision auprès du Tribunal fédéral en affirmant avoir rempli sa charge de l’allégation, en indiquant que l’autorité précédente a pu répondre, dans les faits de la décision attaquée, aux questions « quand, quoi et où » concernant les travaux litigieux (consid. 3.2). Il lui incombe au contraire de démontrer en détail dans quelle mesure elle s’est acquittée de son obligation d’allégation et de motivation, c’est-à-dire qu’elle n’a pas exposé ses arguments de manière vague ou contradictoire, mais de manière suffisamment complète et claire, en les décomposant en faits individuels, pour qu’il soit possible d’en administrer la preuve et d’apporter la preuve contraire (consid. 3.3). En l’absence d’une telle motivation, le recours au Tribunal fédéral est irrecevable (consid. 3.3-5).

Procédure

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_377/2021 du 29 juin 2022

Contrat d’entreprise; travaux en régie; maxime des débats; exigibilité du prix; art. 363 C0; 55 CPC; 155 ss et 164 Norme SIA

Maximes des débats (art. 55 CPC) – Charge de l’allégation et de la contestation ; renvoi à une pièce : Rappel des principes (consid. 3).

La partie qui produit des certificats de métrés, qui contiennent les indications détaillées concernant les différents postes de la créance, ainsi que les plans des différents étages et y renvoie dans son mémoire accomplit sa charge de l’allégation avec satisfaction ; le renvoi aux annexes semble même judicieux dans de telles circonstances, dans l’intérêt de la lisibilité de l’acte (consid. 4.3.1 et 4.3.2).

Dans un tel cas, il n’est pas critiquable que l’instance précédente soit partie d’un état de fait établi et n’ait pas administré de preuves en ce qui concerne les créances que la recourante n’a contestées que de manière globale (consid. 4.3.3). Il en est de même des calculs et de la traçabilité des prétentions de la recourante : la simple contestation en bloc affirmant que ces calculs sont incompréhensibles est insuffisante (consid. 4.3.4).

Principes applicables aux travaux en régie – Les travaux en régie sont des travaux qui sont rémunérés en fonction du temps qui leur est consacré et qui ne sont pas couverts par un prix forfaitaire ou une rémunération selon le métré ou les prix unitaires. Nonobstant cela, ils font partie du contrat d’entreprise et sont donc couverts par l’obligation fondamentale de rémunération (art. 363 CO). Selon les usages de la branche, l’entrepreneur établit pour les différents travaux en régie des rapports temporels qu’il soumet au maître d’ouvrage pour contre-signature et qui, une fois contresignés, constituent une présomption de fait pour les dépenses qui y sont mentionnées. Toutefois, le rapport de régie non signé ne supprime pas l’obligation de rémunération du mandant, mais alourdit exclusivement le fardeau de la preuve de l’entrepreneur. Dans le cas contraire, l’obligation de rémunération pour les travaux en régie en tant que telle serait laissée à l’arbitraire du maître, selon qu’il est prêt ou non à signer les rapports. Une clause contractuelle qui prévoirait un tel mécanisme devrait par conséquent être considérée comme contraire aux mœurs et donc nulle (art. 19-20 CO) (consid. 5.1).

Forme des rapports de régie – Lorsque le contrat d’entreprise réserve la forme écrite pour le travail en régie mais que, contrairement à ce que prévoyait le contrat, ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une commande écrite et que le maître ou son représentant a néanmoins signé la plupart des rapports presque sans réserve, il faut retenir que le maître a renoncé implicitement au respect de la forme écrite, qui plus est lorsqu’il n’existe aucun indice d’une volonté de sa part de maintenir la réserve de la forme écrite (consid. 5.3 et 6.4).

Présomption d’exactitude des rapports de régie – Lorsqu’un rapport de régie est signé par le maître, il existe une présomption naturelle concernant l’exactitude du contenu du rapport, dès lors qu’il lui incombe d’en vérifier l’exactitude lors de leur signature. Le maître ne peut plus remettre en question la nécessité de faire intervenir un spécialiste (plâtrier, etc.), lorsqu’il a signé sans réserve le rapport de régie pour son intervention. La même présomption existe également, lorsque des rapports de régie sont remis au maître tardivement, après le délai prévu par le contrat, mais que celui-ci ratifie les travaux en régie en apposant sa signature. Sous l’angle du fardeau de l’allégation, un exposé dans les grandes lignes des travaux en régie suffit, à tout le moins jusqu’au renversement de la présomption d’exactitude des rapports de régie (consid. 6.2 et 6.4).

En outre, la présomption d’exactitude existe également pour des rapports que le maître n’a pas signé mais qu’il a payé et mentionné dans son propre décompte final ; il faut alors admettre qu’il les a reconnus a posteriori (consid. 6.3.1 et 6.4). En outre, de simples réserves rédigées sur les rapports de régie ne suffisent pas non plus à elles seules à remettre en question la présomption d’exactitude des rapports qui ont été signés, à tout le moins quant au principe de l’exécution des travaux mentionnés dans ces rapports. Il faudrait au minimum que le maître donne des explications étayées sur les réserves figurant dans les rapports (consid. 6.3.2 et 6.4).

Exigibilité du solde du prix de l’ouvrage – Lorsque la norme SIA s’applique et que le maître renonce avec effet immédiat à l’exécution de la fin des travaux et les fait terminer par des tiers, cela entraîne le déclenchement du délai d’un mois pour demander l’examen commun de l’ouvrage (art. 158 al. 2 Norme SIA) et, faute d’un tel examen, la réception et l’acceptation de l’ouvrage (art. 164 al. 1 Norme SIA). En outre, après l’expiration du délai de garantie de deux ans, le maître ne peut plus se prévaloir de l’absence de garantie bancaire ou d’assurance pour faire obstacle à l’exigibilité du solde de la créance. Il en est de même de son refus de signer le décompte final (consid. 7).

Analyse de Jean-Rodolphe Fiechter

Comment prouver ou contester correctement le prix de l’ouvrage

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

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TF 5A_1043/2021 du 27 juin 2022

Servitude; libération judiciaire; art. 736-738 CC

Libération judiciaire pour perte d’intérêt (art. 736 CC) – Rappel des principes. La première condition d’application de l’article 736 CC est, selon le texte impératif de cette disposition, que des faits nouveaux soient survenus depuis que les parties impliquées dans la constitution de la servitude ont établi les droits et obligations réciproques des propriétaires du fonds dominant et du fonds servant. La perte de l’intérêt au sens de l’art. 736 al. 1 CC s’apprécie en fonction du principe de l’identité de la servitude. Selon ce principe, une servitude ne peut pas être maintenue dans un autre but que celui pour lequel elle a été constituée. La possibilité purement théorique d’une modification future des circonstances ne suffit pas à justifier le maintien de la servitude. Si le propriétaire du fonds grevé veut faire radier la servitude en justice sur la base de l’art. 736 al. 1 CC, il doit démontrer que la servitude a perdu toute utilité pour le fonds dominant (consid. 3.1).

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes. Pour déterminer le contenu et l’étendue d’une servitude, l’art. 738 CC établit un ordre progressif. Le point de départ est l’inscription au registre foncier. Ce n’est que si le texte de l’inscription au registre foncier n’est pas clair qu’il est possible de recourir à la cause de l’acquisition dans le cadre de cette inscription (art. 738 al. 2 CC), c’est-à-dire à l’acte constitutif qui est conservé comme pièce justificative au bureau du registre foncier (art. 948 al. 2 CC). Les règles générales d’interprétation des contrats du droit des obligations s’appliquent en principe (art. 18 CO). Ces principes généraux d’interprétation s’appliquent sans réserve entre les parties contractantes initiales, mais dans les relations avec les tiers, ils ne s’appliquent qu’avec une restriction découlant de la foi publique du registre foncier (art. 973 CC), dont fait également partie le contrat de servitude. En effet, dans la mesure où les droits et obligations de tiers sont en cause, l’interprétation du titre d’acquisition est donc liée aux limites qui découlent de l’inscription, car le tiers de bonne foi est protégé dans sa confiance en l’exactitude de l’inscription. Dans le cadre de cette interprétation, le but de la servitude, lequel dépend des besoins du fonds dominant, revêt une importance déterminante (consid. 3.2).

En l’espèce, pour les tiers qui n’ont pas participé à la conclusion du contrat – c’est le cas des parties à la présente procédure – seul le but mentionné dans le contrat pour la constitution des servitudes, à savoir l’anticipation de l’adoption d’un nouveau plan d’affectation et l’obtention de la constructibilité des terrains peu de temps avant ce changement, en échange de l’assurance que les nouvelles constructions respecteraient la nouvelle planification, est déterminant. Par conséquent, des années après l’entrée en vigueur de la planification concernée, la servitude a perdu son intérêt et les parties recourantes ne prétendent pas que cet intérêt fût ravivé en raison de faits nouveaux, de sorte que le recours est rejeté (consid. 4 et 5).

Servitude

Servitude

TF 4A_494/2020 du 24 juin 2022

Contrat d’entreprise; maxime des débats; expertise judiciaire fondée sur des expertises privées; droit au remboursement des frais de réparation des défauts; art. 55, 150, 189 CPC; 169 Norme SIA

Maxime des débats (art. 55 et 150 CPC) – Charge de l’allégation, rappel des principes (consid. 4-4.2). Charge de la contestation, rappel des principes (4.3). Charge de l’allégation délimitant l’objet de la preuve (consid. 4.4).

Lorsque l’établissement d’allégations concluantes est rendu difficile par le fait que seule la partie adverse connaît les informations nécessaires à cet effet ou encore qu’il faudrait pour cela disposer de connaissances spécialisées dont la partie chargée de l’allégation ne dispose pas, des indications détaillées ne peuvent être attendues qu’à l’issue de la procédure probatoire ou après la communication de renseignements par la partie adverse (cf. art. 85 al. 2 CPC). La procédure probatoire ne sert certes pas à remplacer ou à compléter des allégations manquantes, mais les présuppose au contraire. On ne peut cependant pas raisonnablement exiger de la partie mise en cause qu’elle expose dans les moindres détails les aspects techniques pertinents pour la décision, avant la mise en œuvre d’une procédure probatoire, car cela rendrait de facto impossible la mise en œuvre judiciaire des prétentions. Il incombe alors à la partie de démontrer en quoi elle ne dispose pas des connaissances techniques nécessaires pour formuler des allégations ou des contestations suffisamment étayées (consid. 4.5).

Ces exigences de substance s’appliquent également à la condition de la responsabilité contractuelle du dommage. Le demandeur doit exposer quels coûts ont été engagés pour quels travaux. Une répartition des coûts entre les différents « défauts » au sens juridique du terme n’est pas exigée. Il n’est pas rare qu’un dommage soit dû à plusieurs causes. Les difficultés techniques et pratiques liées à l’évolution multicausale du sinistre lors de l’attribution des coûts aux différents défauts ne doivent pas conduire à rendre impossible la mise en œuvre d’une prétention matérielle en raison de la charge de l’allégation. Si le tribunal arrive à la conclusion qu’il n’existe que quelques-uns des défauts dénoncés, il doit en principe fixer, selon son appréciation et sur la base des preuves acceptées, la part des défauts allégués par rapport au dommage total revendiqué (consid. 4.6).

En l’espèce, l’instance inférieure a posé des exigences trop strictes, notamment en reprochant à la recourante de pas avoir anticipé le résultat de l’administration des preuves ; elle n’a toutefois pas violé pas le droit, puisqu’elle n’a pas considéré à tort que certaines allégations concrètes n’étaient pas suffisamment étayées (consid. 5). Lorsque comme en l’espèce les réparations portent sur des travaux différents, clairement distincts les uns des autres, il n’est pas contestable que l’instance inférieure ait exigé d’exposer de manière circonstanciée pourquoi un défaut déterminé (ou l’interaction de plusieurs défauts) rende nécessaires les travaux de réparation facturés. Si des connaissances spécialisées sont nécessaires à cet effet, il faudrait au moins les exposer et proposer une expertise correspondante (consid. 6 et 7).

Expertise arbitrale ou expertise privée – Lorsqu’un expert technique résume ses conclusions et qu’une discussion aboutit à la reconnaissance par les parties des défauts décrits dans l’expertise, cela ne signifie pas encore que les parties reconnaissent le caractère obligatoire des expertises ultérieures, même lorsque l’expert technique continue d’exercer son mandat. Pour lier les parties, il eût fallu une reconnaissance également pour les autres expertises ultérieures ou un engagement clair de se lier aux futures expertises au sens de l’art. 189 CPC (consid. 5.1.3).

Preuve des défauts – Le fait que les mêmes travaux défectueux, reconnus pour quelques balcons et salles d’eau, aient été systématiquement exécutés sur tous les balcons et salles d’eau incriminés est contesté. A l’appui de sa prétention, le maître d'ouvrage a produit quatre rapports d’expert privés, une documentation photographique et un constat officiel et a requis une expertise judiciaire, laquelle aurait dû se fonder sur la documentation précitée, les travaux de réfection ayant été réalisés au moment de la procédure (consid. 5.2-5.3.1).

Expertise judiciaire fondée sur des expertises privées – L’expertise judiciaire fondée sur des expertises privées doit permettre de faire vérifier les résultats de l’expertise privée par un expert indépendant. L’acceptation d’un moyen de preuve ne peut pas être refusée parce qu’il n’est pas certain qu’il puisse apporter la preuve recherchée. Afin toutefois que l’administration des preuves ne se transforme pas en « fishing expedition », il faut exiger des parties qu’elles expliquent, lorsque cela n’est pas évident, pourquoi on peut s’attendre avec une certaine probabilité à un résultat probant d’un moyen de preuve proposé. En général, cela ne nécessite pas d’explication particulière, lorsque l’expert peut procéder aux mêmes examens que l’expert privé. Des indications à ce sujet sont toutefois nécessaires lorsque l’état de fait a considérablement changé entre-temps. Le fait qu’un expert puisse éventuellement juger si les hypothèses de l’expert privé apparaissent conciliables avec la documentation photographique n’est pas suffisant à cet égard. Il faudrait en outre qu’il soit possible d’exclure, avec une certaine probabilité, sur la base des documents disponibles, des causes alternatives qui n’auraient éventuellement pas été examinées par l’expert privé. A cet égard, il n’est pas acceptable de conférer de facto une valeur probante à une expertise privée en rendant impossible un contrôle indépendant par la réalisation de l’assainissement et en faisant de l’expertise privée ou du témoignage de l’expert privé la base essentielle d’une expertise judiciaire, sans que les faits sur lesquels porte l’expertise privée puissent être vérifiés par l’expert. Les témoignages proposés des personnes chargées de l’assainissement ne permettent pas de combler cette lacune, car ces personnes ne sont pas indépendantes. Le témoignage de l’expert mandaté pour la réfection ne peut apporter la preuve que dans des cas où, en raison de l’urgence, une conservation des preuves est impensable et où la preuve ne peut être apportée que sur la base de son témoignage, notamment lorsqu’un état de danger imminent exige une élimination immédiate du danger (consid. 5.3.2 et 5.3.3).

Droit au remboursement des frais de réparation des défauts (art. 169 Norme SIA) – La partie qui indique à l’entrepreneur qu’elle reviendra vers elle pour le concept de la réfection des défauts et pour le calendrier des travaux y relatifs ne peut pas se plaindre de l’inaction de l’entrepreneur et nier sa capacité d’exécuter les réparations pour cette raison, alors qu’il reste dans l’attente de ces informations (consid. 5.4.2). En outre, le remboursement des frais de réparation des défauts par des tiers ne peut être exigé que si l’entrepreneur n’a pas remédié aux défauts dans un délai raisonnable (consid. 5.4).

Analyse de François Bohnet

Les pièges de l’expertise privée en droit de la construction

Contrat d'entreprise

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Expertise

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Normes SIA

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Procédure

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TF 4A_424/2021 du 23 juin 2022

Contrat de vente; forme authentique; abus de droit; art. 216 al. 2 CO; 2 al. 2 CC

Forme authentique – La forme authentique est une condition de validité de la promesse de vente immobilière (et du pacte d’emption, entre autres ; art. 216 al. 2 CO). Le législateur veut préserver les parties de décisions hâtives, leur garantir des conseils professionnels et s’assurer qu’elles comprennent la portée de leurs engagements, favoriser l’expression claire et complète de leur volonté et, en fin de compte, fournir une base sûre pour l’inscription au registre foncier. S’il ne revêt pas cette forme, l’accord est en principe entaché de nullité absolue, que le juge doit constater d’office (consid. 4.4.1).

Abus de droit (rappel des principes) – Dans certaines circonstances, le Tribunal fédéral relativise les conséquences du vice de forme en s’appuyant sur l’interdiction de l’abus de droit. La clause générale de l’art. 2 al. 2 CC peut exceptionnellement tenir en échec la nullité pour vice de forme, auquel cas le contrat est traité comme s’il était valable. Ce moyen n’est retenu qu’avec réserve, en présence d’un abus manifeste. Les circonstances d’espèce sont décisives. Toutefois, il est généralement jugé abusif de se prévaloir du vice de forme après que le contrat a été exécuté pour l’essentiel, volontairement et en connaissance du vice. En revanche, l’abus de droit est a priori écarté quand la partie a agi en ignorant le vice de forme, n’a pas encore accompli les prestations convenues ou, du moins, ne les a pas accomplies pour l’essentiel. En ce cas-ci, elle ne peut être contrainte à s’exécuter, mais s’expose à devoir réparer le dommage causé par le vice de forme. Cela dit, la jurisprudence se veut avant tout pragmatique. Aussi n’exclut-elle pas de retenir un abus de droit malgré l’inexécution du contrat et d’ordonner la mise en œuvre de celui-ci. L’abus de droit peut se nicher dans l’adoption d’une attitude contradictoire, en particulier lorsqu’elle suscite des attentes légitimes qui sont ensuite trahies. Il peut aussi consister à détourner une institution juridique de son but, pour servir des intérêts qu’elle n’a pas vocation à protéger. Lorsque l’invalidité aboutit à des effets contraires ou inappropriés à la finalité recherchée par la règle de forme, voire absurdes, l’abus doit être retenu. Le tribunal fédéral concède une jurisprudence contradictoire en ce sens qu’il a parfois renoncé à exiger un intérêt digne de protection pour dénoncer un vice de forme, au motif que le justiciable doit pouvoir se délier d’un contrat dont il juge l’exécution contraire à ses intérêts alors que d’autres arrêts enseignent qu’il peut être abusif d’invoquer un vice de forme pour tirer parti d’un accroissement de la valeur immobilière aux dépens du cocontractant, ou pour se soustraire à des obligations de garantie (consid. 4.1.2).

En l’espèce, la promesse de vente et pacte d’emption était contenue dans un contrat de bail écrit. Les parties étaient conscientes du vice de forme et aucun acte d’exécution n’a été entrepris en vue du transfert immobilier, l’éventuelle venderesse refusant même à plusieurs reprises des projets en ce sens. Les négociations quant au prix de vente se sont en outre poursuivies à plusieurs reprises après la conclusion du bail. En présence d’un litige successoral connexe, l’éventuelle venderesse n’a pas utilisé la règle de forme pour servir des intérêts contraires à celle-ci (consid. 4.2 et 5.3). Le fait que le contrat de bail a été exécuté pendant neuf ans n’est pas pertinent (consid. 5.2) ; le bail avait en outre été cédé plus tard avec une mention précisant que la clause contenant la promesse de vente ne serait valable que si elle faisait l’objet d’un acte notarié (consid. 5.3). Par conséquent, l’autorité précédente n’a pas violé le droit fédéral en retenant que les circonstances exceptionnelles d’un abus de droit faisaient défaut.

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 5A_280/2021 du 17 juin 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; degré de la preuve et maxime des débats; art. 837 ss et 961 al. 3 CC; 55 CPC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 2).

Caractère vraisemblable de la légitimité de l’artisan – Le tribunal autorise l’annotation de l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs après que le demandeur a rendu sa légitimité vraisemblable. La vraisemblance exigée par l’art. 961 al. 3 CC est soumise à des exigences moins strictes que celles qui correspondent habituellement à ce degré de preuve. En raison des intérêts particuliers en jeu, l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs ne peut être refusée que si l’existence du droit de gage apparaît comme exclue ou hautement improbable ; en cas de doute, lorsque la situation juridique est peu claire ou incertaine, l’inscription provisoire doit être autorisée et la décision laissée au juge ordinaire (consid. 3.1). Maxime des débats – Rappel des principes (consid. 3.1).

En l’espèce, la recourante n’a pas expliqué en quoi consistait l’unité fonctionnelle du contrat d’entreprise initial et un avenant sur lesquels elle se fonde pour le calcul du délai pour l’inscription de l’hypothèque légale et qui a donné lieu à la construction d’un balcon postérieurement. Pour le surplus, le Tribunal fédéral retient également que la créance que tente de faire valoir la recourante n’a pas été suffisamment alléguée, en tant qu’elle s’est contentée d’un renvoi à des factures qui ne sont pas explicites (consid. 3.4.2).

Articulation entre le degré de la preuve et la maxime des débats – Les exigences relatives à la vraisemblance au sens de l’art. 961 al. 3 CC et les exigences relatives à l’allégation et à la matérialisation des faits ne doivent pas être assimilées. Ces dernières ne sont pas réduites en procédure sommaire. La mesure de la preuve est une règle qui s’adresse en premier lieu au tribunal. C’est le critère selon lequel le tribunal évalue si un fait juridiquement pertinent doit être considéré comme vrai sur la base des moyens de preuve offerts à cet effet. Même s’il se contente d’une simple vraisemblance, le tribunal doit d’abord pouvoir se procurer la certitude des faits sur lesquels il doit administrer des preuves. C’est aux parties qu’il incombe de mettre le tribunal dans cette situation, en tout cas sous l’empire de la maxime des débats. En alléguant les faits et en les rendant plus substantiels, elles ont en main la possibilité de faire considérer un fait déterminé comme litigieux et d’en faire ainsi l’objet de la preuve (art. 150 CPC). Si une partie ne parvient pas à étayer suffisamment un fait contesté, il n’est pas nécessaire d’administrer des preuves, car dans ce cas, les faits allégués par la partie adverse doivent être considérés comme admis (consid. 3.4.3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

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ACJC/804/2022 du 14 juin 2022

Contrat d’entreprise; prescription; défauts; art. 371 et 377 CO

Prescription des droits liés aux défauts de l’ouvrage (art. 371 CO) – Les droits du maître en raison des défauts d’un ouvrage immobilier envers l’entrepreneur et envers l’architecte ou l’ingénieur qui ont collaboré à l’exécution de l’ouvrage se prescrivent par cinq ans à compter de la réception de l’ouvrage. L’extension du champ d’application de la prescription aux prétentions contre les architectes et les ingénieurs vise à mettre ces derniers sur le même plan que l’entrepreneur. La notion d’architecte et celle d’ingénieur doivent être interprétées largement, indépendamment du titre. Quant à la qualification du contrat liant le maître à l’architecte et/ou l’ingénieur, elle est sans importance à ce stade, étant rappelé que la disposition vise expressément la contribution sans distinction des services rendus (consid. 2.1).

Dies a quo (art. 371 al. 2 en lien avec 377 CO) – Le délai de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir au moment de la livraison de la partie de la construction immobilière concernée par le plan défectueux, indépendamment de la connaissance par le maître de l’existence d’une malfaçon. Les droits à la garantie de l’intéressé peuvent donc être prescrits avant qu’il ne découvre un défaut, y compris lorsque celui-ci procède d’une autre altération. Le dies a quo de ce délai est toutefois modifié, lorsque le maître résilie le contrat de manière anticipée au sens de l’art. 377 CO. Les relations contractuelles entre les parties prennent alors fin ex nunc. Dans cette hypothèse, l’ouvrage inachevé doit être assimilé à un ouvrage complet, notamment en ce qui concerne les droits découlant de la garantie. Par conséquent, le délai de prescription de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir dès le moment de l’entrée en vigueur de la résiliation ou dès le transfert matériel de l’ouvrage inachevé au maître (consid. 2.1).

Pluralité d’entrepreneurs vs. Entrepreneur et ingénieur/architecte responsable – Lorsque plusieurs entrepreneurs travaillent sur la base de contrats séparés (co-entrepreneurs), la prescription commence à courir dès la réception de chaque portion d’ouvrage, ce qui a également des effets sur la prescription des créances à l’encontre de l’ingénieur ou de l’architecte. En revanche, si le contrat d’entreprise avec l’entrepreneur est résilié de manière anticipée, la prescription quinquennale de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir également à l’égard de l’architecte ou de l’ingénieur responsable des travaux réalisés par cet entrepreneur, au moment de la résiliation anticipée du contrat d’entreprise (consid. 2.1).

En l’espèce, la date de résiliation du contrat d’entreprise avec l’entrepreneur ayant réalisé (au moins en partie) les travaux de terrassement, de structures des villas et d’agrandissement des sous-sols, pour lesquels l’ingénieur était mandaté, constitue ainsi le dies a quo du délai de prescription relatif aux prestations de cet ingénieur. Les activités de l’ingénieur s’étaient arrêtées avant cette date. Ainsi, la date de résiliation du contrat de l’ingénieur ou celle de la fin contractuelle de celui-ci, qui n’a pas été alléguée par les parties, n’est pas déterminante (consid. 2.2).

Analyse de Jean-Rodolphe Fiechter

Die besondere Verjährungsregel für vertragliche Ersatzansprüche gegenüber Architekten und Ingenieure

Contrat d'entreprise

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Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 5A_491/2022 du 11 juin 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai de péremption; art. 839 CC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 1).

Délai de péremption – Dans le délai de péremption de quatre mois, le droit de gage doit être inscrit au registre foncier, au moins provisoirement, au moyen d’une annotation (art. 839 al. 2 CC).

Aucune inscription n’a eu lieu avec la décision de première instance et, au moment du dépôt de l’appel, le délai de péremption était déjà écoulé et une inscription n’aurait ainsi plus pu avoir lieu, indépendamment de la question de la légitimité matérielle du droit de gage. Un éventuel dommage causé de manière illicite par cette situation pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une action en responsabilité de l’Etat (consid. 3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_997/2021 du 02 juin 2022

Servitude; droit de passage; obligations accessoires; art. 730 CC; 20 CO

Obligation accessoire d’accomplir des actes en lien avec une servitude – Le contrat de servitude portant sur un droit de passage à pied, de circulation et de transit est valable, indépendamment de la question laissée ouverte par le Tribunal fédéral, de savoir si les obligations accessoires de la servitude, à savoir la consolidation et le revêtement du chemin, sur une largeur minimale de cinq mètres, pouvaient être attachées à la servitude au sens de l’art. 730 al. 2 CC. En effet, l’existence du droit de passage ne serait remise en question que si les parties contractantes avaient fait dépendre de manière objectivement reconnaissable la constitution de la servitude foncière de la réalisation effective du chemin par le propriétaire foncier grevé et si, selon la volonté présumée des parties contractantes (art. 20 al. 2 CO sur la nullité partielle), celles-ci auraient renoncé au droit de passage en l’absence de la clause portant sur la construction du chemin. Lorsque, comme en l’espèce, tel n’est pas le cas, seuls les effets réels des obligations accessoires de faire peuvent être remis en question (question laissée ouverte), mais pas leur validité contractuelle, ni le contrat de servitude dans son ensemble (consid. 3.4).

Servitude

Servitude

TF 4A_268/2021 du 18 mai 2022

Contrat d’entreprise; prix de l’ouvrage; exécution par substitution; maxime des débats; art. 18, 366, 374 CO; 55, 150 CPC

Maxime des débats (art. 55 et 150 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1).

Prix de l’ouvrage (art. 18 et 374 CO) – L’admission dans un interrogatoire de partie de l’existence d’un rabais de 10% n’a pas d’incidence sur la détermination du prix, lorsque l’on ne parvient pas à déterminer, dans les déclarations concernées, à qui ce rabais aurait dû bénéficier, ni la base de calcul de cet éventuel rabais. Ainsi, l’autorité précédente n’a pas violé les règles sur le fardeau de la preuve ou celle sur l’interprétation du contrat, en ne retenant pas l’existence d’un accord des parties portant sur un rabais de 10 % à calculer sur la valeur nette des travaux accomplis (consid. 4.2).

Exécution par substitution – Selon l’art. 366 al. 2 CO, lequel sanctionne l’exécution défectueuse de l’ouvrage, lorsqu’il est possible de prévoir avec certitude, pendant le cours des travaux, que, par la faute de l’entrepreneur, l’ouvrage sera exécuté d’une façon défectueuse ou contraire à la convention, le maître peut fixer ou faire fixer à l’entrepreneur un délai convenable pour parer à ces éventualités, en l’avisant que, s’il ne s’exécute pas dans le délai fixé, les réparations ou la continuation des travaux seront confiées à un tiers, aux frais et risques de l’entrepreneur. L’existence du contrat d’entreprise initial n’en est pas affectée, nonobstant le changement de nature de l’obligation à exécuter par l’entrepreneur et la mise en œuvre par le maître d’un tiers sur la base d’un second contrat d’entreprise. Le maître reste tenu de payer le prix de l’ouvrage, tel qu’il a été fixé dans le contrat d’entreprise, mais il peut exiger de l’entrepreneur qu’il lui rembourse les frais de l’exécution par substitution. De surcroît, ce dernier assume, en principe, les conséquences, non couvertes par le tiers, d’une mauvaise exécution in rem, puisque cette exécution se fait non seulement aux frais, mais encore aux risques de l’entrepreneur : les deux créances réciproques pourront être éteintes par voie de compensation. Lorsque le maître est en droit de faire appel à un tiers aux frais de l’entrepreneur pour remédier à un défaut de l’ouvrage, il a également le droit d’exiger que ce dernier lui avance les frais de réparation (consid. 5.1).

En l’espèce, le maître de l’ouvrage a opposé à la créance en paiement de l’ouvrage réalisé, la compensation avec sa créance en remboursement des frais de l’exécution par substitution, sans toutefois apporter de justificatif de règlement de la facture. Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, il était ainsi permis de douter de la réalité des frais qui fondent cette créance compensatrice (consid. 5.2).

Contrat d'entreprise

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Prix de l'ouvrage

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Défauts/Garantie

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Procédure

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TF 4A_535/2021 du 06 mai 2022

Contrat de vente d'immeuble; dol; garantie en raison des défauts; art. 18 et 197 ss CO

Garantie pour les défauts (rappel des principes) – Aux termes de l’art. 197 CO le vendeur est tenu de garantir l’acheteur tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure. Constitue un défaut, l’absence d’une qualité promise par le vendeur ou à laquelle l’acheteur pouvait s’attendre selon les règles de la bonne foi. Cette qualité promise doit encore être décisive pour l’acheteur. Toutefois lorsque d’après le cours normal des choses, l’assurance est de nature à emporter la décision de l’acheteur, la causalité est présumée. Afin de déterminer si une indication de qualité par le vendeur devait être considérée comme une promesse, il convient de procéder à l’interprétation du contrat (consid. 5.1).

Interprétation du contrat (rappel des principes) – Art. 18 CO (consid. 5.1.1 à 5.1.3). En l’espèce, faute de pouvoir déterminer la volonté réelle des parties, il apparaît que l’indication d’une surface de 110 m² par la venderesse devait être considérée comme une qualité promise d’après les règles de la bonne foi (consid. 5.2 et 5.3).

Dol et clause limitative de responsabilité, avis des défauts – Dans le contrat de vente, les parties peuvent convenir de supprimer ou de restreindre la garantie pour les défauts. Cependant, toute clause du contrat de vente qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur, les défauts de la chose (art. 199 CO). S’il entend conserver son droit à la garantie des défauts, l’acheteur doit respecter certaines incombances tenant à la vérification de la chose livrée et au signalement des défauts. Lorsque des défauts cachés (que l’acheteur ne pouvait découvrir à l’aide des vérifications usuelles) se révèlent plus tard, l’art. 201 al. 3 CO prescrit de les signaler immédiatement, sinon la chose sera tenue pour acceptée, même avec ces défauts (art. 201 al. 2 et 3 CO). La loi institue une fiction d’acceptation qui entraîne la péremption de tous les droits de garantie. Toutefois, lorsque le vendeur a induit l’acheteur en erreur intentionnellement, il ne peut se prévaloir du fait que l’avis des défauts n’aurait pas eu lieu en temps utile (art. 203 CO). Sont visées non seulement les situations où le vendeur a dissuadé l’acheteur de vérifier la chose vendue et de donner l’avis des défauts, mais aussi les hypothèses de tromperies sur les défauts ou les qualités attendues ; la fiction d’acceptation de l’ouvrage est alors inapplicable (consid. 6.1).

En l’espèce, la venderesse savait que son appartement avait en réalité une surface de 92 m², dès lors qu’elle déclarait régulièrement cette surface dans sa déclaration d’impôts. Par conséquent, la clause limitative de responsabilité est nulle et la venderesse ne peut se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts (consid. 6.2).

Rapport entre les vices du consentement et la garantie pour les défauts – Lorsque l’exécution du contrat de vente est défectueuse, l’acheteur a le choix entre l’invalidation du contrat pour vices du consentement et l’action en garantie des défauts. Lorsqu’il opte pour l’action en garantie des défauts, l’acheteur ratifie implicitement le contrat ; partant, l’action en garantie implique un contrat existant. En l’espèce, en faisant valoir ses droits attachés à la garantie pour les défauts et la différence de surface de l’appartement vendu, l’acquéresse a ratifié implicitement le contrat entaché d’une erreur et fait valoir ses droits attachés à l’exécution imparfaite du contrat, spécifiques au contrat de vente, conformément à la jurisprudence fédérale (consid. 7.1 et 7.2).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_351/2021 du 26 avril 2022

Contrat d'entreprise; exception d'inexécution; art. 82 CO et 153 SIA 118

Exception d’inexécution (rappel des principes) – Celui qui, dans un contrat bilatéral, veut obliger l’autre à s’exécuter doit, selon l’art. 82 CO, soit avoir déjà exécuté, soit offrir d’exécuter, à moins que, d’après le contenu ou la nature du contrat, il ne doive s’exécuter que plus tard. L’art. 82 CO accorde au débiteur une exception suspensive ayant pour effet qu’il peut retenir la prestation exigée jusqu’à ce que la contre-prestation ait été fournie ou offerte. Le créancier peut se contenter d’agir en justice pour obtenir une prestation sans réserve. Il incombe au débiteur de soulever l’exception. Si l’exception est justifiée, c’est-à-dire si le créancier n’a ni fourni ni offert la prestation, le tribunal protège l’action en ce sens qu’il condamne le débiteur à la prestation « trait pour trait », c’est-à-dire à une obligation sous condition suspensive. Il incombe au débiteur de soulever l’exception ; l’autorité ne saurait le faire d’office.

Si le débiteur soulève l’exception, c’est au créancier de prouver qu’il a fourni sa propre prestation ou qu’il l’a dûment offerte, de sorte que l’art. 82 CO déroge au principe selon lequel le fardeau de l’allégation (objectif) incombe à la personne chargée de la preuve. En revanche, l’art. 82 CO n’entraîne pas de renversement du fardeau de la preuve. La règle générale de l’art. 8 CC s’applique : il incombe d’abord au créancier qui veut faire valoir sa créance d’alléguer et de prouver les faits qui permettent d’établir l’existence de sa créance. Le débiteur qui soulève l’exception d’inexécution du contrat doit prouver l’existence de sa contre-créance. Il incombe ensuite au créancier de prouver l’exécution ou la bonne offre de sa propre prestation, ce qui signifie également qu’il supporte les conséquences de l’absence de preuve (consid. 3.1.1).

Interprétation d’un contrat (rappel des principes) – (consid. 3.1.2) ; droit à la preuve (rappel des principes (consid. 3.1.3) ; administration anticipée des preuves (consid. 3.1.4). En l’espèce, l’exception d’inexécution a été soulevée à bon escient. En effet, le droit au solde du prix de l’ouvrage, qui est exigible, et le droit à la réparation, qui est également exigible, s’opposent. L’entrepreneur ayant refusé jusqu’à présent de procéder à la réparation, le maître d’ouvrage doit être condamné à verser le solde du prix de l’ouvrage en échange du remplacement de la tuyauterie litigieuse (consid. 3.3.4 et 3.4). En outre, un décompte final au sens de l’art. 153 de la norme SIA 118 ne constitue pas un contrat de compte courant, qui pourrait être résilié et qui comprendrait toutes les créances ouvertes résultant du contrat d’entreprise et qui pourrait faire échec à l’exception d’inexécution (consid. 3.4.1).

Contrat d'entreprise

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Normes SIA

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TF 5A_745/2021 du 26 avril 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; maxime des débats et caractère réformatoire de l'appel; art. 55 et 318 CPC

Maxime des débats, fardeaux de l’allégation et de la contestation (rappel des principes) – (consid. 2 et 3.3) ; renvoi à une pièce (consid. 2.2.3).

En matière d’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, lorsque la partie demanderesse a établi des rapports journaliers, comportant des inscriptions manuscrites aisément lisibles et précisant quand et pour quelle maison ou pour quel terrain quels travaux ont été entrepris, il incombe à la défenderesse de contester avec précision les travaux, ce qu’elle n’a pas fait dans le cas d’espèce (consid. 2.3.2 et 3.4). Il en est de même s’agissant de l’allégation du délai de quatre mois pour obtenir l’inscription de l’hypothèque ; dans la décision, un renvoi aux pièces est également possible, lorsqu’elle motive séparément que le délai est respecté pour chaque immeuble (consid. 2.4-2.4.3).

Pour prouver l’existence des différents travaux litigieux, plusieurs centaines de pages de pièces justificatives étaient nécessaires avec notamment tous les métrés individuels. Intégrer ces éléments dans l’acte aurait massivement augmenté son volume, sans pour autant fournir davantage d’informations au tribunal ou à la partie adverse et aurait donc équivalu à un véritable travail à vide. En l’occurrence l’acte comprend néanmoins les faits qui sont allégués, du moins dans leurs grandes lignes, de sorte que l’on se trouve précisément dans le cas où une multitude d’informations individuelles sont nécessaires, que le transfert des informations dans une annexe ne constitue pas un alourdissement, mais peut au contraire faciliter aussi bien la lisibilité du mémoire juridique que l’accès aux informations correspondantes (consid. 2.4.4.2).

Caractère réformatoire de l’appel – L’instance d’appel décide selon son appréciation si elle rend une décision réformatrice ou cassatoire. Elle ne peut toutefois prendre une décision réformatrice que si elle est en état de statuer. La procédure est en état d’être jugée lorsque le tribunal dispose de tous les éléments pour statuer sur le bien-fondé ou le mal-fondé de la prétention invoquée ou pour rendre une décision de non-entrée en matière. En outre, la procédure prescrite par la loi doit avoir été menée en bonne et due forme. Les bases factuelles nécessaires à l’appréciation de la prétention litigieuse doivent être disponibles et les parties doivent avoir eu la possibilité de s’exprimer sur toutes les questions pertinentes pour la décision. Aucune demande de preuve formulée conformément à la procédure ne doit rester ouverte sur des questions litigieuses pertinentes pour la décision. Aux yeux du législateur, un renvoi doit en principe être l’exception, sous peine de prolonger inutilement le procès (consid. 4.3.2.1).

Même lorsque le Tribunal de première instance a rejeté la demande pour un défaut de l’allégation, le Tribunal cantonal qui considère que l’allégation de la demanderesse est suffisante peut réformer la décision et rendre une décision au fond.

Procédure

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_478/2021 du 20 avril 2022

Contrat d'entreprise; prix forfaitaire; art. 373 CO

Prix ferme ou prix forfaitaire (art. 373 CO) – Le forfait vaut pour autant que l’ouvrage finalement exigé par le maître corresponde à celui projeté lors de la conclusion du contrat, sans modifications qualitatives ou quantitatives. Des modifications de commande donnent droit à une augmentation du prix en cas de prestations supplémentaires de l’entrepreneur (consid. 4.1). Si l’entrepreneur prétend à une rémunération supplémentaire, il doit prouver avoir fourni une prestation non incluse dans les travaux faisant l’objet du contrat d’entreprise, et partant non couverte par le prix forfaitaire fixé pour ceux-ci. Ceci dit, c’est l’interprétation du contrat qui permet de déterminer quelles prestations avaient été initialement convenues. Comme le souligne finement la doctrine, certaines imprécisions peuvent profiter à l’entrepreneur, dans la mesure où le descriptif des travaux émane du maître (consid. 4.2).

En l’espèce, le recourant maître de l’ouvrage a attendu la procédure judiciaire pour objecter qu’il n’avait jamais approuvé les travaux supplémentaires, les reproches antérieurs étant jugés trop vagues ou concernaient d’autres points litigieux. Ainsi le recourant n’avait certes pas approuvé au préalable et par écrit les travaux supplémentaires, en particulier la rémunération y afférente, mais il a finalement accepté ces travaux exécutés avec l’assentiment de son architecte. Partant, il doit en assumer le surcoût (consid. 5.3).

Contrat d'entreprise

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Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

TF 4A_29/2022 du 19 avril 2022

Contrat de vente immobilière; erreur de base; art. 24 al. 1 ch. 4 et 26 CO

Erreur de base (rappel des principes) – Un contrat n’engage pas celui qui, lors de sa conclusion, s’est trouvé dans une erreur essentielle (art. 23 CO). Une telle erreur existe notamment lorsque l’erreur portait sur un état de fait déterminé que la personne qui s’est trompée considérait, selon les règles de la bonne foi dans les relations commerciales, comme un fondement nécessaire du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO). Outre le caractère subjectif essentiel, il est nécessaire que l’état de fait sur lequel se fonde l’erreur apparaisse aussi objectivement, conformément au principe de la bonne foi dans les relations commerciales, comme le fondement nécessaire du contrat. L’erreur selon l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO peut porter sur un fait futur, mais uniquement si ce fait pouvait être considéré objectivement comme certain au moment de la conclusion du contrat. Il faut en outre que la partie adverse ait dû reconnaître que la certitude de la survenance de l’événement futur était une condition contractuelle pour l’autre partie. Est objectivement essentielle une idée fausse qui est nécessairement commune aux deux parties, consciemment ou inconsciemment, et qui, considérée objectivement, a été une condition indispensable à la conclusion du contrat (consid. 2.1).

Invocation de l’erreur de base en cas de négligence de la personne dans l’erreur – Il peut y avoir une erreur de base au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO même si l’erreur est due à la négligence de la personne qui s’est trompée. La négligence ne prive donc en principe pas l’auteur de l’erreur de l’invoquer, mais elle a en général pour conséquence qu’il doit verser des dommages-intérêts à sa partie adverse conformément à l’art. 26 CO. Le principe de la bonne foi (art. 25 al. 1 CO) constitue toutefois une limite à l’invocation de l’erreur de base. Si, lors de la conclusion du contrat, une partie ne se préoccupe pas de clarifier une question évidente, l’autre partie peut en déduire, selon les règles de la bonne foi, que cette circonstance n’est pas considérée par le partenaire comme un fondement nécessaire du contrat. Un comportement négligent peut donc, justement en relation avec d’autres circonstances, faire apparaître une invocation de l’erreur sur les fondements comme contraire à la loyauté et donc irrecevable (consid. 2.1).

En l’espèce, s’informer trois années avant la vente immobilière d’un possible changement d’affectation du terrain vendu n’est pas suffisant ; une partie contractante consciencieuse aurait dû, avant de signer le contrat, se renseigner auprès de la commune sur les possibilités de changement d’affectation actuelles et pertinentes pour la vente, afin d’éviter toute erreur. Dans ces circonstances, l’acheteur doit se laisser imputer l’absence de clarification comme une négligence et son erreur, selon laquelle le changement d’affectation d’une grange était exclu, doit être imputée à son manque de diligence. Il s’agit donc d’une erreur par négligence au sens de l’article 26 CO (consid. 2.5 et 2.6).

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_415/2021 du 18 mars 2022

Contrat d'entreprise totale; maxime des débats; fardeau de l'allégation et de la contestation - renvoi à une facture; art. 55 CPC

Maxime des débats, fardeau de l’allégation (rappel des principes) – Maxime des débats (consid. 5.1). Dans un premier temps, une allégation de fait ne doit pas contenir tous les détails. Ce n’est que dans la mesure où la partie adverse conteste l’exposé concluant des faits de la partie à qui incombe la charge de l’allégation qu’intervient une charge de la preuve allant au-delà de la charge de l’allégation. Dans ce cas, les allégations doivent être présentées dans un deuxième temps, non seulement dans les grandes lignes, mais aussi de manière suffisamment détaillée et claire pour que la preuve puisse en être acceptée ou que la contre-preuve puisse être apportée (consid. 5.2).

Maxime des débats, fardeau de la contestation (rappel des principes) – Les contestations doivent être suffisamment concrètes pour permettre de déterminer quelles sont les affirmations individuelles du demandeur qu’elles contestent. La contestation doit être suffisamment concrète pour que la partie adverse sache quelle allégation de fait elle doit prouver. Le degré de matérialité d’une allégation influence donc le degré de matérialité requis pour une contestation : plus les différents faits d’un état de fait global sont allégués de manière détaillée, plus la partie adverse doit expliquer concrètement lesquels de ces différents faits elle conteste. Une contestation suffisante permet à la partie chargée de l’allégation de savoir lesquelles de ses allégations elle doit continuer à étayer et lesquelles elle doit finalement prouver (consid. 5.3). Si le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû et renvoie pour cela à bon escient à une facture annexée ou à un décompte détaillé, on peut exiger du défendeur qu’il désigne précisément les positions de la facture ou les points du décompte qu’il conteste. A défaut, la facture ou le décompte sont considérés comme insuffisamment contestés et donc acceptés (consid. 5.3).

Maxime des débats, renvoi à une annexe (rappel des principes) – La jurisprudence du Tribunal fédéral exige que la charge de l’allégation et de la preuve soit en principe remplie dans les mémoires. Le simple renvoi global aux annexes ne suffit généralement pas. Exceptionnellement, si des faits sont allégués dans leurs grandes lignes dans un mémoire et qu’il est renvoyé à une annexe pour les détails, il convient d’examiner si la partie adverse et le tribunal obtiennent ainsi les informations nécessaires d’une manière telle qu’une reprise dans le mémoire apparaîtrait comme un simple exercice vide, ou si le renvoi est insuffisant parce que les informations nécessaires ne sont pas contenues de manière claire et complète dans les annexes ou qu’il faudrait les y chercher. Un accès aisé est garanti lorsqu’une pièce jointe est explicite et qu’elle contient exactement les informations demandées (consid. 5.4).

Allégation nécessaire selon le fondement juridique invoqué – Dans le cas d’une indemnisation d’après le travail fourni (art. 374 CO), le travail invoqué doit être exposé de manière à ce que sa nécessité et son adéquation puissent être vérifiées, ce qui suppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail consacrées à ceux-ci. Toutefois, lorsqu’il ne s’agit pas d’un salaire mais d’une prétention en dommages-intérêts fondée sur un contrat d’entreprise en raison d’une violation d’une obligation accessoire (devoir de diligence) concernant un bâtiment en construction, pour laquelle l’entrepreneur doit répondre selon les principes généraux de la responsabilité contractuelle (art. 364 al. 1 CO en relation avec les art. 97 ss CO), l’on ne saurait exiger une allégation quant à l’adéquation et à la nécessité des travaux effectués par les artisans. De telles exigences sont excessives quant au fardeau de l’allégation, respectivement ne portent pas sur le bon objet à alléguer (consid. 6.2.3), ces questions ne pouvant avoir une portée que s’agissant de l’obligation de réduire le dommage (consid. 6.2.4).

En l’espèce, le dommage était suffisamment allégué, puisque l’existence d’un dommage a été alléguée dans les grandes lignes dans le mémoire de demande, qu’il a été fait référence à deux pièces déterminées du dossier et qu’il ressort de ces pièces différentes positions, classées proprement et clairement par position CFC et mentionnées de manière claire et complète, les frais de remise en état étant au surplus mentionnés en détail, avec le total intermédiaire et le total général, de sorte que les différents postes du dommage ne doivent pas être recherchés ou interprétés d’une quelconque manière (consid. 7.3).

Face à cette situation, la défenderesse s’est contentée de contester le montant total du dommage et a déclaré que le dommage n’était aucunement étayé et démontré. Insuffisante, cette contestation conduit le Tribunal fédéral à considérer que le montant du dommage n’a pas été suffisamment contesté et qu’il doit être considéré comme admis (consid. 7.5 à 7.7).

Procédure

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Contrat d'entreprise

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TF 4A_230/2021 du 07 mars 2022

Responsabilité de l'employeur; relation entre droit civil et droit pénal; art. 53 et 55 CO

Interprétation de l’art. 53 CO – L’art. 53 CO n’est pas limpide mais il en ressort clairement qu’il ne concerne pas l’établissement des faits ni l’illicéité qui en résulte, de sorte qu’il échoit à la procédure civile (jadis du ressort des cantons) de décider si le juge civil est lié ou non par les faits constatés au pénal. Le CPC étant muet sur le sujet, le juge civil n’est pas lié par l’état de fait arrêté par le juge pénal ; il décide selon sa propre appréciation de reprendre ou non les faits constatés au pénal et se prononce librement sur l’illicéité. Ceci dit, rien n’empêche le juge civil de reprendre à son compte les constatations du juge pénal, sachant que ce dernier a des moyens d’investigation plus étendus. Si le juge civil considère qu’il peut suivre l’avis du juge pénal, il rend là une décision d’opportunité (consid. 2.2).

Partant, dans le cas d’espèce, l’instance précédente n’a pas violé l’art. 53 CO en s’écartant de l’analyse des juges pénaux et en reprochant à l’auxiliaire, dans une configuration des lieux particulièrement dangereuse, d’avoir omis de prendre les mesures de protection nécessaires pour éviter à l’un des autres intervenants de marcher sur le trou qu’il venait d’occulter par une fine couche d’isolation (consid. 2.3).

Responsabilité de l’employeur – L’art. 55 CO institue une responsabilité spécifique pour le fait d’autrui, fondée sur un manque de diligence de l’employeur qui est présumé. L’employeur qui tire profit des services de son auxiliaire doit aussi supporter les conséquences de ses manquements (respondeat superior), d’autant que l’intéressé n’a souvent guère les moyens économiques de réparer le dommage causé dans l’exécution de son travail. Pour s’exculper, l’employeur doit prouver qu’il a pris tous les soins commandés par les circonstances concrètes (cura in eligendo, instruendo et custodiendo) ou qu’un comportement diligent n’aurait pas empêché la survenance du dommage. Les exigences envers l’employeur sont élevées ; l’admission de motifs libératoires ne doit être admise que restrictivement. La diligence requise est proportionnelle à la dangerosité du travail de l’auxiliaire. Cela étant, on ne saurait demander l’impossible : il faut s’en tenir à ce qui est raisonnablement exigible dans la marche quotidienne d’une entreprise (consid. 3.2).

En l’occurrence, les juges vaudois n’ont pas enfreint le droit fédéral en considérant que la configuration très dangereuse créée par le recouvrement du trou et l’absence de barrière imposait des mesures telles que celles prescrites (consistant en particulier à demander l’aide d’un des ouvriers présents), même pour un bref instant, sachant que deux autres personnes travaillaient sur ce même étage (consid. 3.3.2).

La responsabilité de l’employeur va au-delà de la responsabilité pour faute classique et il ne peut se prévaloir de sa situation personnelle : il doit prouver avoir pris toutes les mesures dictées par des critères objectifs et les circonstances concrètes. La pratique se montre restrictive dans l’admission des moyens libératoires, ce qui peut notamment être relié à la ratio legis de l’art. 55 CO et aux considérations économiques qui sous-tendent cette règle (consid. 3.5.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 5A_82/2022 du 01 mars 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; inscription définitive; art. 839 CC; 63 CPC

Litispendance rétroactive en matière d’hypothèque légale – Le recourant a déposé une requête de conciliation, en demandant l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs ; l’autorité de conciliation n’est pas entrée en matière sur la requête, faute de compétence matérielle. Le recourant dépose ensuite une demande d’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs auprès du tribunal régional. Le tribunal n’est pas entré en matière sur la demande au motif que ce n’est pas la demande initiale qui a été déposée, mais une demande qui s’en distingue nettement.

La litispendance rétroactive au sens de l’art. 63 al. 1 CPC pour une requête déposée préalablement auprès d’une autorité de conciliation incompétente devant le tribunal compétent est en soi possible, mais suppose que le même acte juridique soit déposé en original, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 2-3).

Le Tribunal fédéral se réfère à sa jurisprudence dans cette constellation (ATF 145 III 428) : le justiciable qui s’est adressé par erreur à l’autorité de conciliation au lieu de saisir directement le tribunal doit déposer la requête initiale, qui avait été déposée auprès de la mauvaise instance, à nouveau en original dans le délai imparti auprès du tribunal compétent. Le Tribunal fédéral justifie sa jurisprudence en cela que la partie concernée peut, le cas échéant, s’exprimer une seconde fois – dans le cadre d’un second échange d’écritures ou oralement lors d’une audience d’instruction ou au début des débats principaux, préalablement aux premières conclusions des parties – sans restriction et ainsi remédier en grande partie aux conséquences négatives de son oubli (consid. 4).

Procédure

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_501/2021 du 22 février 2022

Contrat d'entreprise; demeure de l'entrepreneur et frais d'avocat avant procès; art. 102 et 107 CO

Demeure (rappel des principes) – Lorsqu’une obligation est exigible, le débiteur est mis en demeure par une sommation du créancier (art. 102 al. 1 CO). La mise en demeure est une déclaration du créancier adressée au débiteur, qui exprime qu’il exige la prestation sans retard. La mise en demeure doit désigner la prestation à fournir avec suffisamment de précision pour que le débiteur comprenne ce que le créancier veut exiger. La mise en demeure est une déclaration qui doit être reçue. Il convient de déterminer si les exigences de précision et de clarté sont remplies dans le cas d’espèce, sur la base des circonstances concrètes, par interprétation – en appliquant le principe de confiance (consid. 6.2.1).

En l’espèce, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en admettant que la demanderesse avait mis en demeure la reprise des travaux et non la livraison finale des machines (consid. 6.2.3).

Délai supplémentaire et pourparlers transactionnels – Tant que le créancier n’a pas fait son choix au sens de l’art. 107 CO, il peut fixer un nouveau délai supplémentaire au débiteur. La jurisprudence et la doctrine n’établissent pas de délai général dans lequel un nouveau délai supplémentaire devrait être fixé. Le créancier doit simplement respecter les principes de la bonne foi. En l’espèce, plusieurs mois se sont écoulés entre le premier et le deuxième rappel. Dans l’intervalle, les parties ont continué à avoir des contacts, mais sans que le maître d’ouvrage ait expressément fait un choix au sens de l’article 107 CO. Il faut voir dans cette négociation une prolongation implicite du délai supplémentaire, même si celle-ci n’est pas assortie d’une date précise et ne peut donc pas entraîner d’effets de retard supplémentaires (consid. 6.3).

La location d’un local d’usine pour la machine à livrer peut constituer un poste du dommage (consid. 7).

Frais d’avocats avant procès (rappels des principes) – Les frais d’avocat avant procès peuvent faire partie intégrante du dommage, mais seulement s’ils étaient justifiés, nécessaires et raisonnables, s’ils servent à faire valoir la créance en dommages-intérêts et seulement dans la mesure où ils ne sont pas couverts par l’indemnité de la partie. La partie qui réclame le remboursement des frais d’avocat engagés avant le procès doit démontrer de manière circonstanciée, c’est-à-dire indiquer les circonstances qui plaident en faveur du fait que les dépenses invoquées doivent être considérées comme faisant partie intégrante du dommage et qu’elles étaient donc justifiées, nécessaires et raisonnables, qu’elles servent à faire valoir la créance en dommages-intérêts et qu’elles ne sont pas couvertes par l’indemnité de la partie (consid. 9.1). Les frais d’avocat avant le procès sont en règle générale indemnisés avec les dépens. Cela vaut notamment dans le domaine d’application du CPC. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’ils peuvent être poursuivis séparément en tant que dommage (consid. 9.2.2).

En l’espèce, l’instance précédente a attribué à la demanderesse des frais d’avocat qui ont été engagés à un moment où il fallait déjà s’attendre de manière réaliste à un éventuel procès, de sorte qu’elle s’est fondée sur une délimitation erronée du dommage en accordant à la demanderesse des frais d’avocat avant procès (consid. 9.2.2 et 9.3).

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Contrat d'entreprise

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TF 4A_238/2021 du 08 février 2022

Contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage; art. 374 CO

Caractère dispositif de l’art. 374 CO – Faute d’accord préalable sur le prix de l’ouvrage, il n’y a pas matière à s’écarter de la règle générale et subsidiaire de l’art. 374 CO, selon laquelle le prix doit dans ce cas être déterminé d’après la valeur du travail et les dépenses de l’entrepreneur (consid. 2.2).

Obiter dictum – En l’espèce, le prix de l’ouvrage censé être fixé d’après la valeur du travail et les dépenses de l’entrepreneur (art. 374 CO) a en réalité été établi selon les tarifs en régie d’une association professionnelle. Ce procédé était admissible dans la mesure où il s’agissait d’une pratique usuelle aux dires de l’expert. D’aucuns soulignent qu’on ne saurait se contenter de la preuve d’un tel usage lorsque la disposition légale topique – ici l’art. 374 CO – ne s’y réfère pas : une intégration expresse ou tacite par les parties devrait être établie, le cas échéant indirectement, par renvoi à l’usage incluant lesdits tarifs. Le grief n’ayant pas été soulevé, le recours est rejeté (consid. 2.3).

Contrat d'entreprise

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Prix de l'ouvrage

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TF 4A_455/2021 du 26 janvier 2022

Contrat d'entreprise; intégration de la norme SIA 118 et maxime des débats; art. 55 CPC; 102-107 CO; 55, 153-155 et 190 SIA 118

Intégration de la norme SIA 118 – La norme SIA 118 est le recueil de règles de la Société privée des ingénieurs et des architectes suisses. Selon la pratique du Tribunal fédéral, les règlements d’organisations privées n’ont pas la qualité de normes juridiques, même lorsqu’ils sont très détaillés et exhaustifs, comme par exemple la norme SIA 118. Le Tribunal fédéral ne reconnaît pas la norme SIA 118 comme un usage imposant des règles (regelbildende Übung) et ne s’y réfère que si les parties l’ont élevée au rang de contenu contractuel. Si une partie se réfère à la norme SIA 118, elle doit affirmer et prouver qu’elle est devenue partie intégrante du contrat. Il n’est pas arbitraire de reconnaître que le contenu de la norme SIA 118 est un fait notoire (consid. 5.2).

Si une partie se réfère à la norme SIA 118, elle doit affirmer et prouver qu’elle est devenue partie intégrante du contrat. Il n’est pas arbitraire de reconnaître que le contenu de la norme SIA 118 est un fait notoire (consid. 5.2).

Maxime des débats en cas d’intégration de la norme SIA 118 – Si la norme SIA 118 est intégrée dans le contrat, le tribunal est libre d’apprécier d’office, dans le cadre de l’application du droit, l’ensemble du contrat, y compris la norme SIA 118 reprise globalement. De même, le tribunal peut, sans violer la maxime de disposition, tirer des conclusions sur les obligations contractuelles à partir des différentes dispositions du contrat, même si les parties ne fondaient pas leur prétention en détail sur les clauses contractuelles pertinentes (consid. 5.3.2).

En l’espèce, l’instance précédente pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir les délais de paiement contenus explicitement dans le contrat d’entreprise pour le calcul des intérêts moratoires et écarter le délai de l’art. 154 de la norme SIA 118 (consid. 5.3.3). L’instance précédente a toutefois commis une faute de calcul, de sorte que le recours est partiellement admis (consid. 5.3.4).

Contrat d'entreprise

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Normes SIA

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Procédure

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TF 4A_59/2021 du 25 janvier 2022

Contrat de courtage; salaire du courtier; art. 412 et 413 CO

Salaire du courtier (rappel des principes) – On distingue, selon l’art. 412 al. 1 CO, le courtage par lequel le courtier est chargé d’indiquer à l’autre partie l’occasion de conclure une convention (courtage d’indication) du courtage par lequel le courtier est chargé de négocier la conclusion d’un contrat (courtage de négociation) contre une rémunération. Le contrat de courtage est en général soumis aux dispositions relatives au mandat simple (art. 412 al. 2 CO).

Si le courtier est tenu contractuellement de servir d’intermédiaire pour la conclusion du contrat, l’étendue de ses obligations est déterminée par la convention contractuelle ou la nature de la transaction. Sauf convention contraire, le droit au salaire du courtier suppose un lien de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion effective du contrat principal ou de la transaction cible, un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers étant suffisant. Le lien psychologique peut exister même si les négociations ont été rompues entre-temps, également dans l’hypothèse où le courtier n’a pas été impliqué jusqu’à la conclusion du contrat ou encore si un autre courtier est intervenu. Il n’y a pas de lien psychologique suffisant uniquement lorsque l’activité du courtier n’a pas abouti à un résultat, que les négociations ont été définitivement rompues et que la vente a finalement été conclue sur une toute nouvelle base.

Intervention du courtier – Il incombe au courtier de prouver que son intervention – à savoir son entremise en cas de courtage de négociation ou ses indications en cas de courtage d’indication – a conduit au succès défini contractuellement. Selon l’art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. En raison de la nature dispositive de l’art. 413 al. 1 CO, cela n’exclut pas que le remboursement des frais (art. 413 al. 3 CO), le paiement d’honoraires ou d’une commission puissent être prévus par le contrat de courtage et ce, même dans l’hypothèse où le contrat entre le tiers et le client n’est pas conclu (consid. 3.1.1).

En l’espèce, la demande de reddition de compte est rejetée, les recourants n’ayant ni exposé concrètement quels documents originaux ils n’auraient pas récupérés, ni établi un lien entre la prétendue violation du devoir de diligence de l’intimée et la demande de restitution des honoraires invoquée en conséquence. La demande en remboursement des honoraires est également rejetée, dans la mesure où le courtier s’est seulement engagé à trouver un acheteur pour un prix minimum, tâche qu’il a accomplie avec succès. Dans ce cas, peu importe de savoir si l’intimée a rempli le contrat de courtage et a mérité les honoraires ou de savoir avec qui d’autre, en dehors de l’acheteuse ultérieure de l’immeuble, le courtier a négocié, dans la mesure où il est certain et incontesté que l’immeuble a été vendu grâce aux efforts de celui-ci (consid. 3.3).

Analyse de Marcel Eggler

Contrat de courtage; obligation de diligence; obligation de rendre compte; art. 413a CO; 8 CC; 221 al. 1 let. D; 222 CPC

Contrat de courtage

Contrat de courtage

TF 4A_341/2021 du 15 décembre 2021

Contrat de vente immobilière; représentation; art. 32 et 33 CO

Conditions de validité de la représentation. Selon le système des art. 32 ss CO, lorsque le représentant qui conclut le contrat manifeste agir au nom du représenté, le représenté est lié dans trois cas de figure : (1) lorsque le représenté avait conféré les pouvoirs nécessaires au représentant dans leurs rapports internes (procuration interne ; art. 32 al. 1 CO) ; (2) en l’absence de pouvoirs internes conférés au représentant par le représenté, lorsque le tiers pouvait déduire l’existence de tels pouvoirs du comportement du représenté dans leurs rapports externes (procuration apparente ; art. 33 al. 3 CO) ; et (3) en l’absence de pouvoirs internes conférés au représentant par le représenté, lorsque celui-ci a ratifié le contrat (art. 38 al. 1 CO). Ces règles sont aussi applicables lorsque le représenté est une société anonyme (consid. 4.1).

En l’espèce, l’on ne peut pas retenir l’existence d’une ratification pour des travaux d’assainissement liés à une pollution du terrain constatée après la vente, lorsque l’interlocuteur – au bénéfice d’une procuration limitée dans le temps et expressément limitée à la représentation de la venderesse pour la conclusion de l’acte de vente – a uniquement apposé son visa sur un courrier de la partie acquéresse, après que la procuration a expiré (consid. 6.4).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 5A_664/2021 du 15 novembre 2021

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; principes de disposition; répartition du montant du gage entre les unités d'étages; art. 56 et 58 CPC; 839 CC

L’art. 58 al. 1 CPC prévoit que le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (ne eat iudex ultra petita partium). Il s’agit là de la conséquence principale de la maxime de disposition, qui est l’expression en procédure du principe de l’autonomie privée. Il appartient aux parties, et à elles seules, de décider si elles veulent initier un procès et ce qu’elles entendent y réclamer ou reconnaître (consid. 3.1)

Le juge saisi d’une demande tendant à l’inscription d’une hypothèque légale sur l’immeuble de base alors que les parts d’étages sont déjà grevées n’est, conformément à la maxime de disposition, pas autorisé à répartir d’office le droit de gage sur les parts d’étages mais doit débouter l’entrepreneur de ses conclusions (consid. 3.4).

Procédure

Procédure

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_86/2021 du 02 novembre 2021

Contrat d'entreprise; intégration de la norme SIA 118 en tant que Conditions générales du contrat; art. 93 CPC; SIA 118

Intégration de la norme SIA 118 dans le contrat d’entreprise – rappel des principes. La validité des conditions générales préformulées, dont fait partie la norme SIA 118, est limitée par la règle de l’insolite. Selon cette dernière, sont exclues d’une acceptation globale des conditions générales du contrat toutes les clauses inhabituelles dont l’existence n’a pas été signalée séparément à la partie qui donne son accord. Le caractère inhabituel s’apprécie du point de vue de celui qui donne son consentement au moment de la conclusion du contrat. Il faut notamment tenir compte du fait que la personne qui donne son consentement est ou non au fait des affaires et de la branche : moins elle a d’expérience des affaires ou de la branche, plus une clause aura de chances d’être inhabituelle pour elle. Ainsi, des clauses usuelles dans la branche peuvent être inhabituelles pour une personne étrangère à la branche, mais pas pour une personne connaissant la branche. La connaissance de la branche ou l’expérience commerciale n’exclut toutefois pas nécessairement le caractère inhabituel. Même pour une personne connaissant la branche ou ayant de l’expérience dans les affaires, une clause des conditions générales peut, dans certaines circonstances, être inhabituelle. La règle de l’insolite est un instrument de la doctrine du consensus ; elle concrétise le principe de la confiance, qui vise à protéger la bonne foi dans les relations commerciales et ne vise pas en premier lieu à protéger la partie la plus faible ou inexpérimentée contre la partie la plus forte ou expérimentée (consid. 3.1.1).

Fardeau de la preuve de l’intégration. La simple invocation d’un fait négatif, en l’occurrence l’absence d’expérience invoquée par le maître, n’oblige pas l’entrepreneur à prouver l’expérience de son cocontractant, à défaut de quoi le fardeau de la preuve serait renversé. L’entrepreneur peut ainsi se limiter à contester l’inexpérience de son cocontractant (fardeau de la contestation), ce qui impose une obligation à ce dernier de prouver le fait dont il déduit un droit, à savoir l’application de la règle de l’insolite en sa faveur (consid. 3.1.5.2).

Compensation et prétentions reconventionnelles. Le maître de l’ouvrage invoque la compensation avec la prétention en paiement en raison des défauts liés à l’exécution défectueuse. L’entrepreneur invoque la réception de la chose selon la norme SIA 118 et la reconnaissance du décompte final sans avis de défaut pour contester la prétention en dommages-intérêts lié aux défauts reconnus par expertise judiciaire. Le Tribunal ne peut pas limiter son examen aux prétentions du demandeur mais doit examiner l’entier des prétentions reconventionnelles invoquées en compensation (consid. 3.2).

Valeur litigieuse. Il n’est pas critiquable que les instances cantonales additionnent les valeurs litigieuses des prétentions invoquées en paiement de l’ouvrage et en inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour le calcul de la valeur litigieuse, dans la mesure où les questions juridiques peuvent différer, notamment sur le respect du délai de 4 mois (consid. 5.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

Procédure

Procédure

TF 4A_155/2021 du 30 septembre 2021

Contrat d'architecte; expertise; récusation; art. 49 et 50 CPC

Compétence pour la nomination d’un expert. La décision portant sur la nomination d’un expert et qui se prononce sur des motifs de récusation articulés en amont de cette nomination constitue une ordonnance d’instruction dont la compétence peut être déléguée à un membre du tribunal (consid. 4.4).

Motif de prévention. L’appartenance commune à une institution publique ou privée, un club (Rotary, Lions Club, etc.), un institut, une association professionnelle, un parti politique ou une communauté religieuse ne fonde pas en soi une prévention, sans quoi planerait souvent le risque de ne trouver aucun expert. Cela étant, l’appartenance à une même communauté d’intérêts peut le cas échéant justifier une récusation lorsque le but idéal de l’entité a un rapport étroit avec l’objet du procès. L’expert n’est pas forcément prévenu parce qu’il se rallie à une certaine école de pensée ou à une méthode scientifique, quand bien même l’école ou la méthode est controversée et peut avoir une incidence sur le résultat de l’expertise. Encore faut-il que l’école ou la méthode soit reconnue scientifiquement et ne soit pas manifestement dépassée ou rejetée à une large échelle dans les milieux spécialisés. Les conceptions scientifiques de l’expert ne doivent pas protéger exclusivement le point de vue d’une des parties et donner à penser que le sort du procès n’est plus ouvert (consid. 5.2).

En l’espèce, la fonction de l’expert architecte au sein de l’Union internationale des architectes (UIA) dont il est vice-président ainsi que sa fonction de membre d’honneur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) ne laissent apparaître aucune apparence de prévention ou de partialité (consid. 5.3).

Procédure de récusation. L’art. 49 al. 2 CPC impose d’interpeller « le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné » par la demande de récusation. La prise de position de la personne concernée sert à clarifier l’état de fait tout en lui permettant d’accepter ou de contester le motif de récusation. La jurisprudence concède des dérogations à cette règle tout au plus lorsque la requête est abusive ou manifestement infondée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 5.4).

Procédure

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Expertise

Expertise

TF 4A_627/2020 du 24 août 2021

Contrat de vente immobilière; clause d'exclusion de garanties; art. 199 et 200 CO

Responsabilité du vendeur. La responsabilité du vendeur est moins stricte pour les qualités attendues que pour les qualités promises, puisque, dans le premier cas, le vice doit entraîner (au moins) une diminution notable de l’utilité prévue ou de la valeur (objective) de la chose. Le niveau d’exigence quant à la qualité attendue dépend du contenu du contrat, des règles de la bonne foi et des autres circonstances du cas concret. De manière générale, la perte de valeur ou d’utilité est notable lorsque l’acheteur n’aurait pas conclu le contrat ou l’aurait conclu à des conditions différentes s’il avait connu le vice (consid. 4.1).

Dissimulation frauduleuse. La « dissimulation frauduleuse » au sens de l’art. 199 CO couvre des comportements de dol et de tromperie intentionnelle. Elle est notamment réalisée lorsque le vendeur omet d’aviser son cocontractant d’un défaut alors qu’il a une obligation de renseigner, laquelle peut découler des règles de la bonne foi. Savoir s’il existe un devoir d’informer dépend des circonstances du cas concret. Le vendeur est tenu de détromper l’acheteur lorsqu’il sait – ou devrait savoir – que celui-ci est dans l’erreur sur les qualités de l’objet ou lorsqu’il s’agit d’un défaut (notamment caché) auquel l’acheteur ne peut de bonne foi pas s’attendre, et qui revêt de l’importance pour celui-ci. Ceci présuppose que le vendeur ait une connaissance effective du défaut. L’ignorance due à une négligence même grave ne suffit pas. La connaissance ne doit pas nécessairement être complète ni porter sur tous les détails ; il suffit que le vendeur soit suffisamment orienté sur la cause à l’origine du défaut pour que le principe de la bonne foi l’oblige à en informer l’acheteur. Le vendeur est dispensé d’informer l’acheteur lorsqu’il peut de bonne foi partir du principe que l’acheteur va s’informer lui-même, qu’il va découvrir le défaut sans autre, sans difficultés. La dissimulation doit être intentionnelle ; le dol éventuel suffit (consid. 4.2).

Nulle violation de l’art. 199 CO ne se conçoit donc sur le fondement de garanties qui n’ont pas été données à l’acheteur (consid. 6.2).

Contrat de vente

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Garanties

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